Asie-Pacifique : La Chine effectue un rare test de missile balistique intercontinental

26/09/2024 mis à jour: 08:05
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Il est rare que la Chine communique ouvertement sur ce type de lancements.

La Chine a effectué, hier dans le Pacifique, un rare essai de missile balistique intercontinental, équipé d’une «ogive factice», a annoncé son ministère de la Défense, rapporte l’AFP.

 «La Force des fusées de l’Armée populaire de libération (armée chinoise, ndlr) a lancé avec succès le 25 septembre à 08h44 (00h44 GMT) en haute mer dans l’océan Pacifique un missile balistique intercontinental transportant une ogive factice d’entraînement. Il est tombé avec précision dans la zone maritime prédéterminée», a indiqué le ministère chinois de la Défense. «Ce lancement de missile fait partie du programme annuel d’entraînement de routine de la Force des fusées», il «est conforme au droit et aux pratiques internationales et ne vise aucun pays ou cible spécifiques», a-t-il indiqué.

Le test d’un tel missile dans le Pacifique par l’armée chinoise n’a, semble-t-il, pas été effectué depuis plusieurs décennies. Ce lancement intervient dans un contexte de rivalité sino-américaine dans le Pacifique, de tensions Pékin-Manille en mer de Chine méridionale et d’hostilité entre les autorités chinoises et celles de Taïwan, île qu’elles revendiquent. 

Le ministère n’a pas précisé s’il a été lancé depuis un sous-marin ou depuis la terre. La Chine avait effectué un test de missile balistique intercontinental dans le Pacifique sud dans les années 1980.

Selon un rapport du ministère américain de la Défense publié en octobre 2023, la Chine développe son stock d’armes nucléaires très rapidement. Il a affirmé qu’elle pourrait disposer de plus de 1000 ogives opérationnelles d’ici 2030, soit environ le double d’aujourd’hui. 


La Chine a dénoncé ces conclusions. Elle a réaffirmé que son arsenal nucléaire, très modeste comparé à celui des Etats-Unis, servait uniquement à son «autodéfense».


Pékin s’est toujours engagé à ne jamais utiliser en premier une bombe nucléaire s’il n’était pas lui-même attaqué par une telle arme. D’après les données disponibles en 2023, les Etats-Unis disposaient de 3708 ogives nucléaires et la Russie de 4489, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), qui en comptabilisait 410 pour la Chine.

Pékin et Washington se livrent par ailleurs une intense lutte d’influence dans le Pacifique.
De hauts responsables militaires chinois et américains ont toutefois eu en septembre un entretien vidéo dans le cadre des efforts déployés par les deux puissances pour apaiser les tensions et éviter toute erreur d’interprétation sur leurs intentions. Les Etats-Unis envoient régulièrement des navires de guerre en mer de Chine méridionale pour y contrarier les prétentions territoriales de Pékin, mais aussi à proximité de Taïwan pour y soutenir les dirigeants locaux. La Chine estime que l’île de Taïwan est l’une de ses provinces, qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Les relations Pékin-Taipei se sont dégradées depuis 2016 et l’arrivée à la présidence de l’île de Tsai Ing-wen, puis de son successeur Lai Ching-te en mai 2024, tous les deux étant généralement partisans de liens plus distendus entre  Taïwan et la Chine continentale.


La Chine a modernisé son armée ces dernières décennies et ses dépenses militaires augmentent tous les ans, même si elles restent très inférieures à celles des Etats-Unis. 


Ce renforcement des capacités militaires chinoises suscite la méfiance récurrente de certaines nations voisines, notamment celles avec qui Pékin entretient des différends territoriaux, comme le Japon (pour les îles Senkaku/Diaoyu) et les Philippines (en mer de Chine méridionale).

Des voisins inquiets

L’essai de mercredi n’a pas laissé indifférents les voisins de la Chine. La Nouvelle-Zélande a déclaré hier que l’essai de missile balistique chinois dans le Pacifique sud est «malvenu et préoccupant», et s’est engagée à consulter ses alliés au fur et à mesure que les détails se précisent. «Nous continuons à rassembler des informations supplémentaires» et «les dirigeants du Pacifique ont clairement exprimé leur attente d’une région pacifique, stable, prospère et sûre» a indiqué un porte-parole du ministère néo-zélandais des Affaires étrangères.

Le Japon, qui considère le renforcement militaire de la Chine comme une «préoccupation sérieuse», n’a pas été prévenu par Pékin du test de missile balistique intercontinental qui a eu lieu mercredi, a affirmé le porte-parole du gouvernement nippon Yoshimasa Hayashi. «Il n’y a eu aucun préavis de la part de la Chine» concernant le lancement dans l’océan Pacifique de ce missile, a-t-il déclaré à la presse. «La Chine a continué d’augmenter son budget de défense à des niveaux élevés et de renforcer largement et rapidement ses capacités nucléaires et balistiques», tout en développant ses activités militaires autour du Japon, a-t-il ajouté lors d’un point-presse.

L’Australie a réclamé une «explication». «Le gouvernement australien a demandé une explication à la Chine», a déclaré un porte-parole du ministère australien des Affaires étrangères. «L’Australie est préoccupée par toute action déstabilisatrice et augmentant le risque d’erreur dans la région et consulte ses partenaires régionaux au sujet de ce tir», a poursuivi le responsable. Cet essai «intervient dans le contexte du renforcement militaire rapide de la Chine, qui se déroule sans la transparence et les assurances que la région recherche de la part des grandes puissances», a dit le porte-parole.


L’Australie a annoncé son adhésion en 2021 à l’accord trilatéral d’Aukus avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Dans ce cadre, les trois pays ont lancé, en mars dernier, le programme de coopération concernant les sous-marins nucléaires. L’Australie est membre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad) aux côtés des Etats-Unis, de l’Inde et du Japon. Elle est aussi membre de l’alliance dite «Five Eyes» dans le renseignement avec la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis. 


De son côté, le chef de l’armée philippine s’est dit favorable à un maintien «pour toujours» sur le sol du pays d’un système américain de missiles de moyenne portée dénoncé par Pékin dans un contexte de tensions régionales.

Le système de missiles Typhon a été déployé fin avril aux Philippines dans le cadre d’exercices militaires conjoints, suscitant l’ire de la Chine. Manille a assuré début juillet qu’ils seraient réexpédiés en septembre au plus tard. «En ce qui me concerne, je voudrais avoir les Typhons ici aux Philippines pour toujours, car nous en avons besoin pour notre défense», a déclaré le chef d’état-major philippin, Romeo Brawner, à la presse en marge d’un Salon militaire à Manille.


Le ministre de la Défense, Gilberto Teodoro, interrogé dans le même cadre, n’a pas voulu confirmer des informations de presse selon lesquelles un maintien de ces systèmes d’armement aurait déjà été acté.
En juin, son homologue chinois, Dong Jun, a jugé que le déploiement de ces missiles portait «gravement atteinte à la sécurité et à la stabilité régionales».


Les relations entre Manille et Pékin se sont tendues ces derniers mois avec notamment la multiplication d’accrochages autour de récifs en mer de Chine méridionale que les deux pays se disputent.
Les Philippines sont un des plus proches alliés des Etats-Unis en Asie du Sud-Est. Washington et Manille sont liés depuis 1951 par un traité de défense mutuelle.

Le système de missiles de moyenne portée Typhon peut notamment supporter des missiles Tomahawk, d’une portée de plus de 1500 km.

 

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