Les cimetières de la ville de Annaba sont devenus aujourd’hui le théâtre de pratiques occultes inquiétantes. Des sorciers et des charlatans s’attaquent à ces lieux pour mener des rituels de sorcellerie, créant un climat de malaise chez les personnes qui vont se recueillir sur les tombes de leurs proches.
Les cimetières musulmans de Bouhdid, Zeghouane, Sidi Harb et Boughantas sont particulièrement visés, notamment en raison de leur accès relativement discret. Ils deviennent, à la nuit tombée ou à l’aube, des points de rendez-vous pour ceux qui cherchent à accomplir des rituels de magie noire. «Des gens viennent souvent discrètement, parfois accompagnés de charlatans, pour enterrer des objets sous les tombes», explique un ancien gardien. Des pratiques similaires ont été observées à Zeghouane et Boughantas, où les visiteurs nocturnes laissent des traces de leur passage.
Cependant, les multiples arrestations opérées dans le milieu des sorciers ont poussé ces derniers vers une nouvelle tendance inquiétante. Désormais, le cimetière chrétien, jouxtant le nouveau siège du tribunal de Annaba, n’est pas épargné. Sur place, la scène est troublante. Plusieurs caveaux sont éventrés et des tombeaux sont renversés faisant apparaître parfois des ossements. Selon certaines sources, ces derniers seraient utilisés dans des rituels et vendus à des prix exorbitants sur «le marché noir de la sorcellerie».
«Une hanche peut se vendre jusqu’à 30 millions de centimes», confie un témoin. Mais les ossements ne sont pas les seuls objets convoités. Des statues en bronze et des tôles en zinc, recouvrant certains cercueils, sont également pillées. Même les objets précieux, tels que bagues et dents en or, sont arrachés aux cadavres pour être écoulés à prix d’or, notamment via les réseaux sociaux.
Les cimetières musulmans, quant à eux, sont le théâtre d’autres types de rituels. Il est courant de découvrir des objets enfouis sous les tombes comme des photos de personnes, des poupées en tissu et des talismans recouverts d’inscriptions mystérieuses et indéchiffrables. Selon des spécialistes de la religion et de la culture populaire, ces pratiques visent à nuire à des individus en manipulant des forces occultes, une croyance profondément ancrée dans certaines franges de la société. Le phénomène de la sorcellerie n’est pas nouveau en Algérie, mais son expansion dans les cimetières musulmans et chrétien de Annaba est inquétante.
Sécurité renforcée et caméras de surveillance
Des efforts pour endiguer ce phénomène se heurtent à plusieurs obstacles. D’une part, ces pratiques restent en grande partie clandestines, et d’autre part, elles sont souvent perçues comme des croyances enracinées, difficiles à éradiquer par des actions purement répressives. Face à l’ampleur du phénomène, des mesures de sécurité ont été réclamées.
Il est suggéré de renforcer la surveillance des cimetières. «Assurer un gardiennage permanent et couvrir l’espace des cimetières par des caméras de surveillance nocturne sont une option plausible pour laisser les morts reposer dans la paix», préconise-t-on. Cependant, une sensibilisation de la population et une collaboration entre les autorités religieuses, les citoyens et les forces de l’ordre permettront d’endiguer la propagation de ces pratiques occultes. La société civile appelle à une prise de conscience collective.
Ces pratiques portent atteinte à la mémoire des défunts et au respect des lieux de repos éternel. Dans ce contexte, certains leaders religieux exhortent la population à se tourner vers la foi et à éviter de succomber à la tentation des solutions occultes pour résoudre leurs problèmes personnels. Il est à rappeler que la profanation de sépultures est punie par la loi. L’article 60 du code pénal 09/23 décembre 2006 punit de 5 à 10 ans d’emprisonnement assortis d’une amende allant de 20 000 à 100 000 DA pour les sépultures des martyrs et une amende de 20 000 DA et 6 mois d’emprisonnement pour les autres tombes.