Emboîtant le pas aux dirigeants des Etats-Unis, de l’Egypte et du Qatar, soit les trois pays qui assurent la médiation en vue d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, et qui ont invité jeudi dernier les deux parties à reprendre les pourparlers, trois dirigeants européens, et pas des moindres, ont appelé à «la reprise immédiate des négociations» entre Palestiniens et Israéliens.
Dans une déclaration conjointe rendue publique hier et signée par le président français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le Premier ministre britannique, Keir Starmer, il est précisé : «Nous, dirigeants de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni, saluons le travail inlassable de nos partenaires du Qatar, de l’Egypte et des Etats-Unis en vue d’un accord de cessez-le-feu et de la libération des otages. Nous approuvons la déclaration commune de son altesse cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, du président Al Sissi et du président Biden appelant à la reprise immédiate des négociations. Nous convenons qu’il ne peut plus y avoir aucun délai supplémentaire. Nous avons travaillé avec toutes les parties pour éviter l’escalade et nous ne ménagerons aucun effort pour réduire les tensions et trouver une voie vers la stabilité. Les combats doivent cesser tout de suite et tous les otages encore détenus par le Hamas doivent être libérés. La population de Ghaza a urgemment besoin d’une livraison et d’une livraison sans entrave aucune d’aide.»
«Aucun pays n'a à gagner d'une nouvelle escalade»
Dans leur déclaration solennelle, les trois dirigeants européens ont également appelé l’Iran à la retenue, ceci au moment où Téhéran a clairement fait part à plusieurs reprises de sa ferme intention de riposter à la dernière agression israélienne après l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas, sur son territoire. «Nous sommes profondément préoccupés par l’aggravation des tensions dans la région et unis dans notre engagement en faveur de la désescalade et de la stabilité régionale. Dans ce contexte, et en particulier, nous appelons l’Iran et ses alliés à s’abstenir d’attaques qui aggraveraient encore les tensions régionales et compromettraient la possibilité de parvenir à un cessez-le-feu et à la libération des otages. Ils porteront la responsabilité des actions qui compromettent cette opportunité de paix et de stabilité. Aucun pays ou nation n’a à gagner d’une nouvelle escalade au Moyen-Orient», ont-ils souligné.
Cette déclaration intervient au lendemain de la réponse donnée par le Hamas aux pays médiateurs invitant les deux parties à reprendre les discussions le jeudi 15 août. Le Hamas a rejeté à demi-mots cette offre, arguant du fait que l’accord autour duquel les deux protagonistes devraient négocier est le plan en trois phases proposé récemment par Joe Biden. Pour rappel, ce plan avait été approuvé par le Hamas début juillet et rejeté au dernier moment par Israël.
«Dimanche, les efforts de la Maison-Blanche ont connu un revers significatif lorsque le Hamas a annoncé qu’il rejetait l’invitation des Etats-Unis, du Qatar et de l’Egypte à un dernier cycle de négociations sur la prise d’otages à Ghaza et sur l’accord de cessez-le-feu prévu jeudi», écrit le site américain Axios. Selon l’AFP, le mouvement de résistance palestinien a appelé avant-hier les Etats-Unis, le Qatar et l’Egypte à «présenter une feuille de route pour appliquer le plan fondé sur la vision de Biden et les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU plutôt que de mener plus de négociations ou d’amener de nouvelles propositions».
Il faut dire aussi que la dernière boucherie israélienne à l’école Al Tabaeen, tuant plus de 93 personnes, n’a fait qu’envenimer les choses. Pour le Hamas, reprendre les discussions dans un tel contexte «donne une couverture» aux massacres sionistes. Sans compter le froid jeté sur les négociations par l’assassinat du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Pour sa part, Israël a annoncé qu’il enverra une délégation jeudi pour la reprise des pourparlers. Commentant la réponse du Hamas, un porte-parole du gouvernement israélien, cité par Al Jazeera, a jeté la faute sur le mouvement dirigé désormais par Yahya Sinwar en déclarant : «Le Hamas impose de nouvelles conditions et refuse de parvenir à un accord.»
Les trois phases du Plan Biden
Le 31 mai, Joe Biden avait émis une proposition d’accord en trois phases, et c’est à celle-là que fait référence le Hamas. La première phase préconise une trêve de six semaines, durant laquelle l’armée israélienne devrait se retirer des zones les plus densément peuplées de la bande de Ghaza. Durant cette phase également, le Hamas procéderait à la libération d’un certain nombre d’otages retenus dans l’enclave palestinienne, tandis qu’Israël ferait de même en libérant un grand nombre de prisonniers palestiniens.
Le «plan Biden» recommande en outre la restitution des corps des otages tués à leurs familles. Il prévoit aussi le retour des civils déplacés, y compris dans le nord de Ghaza, ainsi qu’une augmentation significative de l’aide humanitaire à hauteur de 600 camions par jour. A l’issue de cette première phase, les deux parties doivent s’entendre sur la seconde phase. Celle-ci porterait sur les termes de l’accord devant conduire à l’arrêt définitif des combats. Au cours de cette deuxième phase, tous les otages seraient libérés. En contrepartie, l’armée israélienne se retirerait de l’ensemble de la bande de Ghaza. La troisième phase sera notamment axée sur la mise en place d’un plan de reconstruction de Ghaza. Quant à l’avenir du Hamas dans l’enclave, à ce stade, la proposition de Joe Biden interdit au mouvement de reconstituer ses capacités d’attaque sous peine de voir «Israël reprendre ses opérations militaires».
On l’a vu : l’appel des trois dirigeants européens ne s’est pas limité à la situation en Palestine mais a insisté sur la désescalade dans l’ensemble de la région. C’est que depuis la série d’assassinats ciblés perpétrés par Israël, le Moyen-Orient est au bord de l’explosion. Au Liban, les échanges de tirs entre le Hezbollah et Israël sont quasi quotidiens et se sont intensifiés depuis l’assassinat de Fouad Chokr, un haut cadre militaire du parti chiite libanais, tué le 30 juillet dans une frappe israélienne en plein Beyrouth. Ces risques d’embrasement ont poussé les Etats-Unis à renforcer leur présence militaire dans la région. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, «a pressé le porte-avions USS Abraham Lincoln et ses escortes de se déployer plus vite dans la région», a annoncé dimanche le Pentagone. «Il a aussi ordonné au sous-marin nucléaire lanceur de missiles de croisière USS Georgia d’aller dans la même zone», précise l’AFP.
Selon le site Axios, «l'Iran se prépare à attaquer Israël d'ici quelques jours». Le média en ligne américain cite «deux sources ayant une connaissance directe du sujet», plus précisément des sources du renseignement israélien. «L’évaluation mise à jour de la communauté du renseignement israélien est que l’Iran est sur le point d’attaquer Israël directement en représailles à l’assassinat du leader politique du Hamas à Téhéran, et qu’il le fera probablement d’ici quelques jours», ont-elles déclaré à Axios. Ces sources croient savoir en outre que cette «attaque pourrait avoir lieu avant les négociations sur la prise d’otages et le cessez-le-feu à Ghaza prévues jeudi» et que «les attaques du Hezbollah et de l’Iran seraient probablement plus importantes que celle menée par l’Iran en avril dernier».
Mustapha Benfodil
Le CICR souligne «le déclin de la conscience humaine» envers les civils
La présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spolijaric Egger, a souligné, hier, «le déclin de la conscience humaine» envers les civils à Ghaza, soumis à une guerre génocidaire sioniste qui se poursuit depuis le 7 octobre 2023. «Nous avons lancé des centaines d’appels concernant Ghaza, mais nous assistons à un déclin de la conscience humaine, et j’appelle les dirigeants du monde à considérer le droit international humanitaire comme une priorité politique», a-t-elle affirmé. Mme Egger a souligné que «le droit international humanitaire est le seul moyen de réduire le coût des conflits». Depuis le début de l’agression sioniste génocidaire contre la bande de Ghaza, le 7 octobre 2023, la situation humanitaire dans le territoire palestinien assiégé reste désastreuse, la quasi-totalité des 2,4 millions d’habitants ayant été déplacée, souffrant de pénuries alimentaires. Cette agression barbare contre l’enclave palestinienne a fait jusque-là 39 790 martyrs depuis le 7 octobre, en majorité des femmes et des enfants, selon les données du
ministère palestinien de la Santé.