A l’est de Boumerdès, la collecte est assurée principalement par S. Mezghiche. Très connu dans la région, lui aussi prédit des lendemains difficiles pour la filière lait. Il y a quelques années, son entreprise employait une quinzaine de personnes et collectait jusqu’à 20 000 litres par jour. La situation a beaucoup changé. Le lait se fait désormais de plus en plus rare chez les éleveurs.
Décidée avant-hier à l’issue du Conseil des ministres, l’augmentation des marges bénéficiaires des distributeurs et des usines de production du lait subventionné n’a pas laissé les éleveurs laitiers et leurs représentants indifférents.
Le président Tebboune a en effet donné des instructions pour augmenter la marge bénéficiaire d’1 DA/litre de lait pour les usines et 2 DA pour les distributeurs.
Considérés comme le maillon faible de la filière lait, les éleveurs n’ont pas été concernés par cette mesure tant attendue.
Cela bien que la plupart d’entre eux se débattent dans des difficultés insurmontables à cause de la cherté de l’aliment de bétail. Une situation qui a contraint beaucoup d’éleveurs à vendre leur cheptel et à changer d’activité.
Pour Tamni Azzedine, président du Conseil national interprofessionnel de la filière lait (CNIFL), les éleveurs méritent plus de soutien de la part de l’Etat afin de préserver et développer la filière. «Nous ne sommes pas contre ce qui a été décidé par le Président.
Bien au contraire. Les distributeurs et les usines de lait méritent des augmentations de leurs marges bénéficiaires, car celles-ci n’ont pas été augmentées depuis 2001», souligne-t-il.
Accusés parfois de tous les maux, les distributeurs perçoivent à présent 90 centimes (moins d’un dinar) pour chaque litre de lait.
Les transformateurs, eux, touchent une marge de 0,4 centimes pour chaque litre produit. «Les gens pensent qu’on gagne des milliards alors que pour un chargement de 4000 sachets, on n’obtient que 3600 DA de bénéfice.
Ce qui est insignifiant par rapport à nos charges. Depuis un an, on est obligés de payer une taxe de 1000 DA pour chaque chargement. Il ne faut pas oublier aussi que le distributeur ne travaille pas seul. Il a au moins un employé qui l’aide à décharger et à charger la marchandise.
En tout cas, ce n’est pas la première fois qu’on entend parler d’augmentations de la marge, mais on n’a rien vu dans les faits», tempête un fournisseur.
Mais les consommateurs ont une autre idée sur ces transporteurs de lait, devenu de plus en plus rare dans les supérettes. «Il y a ceux qui vendent le lait à 35 DA, et personne n’ose leur demander pourquoi», dénonce un retraité.
Selon le président du CNIFL, l’Algérie compte 300 000 éleveurs environ. «Il y en a beaucoup qui sont en difficulté.
Les pouvoirs publics comptent tout revoir pour restructurer la filière et réduire les importations de la poudre de lait. Il y a un travail qui a été fait concernant la sauvegarde des génisses, l’augmentation des forages, l’insémination artificielle, les taxes, etc.
On attend les résultats», indique-t-il. Les éleveurs estiment qu’ils sont les premiers qui doivent être aidés par l’Etat. «Tout se fait à l’envers dans ce pays. Beaucoup parmi nous travaillent à perte.
Les vendeurs de cigarettes gagnent mieux que nous», martèle Argoub Taieb, président de l’Association des éleveurs de vaches laitières dans la wilaya de Boumerdès. «Il y a quelques années, on était 4000 à travers la wilaya.
On produisait jusqu’à 60 millions/litres par an. L’année passée, la production a chuté à 9 millions de litres car la moitié des éleveurs ont changé d’activité. Moi-même je pense à vendre mon cheptel.
Il n’y pas longtemps, j’avais 18 vaches et je produisais jusqu’à 300 litres par jour. Aujourd’hui, j’en ai 6 et elles me donnent entre 70 et 80 litres/j», précise-t-il, avant de se plaindre de la cherté de l’aliment. «Tout a augmenté. Le maïs est passé de 2400 à 7500 DA/q alors que l’aliment est cédé parfois à 8000 DA/q.
Même le son gros, qui est censé être un déchet, est inabordable sur le marché. Son prix a atteint 2140 DA alors qu’il est plafonné à 1800 DA par l’Etat. En revanche, le prix du lait a augmenté de 5 DA en 20 ans. Il est à 50 DA alors que son prix de revient dépasse 80 DA», dénonce-t-il.
Malgré les requêtes des fermiers, la vente de son gros n’a pas été épargnée par la spéculation. La semaine passée, des dizaines d’éleveurs des localités de l’est de Boumerdès ont protesté devant l’Eriad de Baghlia pour dénoncer la hausse injustifiée du prix de ce produit.
Les collecteurs de plus en plus rares
«On nous dit que ces augmentations correspondent au montant de la TVA alors que l’aliment de bétail est exonéré d’impôts», rappelle Ahmed Sabri, le représentant local du Cnifl. Et de renchérir : «L’Etat accorde à présent 4 kg de son subventionné pour chaque vache.
Cela a été décidé en 2014, mais ne concerne malheureusement pas les génisses. Comment voulez-vous que ces dernières ne soient pas abattues par les éleveurs.» A Tizi Ouzou, les éleveurs n’écartent pas la possibilité de renouer avec la protesta afin de se faire entendre.
«On est 3600 à travers la wilaya. Il n’y pas longtemps, on dépassait 5000. Nous avons déjà convenu d’une réunion jeudi prochain pour débattre de nos problèmes et des actions à entreprendre en vue d’attirer l’attention des pouvoirs publics», précise Ikken Tahar, délégué du Cnifl.
Aujourd’hui, même les collecteurs espèrent un geste des pouvoirs publics pour la sauvegarde de leur activité.
Ces derniers ont droit à une marge de 5 DA pour chaque litre de lait collecté auprès des éleveurs. «Cette marge n’a pas été augmentée depuis 10 ans.
Beaucoup de gens qui font ce travail ont fait faillite. La collecte est assurée surtout par des jeunes ayant obtenu des crédits Ansej. Et le meilleur gagne 2500 DA/j les véhicules utilisés sont équipés de citernes de 500 litres», se plaint Rachid.
A l’est de Boumerdès, la collecte est assurée principalement par S. Mezghiche. Très connu dans la région, lui aussi prédit des lendemains difficiles pour la filière lait.
Il y a quelques années, son entreprise employait une quinzaine de personnes et collectait jusqu’à 20 000 litres par jour. La situation a beaucoup changé. Le lait se fait désormais de plus en plus rare chez les éleveurs.