Composé d’une dizaine d’avocats, le collectif de la défense de l’ancien dirigeant de la JS Kabylie Cherif Mellal était unanime à clamer l’innocence
de ce dernier, en évoquant de «graves violations de la procédure». L’affaire est mise en délibéré pour le 23 octobre. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Youcef Belmehdi, a affirmé, jeudi à Alger, que l’opération de recensement, de documentation et de numérisation des biens wakfs en Algérie se poursuit.
Prononcé en six minutes, le réquisitoire du procureur du pôle pénal financier et économique près le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) contre l’ancien dirigeant de la JSK Cherif Mellal a glacé aussi bien le prévenu que sa défense, surtout que le représentant du ministère public n’a pas argumenté sa demande d’une peine maximale de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de 8 millions de dinars pour les délits de «transfert illicite de fonds de et vers l’étranger» et «blanchiment d’argent». Il s’est contenté de rejeter le «vice de forme» lié à la prescription des faits qui, selon la défense, ont «largement dépassé les délais de trois ans impartis par la loi», avant de faire état de sa demande.
Une douche froide pour la défense, qui durant sept heures a tenté, mercredi, de déconstruire toute l’accusation et ses argumentations, avant que le juge n’annonce la mise en délibéré de l’affaire pour le 23 octobre prochain. Composé d’une dizaine d’avocats, le collectif de la défense de Cherif Mellal est unanime à présenter ce dernier tantôt comme «victime d’un règlement de compte», tantôt comme «bouc émissaire». Pour la défense, «l’enquête a été menée en dehors de toute norme judiciaire. Les faits ont été de toutes pièces contre celui qui dérangeait par son intégrité et son honnêteté».
Des phrases revenues dans la bouche de la majorité des avocats. Me Fetta Sadate précise au juge que son mandant a présenté «toutes les preuves et tous les documents susceptibles de prouver son innocence et de battre en brèche toutes les calomnies et rumeurs sur lesquelles se fonde l’accusation (…)», puis déclare au juge : «Je pourrais être d’accord avec le représentant du ministère public, lorsqu’il évoque l’application de l’article 212 du code de procédure pénale, relatif à la prescription, mais je ne suis pas d’accord avec lui sur sa demande très, très dure.
Effectivement, 10 ans de prison ferme c’est très lourd.» L’avocate revient sur l’audition en disant : «A travers l’interrogatoire, je retiens, en me référant au dossier judiciaire, que Cherif Mellal, placé sous mandat de dépôt le 19 janvier 2023, soit depuis 22 mois, n’est qu’une victime dans l’affaire, devenue une source d’inquiétude pour certains» car, ajoute-t-elle, «de manière étrange et unique, pour la première fois dans mon parcours professionnel, je retrouve le même dossier, entre autres, au niveau de la police judiciaire».
Me Sadate poursuit sous le regard attentif du juge : «Bien plus, monsieur le président. Lorsque l’on lit le contenu du dossier, on remarque qu’il est passé par la sûreté de wilaya de Tizi Ouzou, où les enquêtes préliminaires ont été ouvertes. Elles ont confirmé que Cherif Mellal n’a commis aucun acte criminel, le dossier a donc été classé en 2021, puis rouvert en 2023. Le même dossier a été ravivé à Alger. C’est une affaire très dangereuse et grave. Ce genre d’actions est inacceptable. Je ne savais pas que Cherif Mellal était l’Escobar de l’Algérie.»
L’avocate dirige son regard vers Mellal en disant : «Monsieur le président, mon mandant est un homme honnête, un citoyen qui aime son pays et qui souhaite investir dans celui-ci. Pourquoi toute cette rapidité dans les procédures afin d’aboutir à son incarcération ?» Lui emboîtant le pas, Me Abdellah Haboul revient sur la commission rogatoire délivrée par le Luxembourg en 2020, dans le cadre de soupçons sur des faits de «blanchiment d’argent» et «banqueroute frauduleuse».
Selon lui, le juge d’instruction du tribunal de Luxembourg «a demandé à la justice algérienne une assistance juridique relative aux informations, faits et documents relatifs à Cherif Mellal, à son frère Ghilas et à l’équipe de la JSK, en plus des opérations d’importation de voitures. La demande luxembourgeoise a été faite sur la base de la Convention onusienne contre la criminalité transnationale organisée.
Cette commission, arrivée au ministère de la Justice, était censée, conformément à l’article 721 du code de procédure pénale, être transmise au juge d’instruction du tribunal de Tizi Ouzou, chargé de son exécution». Au sujet du troisième dossier qui concerne l’achat, en Allemagne, par Mellal et son épouse d’une maison familiale pour un montant de 270 000 euros, l’avocat crie : «Monsieur le président, ces gens ne savent-ils pas que l’article 143 de la loi de la monnaie et du crédit définit qui est une personne résidente et qui ne l’est pas ? Mellal Cherif était non résident en Algérie. Il vivait depuis 26 ans en Allemagne. La maison a été achetée en 2012, grâce à un prêt bancaire qu’il paie à ce jour.»
«Il faut s’interroger sur le retour de manivelle !»
L’avocat aborde par la suite le 4e dossier, qui a trait aux opérations d’exportation de véhicules du Luxembourg vers l’Algérie en disant : «Ils parlent d’exportation comme si Mellal était en Algérie et non pas en Allemagne. Où sont les factures ? Je ne les vois pas. Les services des Douanes algériens n’ont jamais reproché quoi que ce soit à ses sociétés et je vous défie de trouver une seule infraction à la loi.»
A propos du 5e et dernier dossier accusant Mellal de contrebande pour un montant de 500 000 euros entre juin et octobre 2022, il demande au juge comment la somme a pu être transférée : «Comment Mellal a envoyé ce montant ? Où sont les preuves d’une telle opération ? Où a-t-il été arrêté avec cette somme ? A l’aéroport ? Au port, ou à des postes frontaliers terrestres ?» Et de conclure par une autre question : «Comment se fait-il que ces 5 rapports d’inspection soient rédigés au même moment ?» Me Haboul clame l’innocence de Mellal, avant de réclamer son retour à sa famille.
Abondant dans le même sens, Me Abdennour Ouassal décortique les opérations bancaires sur lesquelles se base le dossier judiciaire et explique : «Les documents sur lesquels reposent l’affaire se résument en des messages télégraphiques, appelés Swift, infondés. La défense a d’ailleurs déposé le 10 décembre 2023, au secrétariat du juge d’instruction, un mémoire, appuyé par un dossier contenant des pièces prouvant l’inexactitude de ce qui a été dit, dans l’espoir qu’ils soient exclus de l’instruction, en vain. Mellal a été inculpé sur de fausses charges.
En tant que collectif de sa défense, nous avons été contraints, à la demande de ce dernier, du prévenu, de déposer une plainte officielle devant le procureur général près la cour d’Alger, en date du 17 septembre 2024, sous le numéro 24/17353, pour contester le faux dans les procès-verbaux de constat élaborés dans le cadre de ce dossier. L’affaire est actuellement en instruction.»
Pour sa part Me Said Zahi ne met pas de gants pour qualifier l’affaire de «dossier préfabriqué». «Le dossier a été classé la même année. Mais il faut s’interroger sur le retour de manivelle contre l’ancien dirigeant de JSK», dit-il. Puis il s’interroge : «Comment se fait-il que Mellal dépose un dossier lié à la gestion et la corruption au sein du club le 15 janvier 2023, et le 18, soit trois jours après, il est arrêté et poursuivi sur la base de procès verbaux sans fondements ?
Il y a eu de graves violations de la procédure dans cette affaire. Le dossier qui avait été classé à Tizi Ouzou, s’est retrouvé à Alger, sans ordre de transfert du parquet général ou du juge et sans aucune demande émanant du juge d’instruction du pôle pénal financier près le tribunal de Sidi M’hamed.» D’autres avocats ont développé les mêmes arguments, avant que le président du tribunal ne lève l’audience vers minuit après avoir mis l’affaire en délibéré pour le 23 octobre.