Après la démission d'un haut cadre des affaires étrangères britanniques : Plainte d’avocats pour stopper la vente d’armes à Israël

21/08/2024 mis à jour: 03:20
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Photo : D. R.

Le refus du nouveau gouvernement travailliste du Royaume-Uni d’arrêter les exportations d’armements vers Israël en raison de la guerre génocidaire qu’il mène  contre la population de Ghaza suscite une contestation interne de plus en plus importante à Londres.

Alors qu’il avait promis publiquement d’imposer un embargo sur les armes à destination d'Israël, en raison de la guerre génocidaire qu’il mène à Ghaza, le Premier ministre travailliste britannique, Keir Starmer, qui avait conduit son parti à une écrasante victoire, lors des élections générales du 5 juillet,  a annoncé qu’il retardait décision, après avoir décidé d’abandonner (la veille de l’expiration du délai) la requête d’opposition déposée  par son prédécesseur, devant la Cour pénale internationale (CPI), contre les mandats d’arrêt internationaux réclamés par le procureur en chef de cette juridiction,  contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour les crimes commis à Ghaza. Les raisons de ce report, a-t-il déclaré à la presse britannique,  sont liées à l’escalade des tensions avec le Hezbollah au Liban et l’Iran.

Les réactions à cette mesure ne se sont pas fait attendre, surtout que Londres est parmi les principaux fournisseurs de composants des avions de combat américains, F35, des hélicoptères et des équipements radar,  qu’utilise Israël dans ses opérations génocidaires dans l’enclave palestinienne. Lundi, un groupe d’avocats a saisi la Cour suprême à Londres, et demandé une ordonnance empêchant le gouvernement d’accorder des licences d’exportation d’armes vers Israël.

«Des Palestiniens sont torturés, laissés sans soins à l’hôpital et incapables d’échapper aux bombardements constants», ont affirmé les avocats dans leur requête pour argumenter leur demande qui s’appuie, selon le journal britannique The Guardian, sur «14 témoignages couvrant plus de 100 pages, qui proviennent de médecins palestiniens et occidentaux travaillant dans les hôpitaux de Ghaza, ainsi que d’ambulanciers, d’employés de la Défense civile et de travailleurs humanitaires».

Pour les avocats, «ces preuves» montrent que le gouvernement de Sa Majesté «a agi de manière irrationnelle en refusant d’interdire la vente d’armes,  en faisant valoir qu’il n’y avait pas de risque clair que les armes soient utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire. C’est le critère légal qui permet au gouvernement de décider s’il doit accorder des licences d’exportation d’armes. Le gouvernement travailliste est en train de revoir cette politique».

Les témoignages signés, a précisé la même source,  «ont été présentés au tribunal par des témoins tous identifiés», mais seuls deux d’entre eux ont été cités par le journal britannique,  «en raison de la nécessité de protéger les familles de Ghaza de représailles potentielles».

L’affaire, dont l’examen est prévu les 8 et 10 octobre prochain, a été engagée au nom de plusieurs ONG, dont  Al-Haq, Global Legal Action Network, Amnesty International, Oxfam et Human Rights Watch. Pour The Guardian, «c’est la première fois que des témoignages aussi explicites sur les crimes de guerre présumés commis par Israël sont présentés à un juge britannique» depuis les attaques du 7 octobre dernier.

«Gymnastique juridique»

Les plaignants ont repris, entre autres, le témoignage du Dr Khaled Dawas, chirurgien consultant à l’hôpital universitaire de Londres, selon lequel «les conditions de vie dans les hôpitaux lors de ses deux voyages  correspondaient à ce qu’il imaginait être la médecine médiévale» en précisant que «bon nombre de ses patients avaient été victimes de tirs de snipers».

Le refus d’imposer un embargo sur les armes à destination d'Israël, en dépit de la guerre génocidaire que mène Israël à Ghaza, a poussé un haut fonctionnaire du ministère de des Affaires étrangères, Mark Smith, spécialiste de la vente d’armes,  à démissionner de son poste, il y a trois jours.

Dans ses déclarations à la presse, Smith est revenu sur sa décision et les raisons qui l’ont poussé à la prendre. «Des membres haut placés du gouvernement et de l’armée israéliens ont exprimé ouvertement leur intention de commettre un génocide.

Les soldats israéliens prennent des vidéos où ils brûlent, détruisent et pillent délibérément des biens civils (…) Plus de la moitié des maisons de Ghaza et plus de 80% des propriétés commerciales de Ghaza ont été endommagées ou détruites (…) Des rues entières et des universités ont été détruites, l’aide humanitaire est bloquée et les civils se retrouvent régulièrement sans abri. Les ambulances du Croissant-Rouge sont attaquées, les écoles et les hôpitaux sont régulièrement pris pour cible.

Ce sont des crimes de guerre (…) il n’y a aucune justification à la poursuite des ventes d’armes du Royaume-Uni à Israël, et pourtant, d’une manière ou d’une autre, elles continuent», a-t-il écrit dans sa lettre publiée par de nombreux médias londoniens.

Les ONG HRW, ActionAid UK et Oxfam n’ont pas mis de gants pour pointer du doigt le gouvernement travailliste de faire dans la «gymnastique juridique» et d’avoir «tergiversé une fois de plus» sur l’interdiction des ventes d’armes à Israël.

Reprise par The Guardian, la directrice de HRW au Royaume-Uni, Yasmine Ahmed  a déclaré qu’il «est décevant que le gouvernement semble traîner des pieds (…) Plus cette décision tarde à être prise, plus le gouvernement porte atteinte à sa réputation (…)». Les ONG ne sont pas les seules à avoir exigé un embargo sur les armes britanniques à destination d’Israël.

D’autres organisations, comme Campaign Against Arms Trade (campagne contre le commerce des armes ou CAAT) et Saferworld ont appelé le gouvernement du Royaume-Uni à cesser toute exportation d’armes vers Tel-Aviv à travers de nombreuses campagnes médiatiques, pendant que les libéraux démocrates ne s’engagent pas sur la même voie, soutenus par une opinion publique opposée à la guerre génocidaire menée par l’Etat hébreu à Ghaza.

Début juillet, des militants ont adressé une mise en garde aux responsables de 20 fabricants d’armes basés au Royaume-Uni, contre des poursuites pénales «pour ne pas empêcher les crimes de guerre si leurs entreprises continuent à vendre du matériel militaire à Israël».

Ils ont clairement expliqué aux fournisseurs d’armes qu’ils ont «une responsabilité pénale potentielle pour les crimes atroces qui se déroulent actuellement à Ghaza.

Parmi les destinataires, le responsable de la filiale britannique de Lockheed Martin, principal fabricant du F-35 de pointe, la société d’armement britannique BAE Systems, qui fabrique 13 à 15% de chacun des avions, et Northrop Grumman, un fabricant d’armement américain et important sous-traitant du F-35.

Ghaza : détérioration de la situation humanitaire

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a averti, lundi, que la situation humanitaire à Ghaza se détériore en raison, notamment, des vagues répétées de déplacements, du surpeuplement, de l’insécurité, de l’effondrement des infrastructures.

Selon les travailleurs humanitaires à Ghaza, le dernier ordre d’évacuation sioniste émis samedi a touché environ 13 500 personnes déplacées dans 18 endroits.

OCHA a averti que «la poursuite des attaques, des ordres d’évacuation et les graves pénuries d’articles essentiels rendent plus difficile pour les familles déplacées d’obtenir des services de base dans les lieux où elles arrivent». Selon le bureau, «depuis octobre, 86% de la bande de Ghaza ont été placés sous ordre d’évacuation.

La majeure partie de la population de Ghaza est de plus en plus concentrée dans une zone désignée par les autorités à Al Mawasi». Selon la source, «la densité de population dans cette zone a augmenté entre 33 000 et 34 000 personnes par kilomètre carré, contre environ 200 personnes avant octobre».

Sur le plan sanitaire, le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a déclaré lors d’une conférence de presse que «la grave pénurie de carburant oblige les hôpitaux à reporter les opérations chirurgicales nécessaires et menace d’arrêter le travail des ambulances, notamment dans le nord de Ghaza».

 

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