Annaba - Brahim Adjami : Un résistant de l'ombre s'éteint à la veille de novembre

31/10/2024 mis à jour: 07:30
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Si Brahim en plein débat avec des anciens moudjahidine - Photo : D. R.

Le 8 octobre, Annaba perdait l'un de ses fils les plus valeureux. Brahim Adjami, moudjahid, membre de l'Organisation secrète (OS) et figure emblématique de la résistance algérienne est décédé à l’âge de 96 ans dans son domicile familial, situé sur le boulevard Bouzered Hocine.

Malheureusement, il n’assistera pas à la commémoration du 70e anniversaire du 1er Novembre, marquant le début de la guerre d'indépendance de l'Algérie. Avec sa disparition, c’est une partie de l’histoire de la lutte pour l'indépendance de l'Algérie qui s'en va. Né le 16 novembre 1928 à Annaba, Brahim Adjami était bien plus qu'un simple témoin de son époque. Il incarnait la fougue et le courage de toute une génération qui refusait la domination coloniale. Très jeune, il a été marqué par l'injustice du système colonial, et c’est dès 1939, alors encore adolescent, qu'il a rejoint les Scouts musulmans, premier acte de rébellion contre l'occupant.

Sympathisant des Amis du Manifeste et du PPA en 1943, il s'est rapidement forgé une réputation de militant déterminé. Le 8 Mai 1945 reste une date marquante dans l’histoire de l’Algérie et dans la vie de Brahim Adjami. Ce jour-là, comme tant d'autres villes, Annaba s'était soulevée contre le joug colonial. Alors qu’il participait à une manifestation avec les Scouts musulmans, l'arrestation brutale de jeunes militants et les violences qui s'ensuivirent le confortèrent dans sa détermination à lutter pour la liberté.

Il fut lui-même arrêté et brutalisé, une expérience qui renforça sa volonté de résister à la tyrannie. Brahim Adjami n’était pas seulement un militant, mais aussi un sportif accompli. Membre de la section boxe de la JBAC (Jeunesse bônoise Athletic club), il y développa sa force physique et sa détermination. Plus tard, en rejoignant l'Union sportive musulmane de Bône (USMB), il se rapprocha davantage des mouvements nationalistes. «Les poings nus constituaient nos seules armes», disait-il. Ses compétences en boxe et en combat rapproché furent souvent mises au service de la cause nationale, notamment lors d’affrontements de rue contre les forces coloniales.

En 1947, Brahim Adjami rejoint les rangs de l’OS, une organisation paramilitaire clandestine fondée pour préparer la lutte armée contre le colonialisme. C’est à Annaba que se déroula sa première réunion avec des figures majeures de la Révolution : Mohamed Boudiaf, Didouche Mourad et Chergui Brahim. Cette rencontre, tenue dans la plus grande discrétion au domicile familial des Adjami, marqua un tournant dans son engagement. Il se souvient encore avec émotion de la ferveur de ces discussions et des préparatifs pour la lutte armée. Brahim Adjami entretenait une profonde admiration pour Didouche Mourad, l'un des grands noms de la Révolution algérienne.

«Je garde de ce grand homme un souvenir impérissable», confiait-il souvent. Leur lien se renforça après un incident au cours duquel Adjami, pour prouver sa loyauté, remit à Didouche un Magnum, l’arme de son père. Ce geste symbolique scella leur amitié et fit de Brahim un des hommes de confiance de Didouche.

Mission risquée de l'OS

L’année 1950 marqua un tournant dramatique dans la vie de Brahim Adjami. Impliqué dans une expédition punitive à Tébessa, il faisait partie du groupe chargé d’enlever et de neutraliser un collaborateur présumé. La mission échoua lorsque la cible réussit à s’échapper, entraînant la capture de plusieurs membres de l’OS, dont Brahim. «Nous avons été arrêtés et torturés, subissant les pires sévices», se souvenait-il. Le démantèlement de l’OS s'ensuivit, marquant une perte significative pour le mouvement nationaliste algérien.

Condamné à trois ans de prison, héros méconnu et témoin-clé 

Brahim Adjami se retrouva derrière les barreaux d’autres militants de l’OS. Malgré les conditions difficiles et les mauvais traitements infligés par les gardiens, sa détermination restait intacte. «Grâce à Messali, j’en ai maintenant quatre !», lança-t-il un jour à un gardien menaçant de lui couper les cheveux, montrant ainsi son défi face à la répression.

Brahim Adjami contribua également à l’une des évasions les plus audacieuses de l’époque. En aidant à la préparation de l’évasion de Zighoud Youcef, Amar Benaouda et d'autres militants, il démontra encore une fois sa bravoure. Bien que lui-même n'ait pas pu s’évader, sur ordre du «nidham» par respect pour sa famille, son rôle dans cette opération a marqué les esprits.

Jusqu’à ses derniers jours, Brahim Adjami demeura un témoin précieux de l’histoire de la lutte pour l'indépendance algérienne. 
Avec humilité et fidélité, il évoquait son engagement, rendant hommage aux figures qu’il avait côtoyées et aux amis tombés au combat. Sa vie était un véritable parcours de combattant, jalonné de défis et de sacrifices, à l'image de ceux qu’il admirait, tels que Messali Hadj, Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf.

Avec sa disparition, c’est une voix de la mémoire nationale qui s’éteint, mais l’héritage de son engagement continue d’inspirer. Brahim Adjami restera à jamais l'un de ces héros de l'ombre dont le courage et la persévérance ont contribué à libérer l'Algérie du colonialisme. Son histoire rappelle que la liberté est souvent le fruit des sacrifices des plus humbles, de ceux dont le nom ne figure pas toujours dans les livres, mais dont l’action a été déterminante. Que Brahim Adjami repose en paix, entouré de la reconnaissance et du respect de la nation pour laquelle il s’est battu sans relâche.    
 

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