Longtemps oasis de paix en Amérique latine, l’Equateur a été contaminé, ces dernières années, par le trafic de drogue venant de Colombie et du Pérou, et sponsorisé par les cartels mexicains.
Les électeurs équatoriens ont commencé à voter hier pour une élection présidentielle anticipée, bouleversée par l’assassinat de l’un des principaux candidats sur fond d’une vague de violences sans précédent liée au narcotrafic en pleine expansion.
Le scrutin se déroule douze jours après la mort à Quito, sous les balles d’un commando de tueurs à gage colombiens, du centriste Fernando Villavicencio, un ex-journaliste de 59 ans qui était en deuxième position dans les sondages.
La campagne a été marquée par trois autres assassinats : un maire d’un grand port, un candidat au Congrès et un dirigeant corréiste local. «Le problème le plus grave est l’insécurité (...), tant de crimes, d’assassinats, de disparitions, nous avons peur», a commenté Eva Hurtado, électrice de 40 ans, à la sortie du bureau de vote, résumant l’état d’esprit d’un pays traumatisé par ces violences.
Les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 (12h00 GMT). Sous la surveillance de près de 100 000 policiers militaires, les 13,4 millions d’électeurs avaient jusqu’à 17h00 (22h00 GMT) pour élire leur Président, leur vice-président et les 137 députés du Congrès monocaméral.
Les premiers résultats devaient être publiés dans la nuit. «L’Equateur aborde cette journée électorale dans un contexte complexe et, en même temps, plein d’espoir (...)», a commenté à l’ouverture officielle du vote le président conservateur sortant Guillermo Lasso.
Il a souligné «l’immense responsabilité» de ses concitoyens et les a appelés à «arrêter l’avancée de projets autoritaires qui mettent en danger la stabilité du pays».
Longtemps oasis de paix en Amérique latine, l’Equateur a été contaminé, ces dernières années, par le trafic de drogue venant de Colombie et du Pérou, et sponsorisé par les cartels mexicains. Au point de menacer les institutions et de ressembler à la Colombie sanglante des années 1990. Si la côte Pacifique avec son port stratégique de Guayaquil est longtemps restée l’épicentre des violences, Quito vit désormais dans la peur.
Le taux d’homicides à l’échelle nationale a doublé en 2022 et battra des records cette année. Depuis 2021, plus de 430 détenus se sont entre-tués en prison dans des massacres entre gangs rivaux.
A cette violence s’ajoute une crise institutionnelle privant le pays de Congrès ces trois derniers mois après la décision de l’impopulaire président conservateur sortant Guillermo Lasso d’appeler à des élections anticipées pour éviter une mise en accusation pour corruption.
Le nouveau Président sera élu jusqu’en mai 2025, soit la fin théorique du mandat de M. Lasso. «Le pays vote pour 18 mois», titrait d’ailleurs, hier matin, le grand quotidien el Universo. «Ce gouvernement n’a pas su gérer la criminalité, (...) il faut une main forte», a déclaré à l’AFP Luis Lagunas, 54 ans, qui fait la queue pour voter dans le nord de la capitale.
«Une main ferme»
«En 18 mois, rien ne peut être fait», juge Carlos Leon, retraité de 61 ans, qui espère un Président à la «main ferme, sans peur, avec les pieds sur terre». «Insécurité et chômage... Nous avons besoin d’une main ferme pour mettre fin à tout cela», plaide aussi Inès Iturralde, 58 ans, commerçante à Quito.
L’assassinat de Villavicencio a rebattu les cartes du scrutin présidentiel. Un second tour est prévu le 15 octobre, si aucun des huit candidats ne l’emporte à la majorité absolue.
Meilleur ami et collègue de Villavicencio, le journaliste Christian Zurita, 53 ans, a remplacé au pied levé le candidat assassiné, avec lequel il avait collaboré à de nombreuses enquêtes sur des scandales de corruption, dont celle qui avait abouti à la condamnation de l’ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017) à huit ans de prison et à son départ en exil.
Samedi, il a une nouvelle fois promis «d’honorer la mémoire» de son ami, de faire de l’Equateur «une nation libre de la corruption, de l’impunité, des mafias et de l’extorsion».
La rivale de M. Zurita, seule femme dans la course à la présidence, Luisa Gonzalez, 45 ans, porte un discours de gauche et plus social, dans la lignée de son mentor Correa. Favorite des sondages jusqu’à l’assassinat de Villavicencio, elle a voté dans son fief de Canuto (ouest), a constaté l’AFP.
«Tout est entre les mains des peuple équatorien, le plus probable est que nous n’aurons qu’un seul tour», a-t-elle affirmé hier matin, s’inquiétant des difficultés rencontrées pour voter par certains Equatoriens de l’étranger, selon elle.
Derrière Mme Gonzalez et M. Zurita, viennent l’ancien tireur d’élite et homme d’affaires Jan Topic (droite), le leader indigène Yaku Pérez (gauche) et l’ancien vice-président Otto Sonnenholzner (droite), selon les derniers sondages.
«Que la démocratie soit respectée et le meilleur candidat l’emporte, notre pays le mérite», a commenté au début du vote sur X (ex-Twitter) M. Topic, un ancien de la Légion étrangère française aussi surnommé le «Bukele équatorien» en référence au dirigeant salvadorien à poigne Nayib Bukele.
«La sécurité signifie aussi donner des sources de travail, d’éducation et d’emploi à notre peuple, qui est actuellement complètement oublié», a plaidé pour sa part le candidat indigène Pérez, un environnementaliste qui plaide pour l’arrêt de la production pétrolière.
Les électeurs se prononcent aussi par référendum sur la poursuite de l’exploitation pétrolière dans la jungle amazonienne de Yasuni (Nord-Est), terre indigène et réserve unique de biodiversité. Une consultation «historique» aux yeux des défenseurs de l’environnement et de la cause indigène.