«Si nous refusons ou banalisons les décisions de justice, cela veut dire que nous ignorons cette institution. Ce n’est pas normal. Je suis frappé par cette légèreté avec laquelle, souvent, les entreprises économiques remettent en cause les décisions du tribunal et refusent de les exécuter.» C’est ce qu’a déclaré le secrétaire général de l’Ugta, en mettant l’accent sur l’importance de la médiation et sur le dialogue social qui, selon lui, commence dans le bureau de l’inspecteur du travail. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur le contenu de ses deux rencontres avec le président de la République, mais aussi sur les conflits sociaux, le rôle de l’Inspection du travail, les licenciements abusifs et l’absence de débat et de réflexion, faute d’universitaires politiques que l’université ne forme pas, a-t-il dit.
- Le dialogue social est en vogue ces dernières années et vous même, dans toutes vos sorties médiatiques vous l’aviez souligné. De quel dialogue social parlez-vous et avec qui est-il engagé ?
Le dialogue est une compréhension d’ensemble qui ne peut être à sens unique. Il doit être compris de part et d’autre. Si nous ne sommes pas convaincus par cette culture, nous ne pouvons pas avancer.
Durant de décennies, tous les gouvernements qui se sont succédé ont fait de cette culture dont vous parlez leur credo avec des campagnes de tripartite, de dialogue avec les partis, les organisations syndicales mais l’on se rend compte qu’en réalité, le déficit en dialogue est toujours important. Ne sommes- nous pas plus dans des slogans que dans les actes ?
En fait, il faut d’abord éliminer tous les «déchets». Nous avons fonctionné sur des actes en dehors de la légalité et des règles établies. Je vous cite un exemple banal mais qui vous résume la situation. A l’heure actuelle, est-ce que tout le monde se saisit du règlement intérieur de l’entreprise ? Et bien non. Est-ce que tout le monde a connaissance du règlement de l’entreprise ? Eh bien non ! Or, plus de 40 ans en arrière, vous ne trouverez pas un seul salarié qui ne l’avait pas.
Aujourd’hui, ni le syndicat ni le responsable ne sont en mesure de ventiler ce règlement à l’ensemble des salariés afin qu’ils prennent connaissance de leurs droits et leurs obligations. Si les deux parties, employés et employeur, n’ont pas connaissance des règlements, c’est qu’il y a un grand problème. Nous ne pouvons pas avancer ou réguler l’entreprise sans un règlement. Ce dernier n’est réclamé que lorsque le salarié ou l’employeur ont des problèmes et jamais lorsqu’ils sont à l’aise.
- Ce règlement renvoie à la loi qui régit les relations du travail, plus précisément au code du travail, qui a réduit, lors de sa récente modification, les marges de manœuvre des travailleurs et l’exercice syndical. Pensez-vous que le salarié possède les outils nécessaires pour défendre ses droits ?
Le propre du syndicat est d’évaluer l’action syndicale au jour le jour et de faire le bilan. Mais, le syndicat doit aussi avoir cette capacité de mobilisation pour imposer un débat et un dialogue autour des réformes. Une loi ou un règlement qui n’est pas conforme à la réalité économique, sociale ou syndicale, doit être réformé. Mais, ces restrictions arrivent dans un moment et repartent dans un autre. Il faut que les travailleurs aient cette capacité de mobilisation, pas celle des muscles, mais de la réflexion autour des changements qu’il faut opérer dans les règlements, statuts, lois, etc.
- Voulez-vous dire que c’est aux travailleurs de se mobiliser pour changer les lois ? N’est-ce pas le rôle des organisations syndicales ?
Les travailleurs peuvent se réadapter, exiger des changements, tout comme ils peuvent faire les deux en même temps.
- Même lorsqu’il s’agit de loi qui remet en cause les droits des travailleurs ?
Si les lois ne portent pas préjudice aux droits des travailleurs, ces derniers peuvent s’adapter, mais dans le cas contraire, il faut avoir la capacité de poser le problème. Il ne s’agit pas de crier au loup, mas de dire ce qu’il faut faire, quelles sont les solutions qu’il faut adopter, quel est le débat qu’il faut porter au sein de la société. Malheureusement, le mal de notre société, c’est l’absence de débat. Nous ne discutons pas. Nous ne débattons pas et nous n’échangeons pas.
- Cette situation, est-elle, selon vous, le fait d’une chape de plomb ou d’une démobilisation collective ?
Le pays a vécu deux grandes étapes, que j’ai eu la chance de les vivre. Une étape où il y avait de grands débats dans la société, liés à la charte, à la GSE (gestion socialiste des entreprises), etc., qui étaient très fructueux. Puis un autre, celle de la décennie noire, sur la sécurité, la société, sur ce que nous devions porter comme idéal pour la société, etc.
Aujourd’hui, il n’y a pas de débat sur le fonctionnement de la société. Nous avions eu une étape et un changement, une autre phase et un autre changement et puis une troisième où nous avions débattu de la ligne de conduite politique, économique, sociale, parce que le pays faisait face à de nombreux phénomènes qui étaient aussi d’actualité à travers le monde. Mais aujourd’hui, nous ne débattons pas. C’est un vrai problème.
- Qui doit prendre l’initiative à votre avis, sachant qu’il y a non seulement une démobilisation qui plombe la réflexion ?
La question est là. Qui fera le pas ? L’université ne produit plus d’universitaires politiques.
- Pourquoi pensez-vous en premier à l’université et non pas aux organisations syndicales, alors qu’il s’agit de l’absence de débat au sein l’entreprise ?
J’ai pensé à l’université parce qu’elle a une grande part dans la réflexion sur le fonctionnement de la société, sur tous les sujets…
- Selon vous, les travailleurs ne sont-ils pas les premiers concernés par la réflexion sur le monde du travail ?
Ils peuvent l’être. Mais, l’université a le souci du travail et du gain. Elle a aussi le souci du savoir et de la réflexion, raison pour laquelle je pense à elle en premier. Le second souci, c’est est aussi le gain, le bien-être, le social, etc. Puis vient le politique qui doit répondre aux besoins des uns et des autres. C’est cette connexion qui n’existe plus. Nous sommes déconnectés. Personne n’alimente personne. C’est un mal profond. Avant, ces connexions existaient et fonctionnaient
- Voulez-vous dire qu’à l’interne le dialogue n’existe pas ?
A l’interne, ce dialogue est banni. On n’a pas permis que les gens se parlent et réfléchissent. Durant mon expérience au sein de l’UGTA, pendant plus d’une trentaine d’années, lorsque je prenais la parole dans une rencontre avec les dirigeants de l’organisation, c’est comme si j’étais un OVNI. Quelques voix seulement portaient la voix à l’intérieur. Il y avait cette chape de plomb, cette manière dirigiste de gérer, etc.
C’était juste après l’installation du 1er Parlement pluraliste, en 1997. A l’époque, le débat était déporté. Nous ne parlions pas du social, de l’économie, etc. Tout était concentré sur les effets de la crise sécuritaire, et beaucoup plus ceux qui étaient d’un bord ou d’un autre, de la philosophie du choix. Par la suite, la situation a vite changé, pour prendre une orientation beaucoup vers l’assistanat. Il y avait de l’argent et donc on ne cherchait pas à construire une assise économique. Aujourd’hui, nous avons envie d’autre chose.
- Que voulez-vous dire par autre chose ?
Lorsque le président de la République vous parle de la sécurité alimentaire. Ce mot très large mérite d’engager une réflexion et un débat pour aboutir à cette sécurité alimentaire. Ce qui fait mal c’est que les pistes de réflexion existent, mais elles ne sont pas explorées, par des débats et réflexions.
- Si nous revenons un peu à l’entreprise et au salariat, qui ont subi de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19, toute cette masse de travailleurs ayant rejoint les chômeurs, cela nous met devant une nouvelle situation qui appelle, justement, à une grande réflexion et des débats qui, selon vous, n’existent pas. Comment expliquer une telle situation ?
Parce que nous avons pris l’habitude de ne pas débattre et notre université, comme je l’ai dit plus haut, n’a pas produit d’universitaires politiques capables d’ouvrir la réflexion, ni produit des travailleurs syndicaux politiques, parce que, par essence, le syndicat fait aussi dans la réflexion politique. Donc, c’est vrai nous ne faisons pas de la politique et nous réfléchissons en politiques. Nos revendications sont liées à la politique sociale, économique, de l’emploi et même à des phénomènes qui touchent la société.
Je veux dire qu’il ne s’agit pas d’interdit, mais d’une forme de lassitude à ne pas aller chercher pour faire avancer les choses. J’ai peur de dire : est-ce que notre pays manque ou est dépourvu de militants ? Je sais que beaucoup vont répondre «oui», il n’y a plus de personne portant un idéal, se souciant de tel ou de tel phénomène de la société…
L’UGTA aussi était une organisation qui produisait des enquêtes, des études et des réflexions, mais ce n’est plus le cas ces dernières années. A-t-elle arrêté de réfléchir ou est-elle à court de militants ?
Ces réflexions n’émanaient pas de l’UGTA, mais des experts qui étaient disponibles pour l’UGTA. Un travail a été commandé et il a été réalisé. Pas plus.
- Il n’y a pas eu de suite ?
Il n’y a pas eu de suite parce que cela ne suffit pas. Le travail était pertinent et répondait au besoin. Mais, il n’a pas été suivi d’un débat pour créer l’accompagnement qu’il lui fallait. Cela ne suffit pas, parce qu’il n’a pas engagé une autre réflexion pour dire comment créer une économie capable de répondre à l’expertise, une ligne de conduite, etc. C’est maintenant que nous sommes en train de voir, de manière pêle-mêle, cette orientation. Nous avons des niches importantes de réflexions, mais le débat n’existe pas.
L’UGTA représente les travailleurs. Son principal souci est de ne pas perdre les travailleurs en activité, mais de les encourager. Nous pouvons porter le débat, mais c’est insuffisant. Il faut un débat à deux ou à trois et plus. Chacun apportera sa contribution pour préserver ce que nous avons dans la main et élargir les espaces économiques pour créer de la richesse. Mais pour cela, il faut commencer par ouvrir le débat.
- Vous dites que vous défendez les postes d’emploi, pouvons- nous savoir si le taux de chômage qui avait été aggravé par la crise sanitaire de 2020, a poursuivi sa hausse après la pandémie de Covid-19 ou a-t-il reculé ?
Je n’ai pas fait d’expertise ou d’analyse. Cependant, avec les chefs d’entreprise et les syndicats, j’ai fait un constat. Il est vrai que de nombreuses sociétés ont fermé et leurs travailleurs mis au chômage, mais après, beaucoup ont repris leurs activités, tandis que de nouvelles entreprises ont été créées.
- Du secteur public ou privé ?
Des deux. Dans le secteur public, de nombreuses sociétés ont eu une marge de manœuvre assez importante avec un potentiel qui leur a permis de créer des postes d’emploi supplémentaires. Est-ce que cela comble le déficit et la perte de l’emploi ? Il faut faire un travail d’expertise pour voir si le taux de chômage induit par la crise sanitaire a été absorbé ou non.
Dans le secteur du transport, il y a eu beaucoup de créations d’emploi, notamment avec les lancements des lignes de métro, tram et ferroviaires. Dans l’activité industrielle, ou encore l’agroalimentaire, dans les télécommunications c’est la même chose. Dans le privé aussi, il y a eu de nouvelles entreprises et des investissements importants.
- Certains y voient beaucoup d’emplois précaires, c’est-à-dire de courte durée. Est-ce ce que c’est le cas ?
Il faut avoir les statistiques pour savoir si c’est le cas. Ce qui me frappe, c’est qu’il existe des outils de statistiques et d’analyse auxquels nous ne donnons pas beaucoup d’importance. Il faut permettre à l’ONS (Office national des statistiques) d’aller enquêter.
Il y a aussi un autre organisme qui peut un jour ou l’autre nous donner la cartographie économique très large, c’est la Chambre du commerce. Je ne vois pas pourquoi on n’impose pas à l’ensemble des entreprises publiques l’enregistrement à cette chambre où elles doivent être encadrées? Dans tous les pays, c’est au niveau de cette chambre que nous avons la ventilation de l’économique.
Et pour avoir cette cartographie importante, il faut aussi obliger ces entreprises à s’organiser dans des syndicats professionnels et sectoriels. C’est en permettant à la Chambre de commerce d’avoir l’ensemble des entreprises publiques et au syndicat patronal d’exister au niveau sectoriel que nous pourrons avoir une vraie cartographie.
A travers cela, nous aurons l’identité des entreprises. Cela permettra de diriger l’aide de l’Etat vers des sociétés identifiables, de discuter avec celles-ci à travers leur organisation, de réduire l’informel, diminuer le poids de la bureaucratie de l’administration et, de ce fait, de la corruption. Je pense qu’il faut aussi une réadaptation de la justice. Elle doit être imprégnée des questions économiques, qui peuvent être autant pénales qu’actées économiquement.
- De nombreuses entreprises privées poursuivies et condamnées par la justice ont fini par être mises en liquidation, suscitant la mise au chômage de milliers de travailleurs. A votre avis, n’aurait-il pas fallu préserver l’emploi, en évitant de telles décisions ?
C’est un constat, mais le bilan doit être fait par les politiques. Aujourd’hui, en tant que syndicat, je dis qu’il faut préserver les entreprises économiques. Mais comment peut-on fermer ou non une entreprise ? Qui doit faire cette analyse économique et financière pour dire qu’elle peut vivre ou non ?
- Est-ce au juge de décider ?
Le juge doit avoir l’information nécessaire et comprendre les mécanismes, le marché et l’environnement économique du pays pour prendre sa décision. C’est aussi un travail en profondeur qu’il faut engager pour arriver à une ligne directrice. Moi-même je reçois des travailleurs qui ont perdu leurs emplois, que ce soit en raison de ces affaires ou à la suite d’un plan social dans des sociétés publiques, à cause des difficultés qu’elles rencontrent. Le gouvernement doit faire sa part de travail et les experts aussi, afin d’apporter leur contribution.
Notre souci premier en tant que syndicat est de ne pas perdre des emplois, notamment là où nous avons des affiliés. Le deuxième souci est d’aller vers l’organisation des travailleurs ailleurs dans d’autres entreprises, où il faut de la pédagogie pour expliquer les avantages d’avoir un syndicat au sein d’une entreprise. Parce qu’on oublie, avec le temps, que le syndicat a une part aussi de responsabilité positive pour l’entreprise.
C’est-à-dire autant l’employeur peut la défendre autant le salarié peu aussi défendre son emploi et à travers lui leur entreprise. L’un a besoin de l’autre. Il faut aussi faire comprendre aux travailleurs qu’il ne faut pas scier la branche sur laquelle on est assis. Les statistiques montrent que les grèves ont lieu plus dans le secteur public que le privé. Il y a plus de compréhension chez les travailleurs du privé. Ils sont plus mesurés. Ils ne recourent aux grèves que dans des cas extrêmes.
- N’est-ce pas parce que les travailleurs du privé sont moins syndiqués que ceux du public ?
Parce que la relation de travail est plus clarifiée entre les deux parties, qu’au niveau du secteur public. Dans le privé, il y a un employeur et un employé. Dans le public cette notion est absente. Chacune des deux parties estime que l’entreprise lui appartient. C’est vrai que c’est dans le secteur étatique où il y a le plus de représentations syndicales.
C’est un phénomène ancien. Avant lorsqu’on disait aux travailleurs que cette entreprise leur appartient, c’est dans l’idée de lui faire comprendre qu’ils doivent la protéger. Mais ce concept a été fatal pour l’entreprise. Je l’ai vécu. Le travailleur s’absente comme il veut, dégomme son responsable, etc.
Vous avez déclaré, il y a quelques jours, que «les travailleurs ne sont pas des Kleenex», en faisant référence aux licenciements abusifs qui représentent le plus grand nombre des affaires inscrites au rôle du tribunal social. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Ce qui me chagrine le plus dans ces affaires, c’est le non-respect des décisions de justice. L’institution judiciaire est la colonne vertébrale d’un Etat de droit. Si nous remettons en cause ses décisions, les refusons ou les banalisons cela veut dire que nous ignorons cette institution. Ce n’est pas normal. Je suis frappé par cette légèreté avec laquelle souvent les entreprises économiques remettent en cause les décisions du tribunal et refusent de les exécuter.
Il ne faut pas réduire l’institution judiciaire à une simple administration. Je pense qu’il faut remettre l’Inspection du travail dans cet espace et lui redonner des prérogatives d’arbitrage. Normalement, ces affaires ne devraient pas arriver à la justice. L’utilisation du dialogue social et la meilleure tripartie, c’est lorsque l’employeur se retrouve face à son employé, avec l’inspecteur du travail, qui est l’Etat. C’est dans cet espace que commence le dialogue social.
La meilleure culture de ce dialogue commence dans le bureau de l’inspecteur, où on doit discuter autant de fois et autant de jours pour aboutir à un résultat qui satisfait les uns et les autres ou, du moins, à un compromis qui doit être de rigueur. Dans les années 77 et 78, je représentais la fédération du textile. Je me suis retrouvé avec des syndicats, des employeurs et l’Inspection du travail à discuter un plan social. Aujourd’hui, l’Inspection est devenue une simple caisse d’enregistrement.
De grâce, ce n’est pas la justice qui doit arbitrer, mais l’Inspection du travail. La justice doit trancher en faveur de l’une ou l’autre partie, quand il s’agit d’une résistance à la loi et sa décision est irrévocable. Mais que les inspecteurs n’exercent pas cette noble mission de l’arbitrage entre l’employé et l’employeur, ne pas utiliser ce cadre social pour aboutir à un compromis, il va falloir réformer..
- Pourquoi l’Inspection ne joue-t-elle pas son rôle ? Est-ce par faute de moyens, par méconnaissance de la loi ou par intérêt ?
Peut-être par méconnaissance des lois, faute d’effectifs, par intérêt. Mais, qui me dit que l’employeur ou l’employé ne va pas déposer plainte contre l’inspecteur qui n’a pas exercé son travail d’arbitrage ? Le dialogue social, c’est trois. Chacun doit s’en tenir à la loi et jouer son rôle. Il faut remettre de l’ordre dans nos institutions. Il y a un phénomène de laisser-aller. C’est dangereux. L’inspecteur est le garant de l’application de la loi. Le potentiel humain existe. Il y a des inspecteurs très compétents qui maîtrisent parfaitement le droit du travail. Il suffit de leur donner les moyens pour qu’ils aient la possibilité d’exercer pleinement leur mission.
Je me rappelle de cette femme de ménage qui avait été licenciée parce qu’elle avait fait un retard, après avoir accompagné sa fille à l’hôpital qui était très malade. Nous lui avions établi une carte d’adhésion au syndicat antidatée et c’est l’organisation qui s’est constituée pour elle devant le prud’homme, puisqu’il n’y avait pas encore le tribunal social et en 48 heures, le responsable de l’entreprise avait reçu la décision de réintégration, faute de quoi, il y aura une décision de fermeture. Aujourd’hui, de nombreux syndicalistes ont été poursuivis et se ont retrouvés seuls devant les tribunaux.
Chacun doit jouer son rôle. Les syndicalistes que nous sommes, ou l’organisation qui est la nôtre ne portent plus plainte et laissent les travailleurs syndiqués seuls devant les juridictions. Il faut donc réapprendre aux organisations syndicales à défendre leurs affiliés. Lorsqu’il y a une plainte d’un organisme syndical devant une entreprise, nous pouvons rencontrer, discuter autour d’une table, en tant qu’institutions, organisme économique ou syndicat pour régler le problème.
Ce n’est pas bon de laisser des syndiqués seuls en tant qu’individus face à la justice. Le syndicat a ses outils et l’entreprise aussi. Nous pouvons avoir une discussion et s’entendre sur la solution, avant d’aller devant le tribunal. Il faut remettre de l’ordre dans notre organisation et la leur pour qu’on puisse approfondir et valoriser ce dialogue social.
Quel est le meilleur moyen de régler les problèmes ensemble ? C’est de se rencontrer et d’avoir l’Etat comme arbitre avec nous, comme garant du respect de la loi. Si nous arrivons à nous entendre tant mieux, mais si nous sommes confrontés à une loi rigide ou qui bloque, qui ne laisse pas de marge de manœuvre, on réfléchit ensemble, à une réforme, à des changements pour trouver des solutions.
- Vous avez été reçu par le président de la République, et discuté longuement avec lui. Qu’est-ce qui ressort de vos discussions ?
Je l’ai vu deux fois. La première fois, ce n’était pas long. Le 1er mai, il est venu à la centrale et est resté un bon moment, durant lequel il a entendu le secrétaire général que je suis, des syndiqués et apporté des réponses à des interrogations des syndicalistes. Au cours des discussions, j’ai constaté qu’il avait une projection.
On ne peut pas le nier. Il a une projection. Il a exprimé son souhait d’assurer la sécurité alimentaire, sa volonté d’aller vers une économie forte, d’augmenter les salaires et d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés de la Fonction publique et des retraités. Son souci est de créer les conditions d’une économie forte, en dehors des hydrocarbures, pour répondre aux besoins des salariés. Cette volonté y est. Il a autant d’atouts dans la projection. Il a envie de voir les choses réglementées, d’avoir un pays doté de militants et nous avons beaucoup parlé de militantisme.
- Le militantisme c’est aussi la parole…
C’est un tout. Le militant c’est aussi un tout. Il faut apprendre à discuter, à ramener un plus au pays, à travailler à créer les conditions de travail, etc. Les idées se portent. N’ayons pas peur de les placer sur la place publique, pourvu que le pouvoir en place les récupère et les traduisent sur le terrain.
C’est le bien-être du peuple et non celui de sa personne. Le problème réside dans le fait qu’on ne veut pas engager des débats sur des projets et des idées économiques et sociales. Est-il interdit de dire que le dialogue social commence dans le bureau de l’inspecteur du travail ? Dire que pour réussir l’agriculture saharienne, il va falloir prévoir le transport ferroviaire en raison de ses coûts économiques est-il interdit ? Non alors pourquoi n’y a-t-il pas débat sur ces questions ?