Alors qu’Iyad Ag Ghaly, chef du groupe terroriste fait l’objet d’un mandat d’arrêt : La CPI condamne un ancien chef d’Aqmi

29/06/2024 mis à jour: 00:08
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Membres d’un groupe terroriste activant au Sahel

Les audiences du procès de l’ancien chef de la police des mœurs des groupes terroristes, Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Ansar Eddine, à Tombouctou, dans le nord du Mali, Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, ont pris fin mercredi dernier, par sa condamnation pour des «crimes de guerre» et des «crimes contre l’humanité», en attendant la sentence devant être annoncée incessamment par les juges. 

La décision de la cour reste cependant non définitive, puisque l’accusé, en détention, a devant lui 30 jours pour contester le verdict. Ce procès intervient quelques jours seulement après la levée des scellés, le 21 juin dernier,  sur le mandat d’arrêt international, lancée par la CPI, le 18 juillet 2017, contre Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine, pour crimes conte l’humanité et crimes de guerre, alors que l’enquête avait été entamée en 2013. 

Originaire de la puissante tribu touareg des Ifoghas, du nord du Mali, Abu Adl, comme l’appellent ses compagnons, s’est illustré lors des rebellions de l’Azawad au début des années 1990 et celles d’après, avant de basculer du statut d’indépendantiste à celui d’un émir, allié à Al Qaïda, qui veut faire de la région du Sahel,  un «émirat islamique». 

Puissamment armé grâce à l’arsenal largué par l’Otan en Libye, lors de l’intervention militaire pour démettre le défunt Gueddafi, Iyad va multiplier les embuscades aussi bien contre ses anciens compagnons d’armes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), que contre les unités de l’armée malienne, sous-armées, pour arracher le contrôle de plusieurs villes. 

Les attaques sanglantes menées par Ansar Eddine à Tombouctou, notamment pour la prise d’Aguelhok, entre 2012 et 2013, faisant des dizaines de morts parmi les gendarmes (les mains et les pieds ligotés), ont poussé le gouvernement malien à saisir la CPI. L’enquête est alors ouverte par le procureur en chef, qui inculpe le chef d’Ansar Eddine, pour «des actes de torture, de persécution religieuse et sexiste,  détention illégale, viols et violence sexuelle, d’actes inhumains et d’attaques contre des biens religieux». Pour le procureur en chef, Ansar Eddine et AQmi, «utilisent la violence, l’intimidation pour faire exécuter leurs règles et imposer des sanctions, notamment des châtiments physiques en public». 

Malheureusement, le mandat d’arrêt a été mis sous le coude à la demande du Mali mais aussi de la France qui avait déployé des milliers de soldats dans le nord du Mali, dans le cadre de l’opération «de lutte antiterroriste», Serval puis Barkhane. En juillet 2022, le procureur en chef de la CPI a essuyé un refus de sa demande de levée de scellés qu’il avait introduite auprès des juges, sous prétexte de «risques potentiels» pour les témoins. Il y a près de deux mois, le procureur est revenu à la charge en évoquant du nouveau dans le dossier.  

«Hesbah»

La levée des scellés sur le mandat d’arrêt a été obtenue, alors que deux autres chefs terroristes de l’Aqmi, à Tombouctou, étaient en détention pour «crimes contre l’humanité» et «crimes de guerre». Le premier,  Ahmed Al Faqi Al Mahdi, a plaidé coupable avant d’être condamné, en 2016,  à 9 ans de prison. Le second,  Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, chef de la Hesbah de Tombouctou, a été reconnu, mercredi dernier,  coupable de «crimes contre l’humanité» et des «crimes de guerre», et les peines encourues seront prononcées incessamment.  

C’est après 195 audiences, au cours desquelles 52 témoins oraux à charge, 22 autres à décharge, les représentants légaux de 2196 victimes ont été auditionnés, 7896 documents enregistrés et 13 275 éléments de preuve soumis, le procès de ce  chef de la police des mœurs d’Aqmi et d’Ansar Eddine, à Tombouctou, a pris fin. Les faits remontent à la période comprise entre avril 2012 et le 29 janvier 2013, durant laquelle, Al Hassan agissait au nom d’Aqmi et d’Ansar Eddine en dirigeant la «Hesbah».  Près de 76 témoins à charge, notamment des femmes battues, humiliées, flagellées publiquement, violées ou mariées de force, sous prétexte qu’elles n’étaient pas correctement voilées, entretenaient des relations hors mariage ou refusaient la demande en mariage d’un des membres du groupe terroriste. 

Les personnes récalcitrantes sont déférées devant le tribunal islamique qui prononce la sentence. Aussi bien cette juridiction que la Hesbah  sont dirigées par un émir, désigné par l’émir de l’Aqmi, alors Abou Zeid.  Al Hassan avait un rôle directeur dans les opérations de police. Selon l’enquête, Al Hassan a participé à l’arrestation de personnes accusées de crimes par les groupes armés, dont Dédéou Maiga, qui a été condamné à l’amputation de la main droite, pour vol. Il a avoué, selon toujours l’enquête, «qu’au cours des interrogatoires menés dans des affaires intéressant des biens publics, si une personne ne disait pas la vérité après que des preuves lui aient été présentées, il était nécessaire de recourir à la «menace». Si la personne n’avouait toujours pas après avoir été menacée, alors la torture pouvait être utilisée. Si après avoir été torturée, la personne n’avouait toujours pas, alors elle était libérée. Al Hassan a notamment utilisé des menaces pendant un interrogatoire. Il a également interrogé des personnes dans son bureau. Il a conduit des personnes condamnées sur les lieux où les châtiments étaient administrés. Il a également été présent plusieurs fois lorsque des châtiments publics ont été infligés, en particulier pour des personnes condamnées par le Tribunal islamique. Il a donc contribué aux crimes perpétrés par d’autres membres d’Ansar Eddine/AQMI, mais aussi pour avoir lui-même commis directement les crimes et  apporté son aide et son concours à la commission des crimes commis par d’autres. 

Pour toutes ces raisons, ajoute la cour, il a été déclaré coupable de «crimes de guerre» et de «crimes contre l’humanité», notamment d’actes de torture, d’autres actes inhumains, de traitements cruels, et d’atteintes à la dignité de la personne, pour la flagellation en public de 13 membres de la population au motif qu’ils avaient enfreint les règles établies par Ansar Eddine et AQMI, de même que pour «une amputation». La cour a rappelé que l’accusé a «flagellé deux hommes qui ont reçu 80 coups de fouet en public, pour avoir bu de l’alcool, supervisé l’exécution de ce châtiment et donné la clé ouvrant les menottes enchaînant les deux hommes afin que le châtiment puisse être infligé». 

 La cour a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves sur la participation d’Al Hassan à des viols, à des mariages forcés ainsi qu’à la démolition des biens protégés (mausolées). Il a donc été acquitté «des charges de crime de guerre d’attaque contre des biens protégés, de crimes contre l’humanité d’autres actes inhumains prenant la forme de mariages forcés, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre d’esclavage sexuel, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre de viol». 

Cependant, la cour l’a déclaré coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, d’atteintes à la dignité de la personne, de crimes de guerre de traitements cruels, de crimes contre l’humanité d’autres actes inhumains, de crimes de guerre consistant à prononcer des condamnations sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables, du crime contre l’humanité de persécution pour des motifs religieux, du crime de guerre de mutilation.

 

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