L’armée sioniste a annoncé jeudi une «intensification» imminente de ses «opérations militaires au sol» à Rafah. Et alors que l’Afrique du Sud tente de faire stopper ce bain de sang annoncé en saisissant de nouveau la CIJ, les dirigeants arabes réunis à Manama, au Bahreïn, à l’occasion du 33e Sommet de la Ligue arabe, ont appelé à un «cessez-le-feu immédiat et permanent à Ghaza, l’arrêt de toutes les tentatives de déplacement forcé, la fin de toutes les formes de siège et un accès total et durable à l’aide humanitaire».
Quelque 700 000 personnes ont subi un déplacement forcé en une dizaine de jours, soit depuis le début de l’offensive israélienne sur Rafah. C’est ce qu’annoncé jeudi le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés (HCDH-Palestine) hier sur le réseau social X.
«Plus de 600 000 Palestiniens de Rafah et 100 000 autres du nord de Ghaza, dont des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées et/ou atteintes de maladies chroniques, ont été déplacés de force depuis le 6 mai sur ordre des forces israéliennes et dans le cadre d’opérations intensifiées» alerte HCDH-Palestine. Dans un autre post, la même instance onusienne assène : «Les forces israéliennes doivent cesser de mettre les personnes déplacées en danger et, au lieu de cela, subvenir à leurs besoins fondamentaux.
Si elles ne le peuvent pas, elles doivent faciliter l’entrée et la distribution de l’aide humanitaire.» De son côté, l’UNRWA a précisé hier que 630 000 personnes ont fui la ville de Rafah. «La population de Ghaza continue d’être déplacée de force. Depuis le début de l’offensive militaire sur Rafah le 6 mai, plus de 630 000 personnes ont été contraintes de fuir la région. Beaucoup ont cherché refuge à Deir Al Balah, qui est désormais insupportablement surpeuplée et dans des conditions désastreuses.
Cessez-le-feu maintenant», prévient l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens via les réseaux sociaux. Selon l’UNRWA, environ 1,7 million de Palestiniens ont dû quitter leur maison ou leur abri, «pour la plupart à plusieurs reprises». D’après le ministère de la Santé dans la bande de Ghaza, 31 personnes ont été tuées et 56 autres blessées en 24 heures, entre jeudi soir et vendredi matin.
Le bilan total provisoire des victimes enregistrées depuis le début de la guerre contre Ghaza s’élève désormais à 35 303 morts et 79 261 blessés. Jeudi, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a annoncé une «intensification» imminente «des opérations militaires au sol» à Rafah en qualifiant cette bataille terrestre «de décisive».
Le 33e sommet de la Ligue arabe dominé par Ghaza
Pendant ce temps, se tenait à Manama, au Bahreïn, le 33e Sommet de la Ligue arabe, un sommet dominé totalement par cette actualité tragique, celle de cette guerre dévastatrice qui n’est décidément pas près de connaître son épilogue. «Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et permanent à Ghaza, l’arrêt de toutes les tentatives de déplacement forcé, la fin de toutes les formes de siège et un accès total et durable à l’aide humanitaire», ont insisté les dirigeants arabes dans leur déclaration finale.
Ils ont par ailleurs lancé un appel pour la tenue d’une «conférence internationale sous l’égide de l’ONU» pour un règlement définitif de la question palestinienne «sur la base de la solution à deux Etats». Les représentants des pays arabes ont proposé en outre le déploiement de Casques bleus dans les Territoires palestiniens occupés jusqu’à la mise en œuvre de la solution des deux Etats. Invité à ce sommet, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré que «toute offensive à Rafah est inacceptable».
Il a de nouveau appelé à la «libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages» et à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat». Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est revenu dans son discours prononcé à l’ouverture de ce 33e Sommet jeudi dernier sur l’opération «Toufane Al Aqsa». «L’opération militaire menée par le Hamas par décision unilatérale ce jour-là, le 7 octobre, a fourni à Israël davantage de prétextes et d’excuses pour attaquer la bande de Ghaza et poursuivre son œuvre (criminelle) en tuant, détruisant et multipliant les déplacements forcés», a-t-il déclaré.
Il a répété : «Ce que le Hamas a fait est une décision unilatérale et irresponsable.» Et d’accuser le parti d’Ismaïl Haniyeh d’entretenir la discorde au sein du camp palestinien en lançant : «C’est Hamas qui refuse de mettre fin aux divisions internes.»
Le mouvement Hamas n’a pas tardé à réagir à ces accusations via un communiqué en disant «regretter» les propos du président palestinien. «Nous regrettons ce qui a été déclaré dans le discours du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, durant le Sommet arabe tenu à Manama, concernant l’héroïque opération Déluge d’Al Aqsa et le processus de la réconciliation interne», a indiqué le mouvement de résistance palestinien.
Et d’insister sur le fait que «l’ennemi qui n’a eu de cesse d’infliger à notre peuple toutes les souffrances, en tuant, mutilant, terrorisant, depuis plus de 76 ans, à Ghaza, en Cisjordanie, et dans les territoires intérieurs occupés, n’a pas besoin de prétextes ni d’excuses pour perpétrer ses crimes». Hamas souligne que «l’opération Toufane Al Aqsa a constitué le chaînon le plus important de la lutte de notre peuple».
Cette action d’éclat, poursuit Hamas, «a remis notre cause palestinienne en tête des priorités» et a permis d’arracher «des acquis stratégiques» qui «nous rapprochent de la liberté et de l’autodétermination». Hamas a conclu en affirmant son attachement à «réaliser l’unité nationale» et en assurant avoir «fait preuve de flexibilité à toutes les étapes pour renforcer notre front intérieur».
500 tonnes d’aide via un port temporaire
Alors que l’armée israélienne a annoncé, comme nous le disions, l’intensification de ses opérations militaires à Rafah, 13 pays (dont le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, et sept pays membres de l’UE) ont adressé un appel à l’Etat hébreu, l’exhortant à renoncer à sa grande offensive sur Rafah. «Nous exhortons le gouvernement israélien à laisser l’aide humanitaire entrer dans la bande de Ghaza par tous les points de passage concernés, y compris celui de Rafah», ont déclaré, en outre, ces pays.
Plusieurs organisations humanitaires ont exprimé de leur côté leur inquiétude devant le blocage de l’aide humanitaire aux points d’entrée vers l’enclave assiégée. «La bande de Ghaza est quasi coupée du monde depuis une semaine et l’entrée de l’aide pratiquement interrompue depuis que l’armée israélienne a commencé des opérations terrestres à Rafah», relève l’AFP.
«Plus rien n’entre depuis par Rafah, l’Egypte et Israël se renvoyant la responsabilité. L’aide humanitaire est également bloquée au principal point de passage avec Israël, Kerem Shalom», ajoute l’agence française.
Pour soulager un tant soi peu le calvaire des Ghazaoui, les Etats-Unis ont fait savoir que le port temporaire dont ils avaient annoncé la construction à Ghaza en mars dernier est désormais opérationnel. L’armée américaine a affirmé que quelque 500 tonnes d’aide humanitaire seront acheminées vers Ghaza en utilisant ce port.
Hier, le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom) a déclaré sur le réseau X : «Aujourd’hui (hier, ndlr), vers 9h (heure de Ghaza), des camions transportant de l’aide humanitaire ont commencé à débarquer (un chargement d’aide) via un quai temporaire à Ghaza. Aucune troupe américaine n’a débarqué à Ghaza. Il s’agit d’un effort multinational en cours visant à fournir une aide supplémentaire aux civils palestiniens à Ghaza via un couloir maritime de nature exclusivement humanitaire et qui impliquera des produits d’aide donnés par un certain nombre de pays et d’organisations humanitaires.»
Des experts de l’ONU menacés pour avoir dénoncé les violations des droits de l’homme
Un comité d’experts indépendants de l’ONU a dénoncé, jeudi, les menaces et attaques dont il fait l’objet, en particulier les experts traitant de la situation à Ghaza. «Nous sommes choqués par la diffamation, les menaces et les attaques personnelles auxquelles sont confrontés les experts des procédures spéciales des Nations unies, qui font preuve de courage et de dévouement dans leur travail pour mettre en lumière les violations des droits de l’homme et les atrocités commises dans le monde entier», a déclaré le Comité d’experts qui coordonne et facilite leur travail.
Les attaques personnelles se sont regroupées autour de certains points chauds et contextes et se manifestent lorsque les experts se font particulièrement entendre dans des situations de crise ou d’urgence.
Et c’est le cas depuis le début de l’agression sioniste contre la bande de Ghaza. Les rapporteurs de l’ONU qui traitent de la situation dans les territoires palestiniens occupés «font l’objet d’attaques sévères sur les réseaux sociaux et d’accusations sans fondement qui remettent en question leur intégrité et leurs motivations», a fait valoir le Comité.
«Le fait de soulever des sujets politiques conflictuels et sensibles ou d’aborder de nouvelles questions fait partie intégrante du travail des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, ce qui peut donner lieu à des débats animés et à des points de vue divers», a insisté le Comité, appelant à ce que «les désaccords soient fondés sur des preuves et exprimés de manière respectueuse et constructive». Les experts appellent donc au soutien total des Etats afin de permettre aux experts en droits de l’homme de remplir leur mandat dans un environnement sûr et favorable, et de préserver leur indépendance et leur légitimité. A. Z.