Le pays a connu une importante pénurie de main-d’œuvre depuis 2021, et, pour attirer les candidats et fidéliser leurs employés, les entreprises avaient offert des salaires plus élevés et des conditions plus avantageuses, faisant, in fine, grimper les coûts.
Le taux de chômage a grimpé en mai aux Etats-Unis, à 4%, au plus haut depuis janvier 2022, mais ce sont surtout les créations d’emploi, bien plus nombreuses qu’attendu, qui captent l’attention, montrant un marché du travail solide, à cinq mois de l’élection présidentielle. «Le grand retour de l’Amérique continue, mais nous avons encore des progrès à réaliser», a commenté le président Joe Biden, dans un communiqué de la Maison Blanche.
Le taux de chômage a grimpé à 4%, contre 3,9% en avril, selon les chiffres publiés vendredi par le département du Travail. Mais les créations ont, elles, bondi avec 272 000 nouveaux emplois en mai, contre 165 000 en avril - chiffre révisé à la baisse -, dans les soins de santé, les services publics, les loisirs, l’hôtellerie et les services professionnels.
Ces chiffres sont issus de deux enquêtes différentes, l’une réalisée auprès des entreprises, l’autre auprès des ménages, ce qui peut expliquer ces évolutions opposées. L’enquête auprès des entreprises, qui porte sur les emplois créés, «attire à juste titre plus d’attention», a commenté Kathy Bostjancic, cheffe économiste pour la compagnie d’assurances Nationwide. Car celle menée auprès des ménages, qui permet d’établir le taux de chômage, est «plus petite et plus volatile», a-t-elle ajouté.
Le taux de participation au marché du travail a reculé à 62,5% contre 62,7% le mois précédent. Et les salaires ont augmenté plus que prévu. «L’enquête auprès des ménages, à partir de laquelle est calculé le taux de chômage, a brossé un tableau plus sombre, car l’emploi a sensiblement chuté et le taux d’activité a diminué», a précisé Ryan Sweet, économiste pour Oxford Economics. «Bien que solide en apparence, le marché du travail a envoyé des signaux mitigés en mai», souligne également Lydia Boussour, économiste pour EY Parthenon.
Les regards sont maintenant tournés vers la banque centrale américaine (Fed), qui se réunit mardi et mercredi. Elle observe de très près la situation de l’emploi. Car sans retour à la normale, difficile d’imaginer une baisse durable de l’inflation, condition sine qua non pour convaincre la Fed d’abaisser ses taux, et donc de permettre aux ménages et entreprises d’avoir accès à des crédits moins onéreux.
La Fed attentive aux risques
Les chiffres de l’emploi en mai «soutiennent plutôt une position patiente» de la Fed, juge Rubeela Farooqi, cheffe économiste pour HFE. Cette dernière met notamment en avant le fait que «les données salariales, qui ont montré une accélération des variations mensuelles et annuelles, ont été décevantes, créant une mauvaise surprise». «Ce rapport (sur l’emploi) signifie que la Fed maintiendra les taux d’intérêt à leur niveau élevé actuel pendant encore quelques mois», anticipe également Ian Shepherdson, chef économiste pour Pantheon Macroeconomics.
Néanmoins, la Fed «est attentive aux risques qui pèsent sur l’économie si le marché du travail trébuche» et «évolue sur une corde raide», souligne Ryan Sweet. Si elle attend «des preuves concrètes du ralentissement du marché du travail, il sera alors trop tard», avertit-il.
Pour juguler l’inflation, la Fed maintient depuis juillet ses taux dans la fourchette de 5,25 à 5,50%, leur plus haut niveau en 20 ans. Aucune baisse n’est attendue par les acteurs du marché avant les réunions de septembre ou novembre. Le pays a connu une importante pénurie de main d’œuvre depuis 2021, et, pour attirer les candidats et fidéliser leurs employés, les entreprises avaient offert des salaires plus élevés et des conditions plus avantageuses, faisant in fine grimper les coûts.
Cela avait conduit au mouvement de la «Grande démission», les employés ayant massivement changé d’emploi pour profiter de ces conditions favorables.
Mais en avril, le nombre de postes vacants était tombé à son plus bas niveau depuis février 2021 à 8,06 millions contre 8,35 millions le mois d’avant, selon les chiffres du département du Travail. Les créations d’emplois en mai dans le seul secteur privé ont souffert d’une forte dégradation dans le secteur manufacturier, avait montré mercredi selon l’enquête mensuelle ADP/Stanford Lab.