«Il est évident que les politiciens dans le monde ne font pas le travail qu’ils sont censés faire. C’est pourquoi nous n’avons pas de cessez-le-feu, et c’est pourquoi nous n’avons pas de solution à la crise à Ghaza», martèle le coordonnateur de l’ONU pour l’aide humanitaire aux Territoires palestiniens, Muhannad Hadi.
L’émotion suscitée par la boucherie d’Al Mawasi, près de Khan Younès, qui s’est soldée par 19 morts, selon le ministère de la Santé de Ghaza, n’est pas retombée que les forces d’occupation israéliennes ont perpétré de nouvelles attaques qui ont fait un grand nombre de victimes ce mercredi.
Selon un décompte provisoire de l’agence Wafa, au moins 26 morts ont été recensés au cours de la journée d’hier, jusqu’en début d’après-midi. A Khan Younès, l’armée sioniste est revenue mener de nouveaux raids meurtriers. Une de ces attaques a ciblé une habitation dans la localité de Khozaa, à l’est de la ville. Cette offensive a fait, à elle seule, 13 morts et de nombreux blessés, selon Wafa. Dans la même région, un pêcheur a été fauché par des tirs de la marine de guerre israélienne au large du camp d’Al Mawasi, indique la même source.
Au sud de la bande de Ghaza toujours, 4 civils ont été tués et 15 autres ont été blessés suite au bombardement d’une maison à Rafah. Au nord de la bande de Ghaza, précisément dans le camp de réfugiés de Jabaliya, neuf personnes ont trouvé la mort, dont trois enfants, et d’autres sont portées disparues, après le bombardement d’un bâtiment à usage d’habitation, informe l’agence de presse palestinienne. Par ailleurs, 4 Palestiniens ont péri suite à une frappe qui s’est abattue sur une maison au camp de Nuseirat, au centre de la bande de Ghaza. Ce raid a fait en outre 11 blessés, ajoute le média palestinien.
«Deux millions de zombies»
Et le calvaire des Palestiniens n’est pas près de s’arrêter. Ils se voient comme des «zombies», s’est emporté le coordonnateur de l’ONU pour l’aide humanitaire aux Territoires palestiniens, Muhannad Hadi. M. Hadi est également Coordonnateur spécial adjoint des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient.
«Vous devez nous regarder comme deux millions de zombies livrés à eux-mêmes. Voilà comment la population de Ghaza se considère», a-t-il lâché mardi, depuis Bruxelles, en reprenant la formule outrée d’un Palestinien rencontré à Ghaza. «Tout ce que vous considérez comme quelque chose d’acquis, ou pour lequel vous travaillez tous les jours, n’existe pas pour la majorité de la population de Ghaza», a poursuivi le responsable onusien.
«Beaucoup de gens n’ont rien à manger, n’ont pas d’accès à l’eau potable, à l’électricité», énumère-t-il. «Personne ne devrait souffrir de la guerre, de mauvaise politique. Nous, en tant qu’humanitaires, nous devons gérer les conséquences de mauvais choix politiques», a-t-il déploré. Et de marteler : «Il est évident que les politiciens dans le monde ne font pas le travail qu’ils sont censés faire.
C’est pourquoi nous n’avons pas de cessez-le-feu, et c’est pourquoi nous n’avons pas de solution à la crise à Ghaza.» D’après l’AFP qui a relayé ses propos, Muhannad Hadi se trouvait à Bruxelles dans le cadre d’une série de consultations avec des responsables européens, ceci alors que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, effectuait de son côté une tournée en Egypte et au Liban.
«La visite de M. Borrell va apporter de la visibilité, car ma crainte est que Ghaza passe sous le radar international, ne fasse plus la Une», a souligné le représentant des Nations unies. A noter que plusieurs capitales européennes ont réagi suite au massacre d’Al Mawassi perpétué dans la nuit de lundi à mardi, peu avant l’aube. «Londres a jugé les décès ''choquants'', la Turquie a dénoncé un ''crime de guerre'' et l’Egypte a condamné ''la poursuite des massacres
israéliens''», résume l’AFP.
«Des familles entières ont disparu sous le sable, dans des cratères profonds», a affirmé un porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, cité par l’AFP. «Autour de vastes cratères, des dizaines de déplacés ont fouillé le sable à la recherche de leurs biens ensevelis : matelas, vêtements, ustensiles de cuisine, éparpillés au milieu des structures de tentes dépouillées de leurs toiles, arrachées par le souffle de la déflagration», relève l’agence française.
«Des familles entières ont disparu»
Pour justifier ce nouveau crime de guerre, l’armée israélienne dit avoir visé des «cadres du Hamas» mêlés aux déplacés massacrés dans leurs tentes. «Les allégations de l’occupation sur la présence de combattants de la résistance (à Al Mawasi) sont un mensonge éhonté», a démenti le Hamas sur Telegram. Et alors que les négociations sur un cessez-le-feu à Ghaza sont de nouveau dans l’impasse, le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti que les opérations humanitaires à Ghaza sont devenues «plus difficiles que jamais».
Les convois qui approvisionnent l’enclave doivent attendre pendant «des heures interminables pour obtenir le feu vert pour bouger», a alerté Corinne Fleischer, directrice régionale pour le Moyen-Orient au PAM, au cours d’une conférence de presse mardi à New York.
Les camions des organisations humanitaires, témoigne-t-elle, sont obligés d’emprunter «des routes endommagées qui deviendront impraticables pendant les mois d’hiver». Sa déclaration est citée par l’APS. Mme Fleischer a fait état, par ailleurs, de «la grave surpopulation (dans le territoire encerclé), car près de deux millions de personnes vivent désormais sur environ 11% de la superficie d’un secteur déjà densément peuplé».
Elle a déploré également la multiplication des ordres d’évacuation émis par l’armée israélienne. «Le PAM a perdu l’accès à son troisième et dernier entrepôt opérationnel à Ghaza, dans la région centrale, en raison des ordres d’évacuation», a-t-elle indiqué, avant de préciser : «Nous avons perdu cinq cuisines communautaires soutenues par le PAM qui ont dû être évacuées.»
La directrice régionale du PAM pour le Moyen-Orient a par ailleurs pointé la «détérioration spectaculaire de l’environnement de sécurité pour le personnel humanitaire», ce qui, observe-t-elle, «a eu un impact profond sur la capacité du programme à atteindre les populations». Les violences récurrentes subies par les travailleurs humanitaires risquent d’aggraver la famine qui ravage l’enclave martyrisée, prévient Mme Fleischer.