Mouvements de troupes et contacts diplomatiques. Une situation de ni guerre ni paix. C’est ce qui marque jusque-là l’évolution de la crise russo-occidentale sur l’Ukraine.
Ainsi, le président français, Emmanuel Macron, a averti hier son homologue russe, Vladimir Poutine, qu’un «dialogue sincère n’était pas compatible avec une escalade» militaire à la frontière ukrainienne, a annoncé l’Elysée à l’issue d’un entretien entre les deux chefs d’Etat. Les deux dirigeants ont «exprimé une volonté de poursuivre le dialogue» sur «les voies pour avancer dans la mise en œuvre des accords de Minsk» sur le Donbass et sur «les conditions de la sécurité et de la stabilité en Europe», a ajouté la présidence française.
Quant à Vladimir Poutine, il a qualifié, à cette occasion, de «spéculations provocatrices» les accusations contre la Russie quant à une invasion imminente de l’Ukraine, selon ce communiqué de la présidence russe.
Un peu plus tard, est prévu un entretien téléphonique entre le président russe et son homologue américain Joe Biden.
Plus tôt, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, se sont entretenus au téléphone. Lors de cet échange, il a affirmé qu’«une voie diplomatique pour résoudre la crise restait ouverte, mais qu’elle nécessiterait une désescalade de Moscou et des discussions de bonne foi», selon le porte-parole du Département d’Etat américain, Ned Price. Une invasion de l’Ukraine, que la Russie est accusée de préparer, «entraînerait une réponse transatlantique résolue, massive et unie», a-t-il ajouté.
Pour sa part, le chef de la diplomatie russe a accusé Washington de vouloir provoquer un conflit en Ukraine avec ses accusations d’une possible invasion russe imminente, selon un communiqué de son ministère. Il «a souligné que la campagne de propagande lancée par les États-Unis et ses alliés» sur «une agression russe contre l’Ukraine a pour objectif la provocation, en encourageant les autorités de Kiev» à se lancer dans une «résolution militaire du problème du Donbass», région de l’est de l’Ukraine frontalière de la Russie, où les forces ukrainiennes affrontent depuis 2014 des séparatistes pro-russes, selon ce communiqué.
De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a indiqué que les avertissements américains quant à une attaque imminente de la Russie contre l’Ukraine «provoquent la panique et n’aident pas» les Ukrainiens. «Actuellement, le meilleur ami de nos ennemis est la panique dans notre pays. Et toutes ces informations (quant à une attaque) ne font que provoquer la panique et ne nous aident pas», a-t-il dit, selon des propos recueillis par l’agence Interfax-Ukraine.
Un peu plus tôt, la diplomatie ukrainienne a déclaré qu’il est «extrêmement important de garder le calme». «En ce moment, il est extrêmement important de garder le calme, se consolider à l’intérieur du pays, éviter les actes qui déstabilisent la situation et sèment la panique», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères ukrainien. «Les forces armées ukrainiennes suivent la situation et sont prêtes à riposter à toute atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine», poursuit la diplomatie ukrainienne.
Kiev assure «être en lien 24 heures sur 24 avec tous les partenaires clé» et recevoir rapidement des informations sécuritaires. «Nous continuons de travailler pour faire baisser la tension et mobiliser le soutien de nos partenaires internationaux afin de maintenir la Russie dans le cadre diplomatique», ajoute le ministère ukrainien. Les Etats-Unis ont affirmé que la Russie pourrait envahir l’Ukraine «à tout moment» dans les prochains jours. Une telle offensive est une «possibilité très, très réelle», mais le renseignement américain ne sait pas si le président russe «a pris une décision définitive» ou non, a déclaré vendredi le conseiller de la Maison- Blanche pour la sécurité nationale, Jake Sullivan.
En cette même journée, Les Etats-Unis ont ordonné le retrait des 160 soldats américains qui entraînaient les forces ukrainiennes pour les «repositionner ailleurs en Europe». C’est ce qu’a a annoncé le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a pris cette décision «par prudence, en gardant à l’esprit la sûreté et la sécurité des effectifs», selon le communiqué. «Ce repositionnement ne constitue pas un changement dans notre détermination à soutenir les forces ukrainiennes, mais offrira une certaine souplesse pour rassurer nos alliés et empêcher toute agression», a-t-il ajouté. De nombreux pays, comme le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Japon, Israël, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie ont recommandé à leurs ressortissants de quitter l’Ukraine, et l’ambassade américaine à Kiev a ordonné le retrait de son personnel non essentiel.
Manœuvres
Par ailleurs, hier, Moscou a commencé à réduire sa présence diplomatique en Ukraine, affirmant craindre des «provocations» de la part des autorités ukrainiennes ou de «pays tiers», selon un communiqué de la porte-parole de la diplomatie russe. En parallèle, la Russie a lancé hier de nouvelles manœuvres navales d’ampleur en mer Noire, où les tensions sont vives ces dernières années, tout en dénonçant l’«hystérie» américaine. Moscou mène également actuellement des exercices de préparation au combat au Bélarus, aux frontières de l’UE et de l’Ukraine. «Plus de 30 navires de la flotte de la mer Noire ont pris la mer depuis Sébastopol et Novorossiïsk selon le plan d’exercice», a indiqué hier matin le ministère de la Défense russe.
En janvier, la Russie a annoncé des exercices navals pour le mois même ainsi que pour février, dans l’Atlantique, l’Arctique, le Pacifique et la Méditerranée, mais aussi dans «les eaux et les mers adjacentes au territoire russe».
En mer Noire, les tensions ont été vives ces dernières années, Moscou accusant l’Ukraine et les Occidentaux de menacer sa sécurité au large de la Crimée annexée. En juin 2021, la flotte russe y a tiré des coups de semonce contre un destroyer britannique.
Le conflit entre les séparatistes russes et l’armée ukrainienne connaît un regain de tensions depuis l’automne 2021. L’Ukraine et les Etats-Unis accusent Moscou d’avoir massé 100 000 soldats à la frontière russo-ukrainienne en vue d’une possible invasion. La Russie affirme se défendre contre toute expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) à ses portes et exige des Occidentaux un engagement écrit sur le non-élargissement de l’Alliance à l’Ukraine et à la Géorgie et demande un retrait des forces et des armements de l’Alliance atlantique des pays d’Europe de l’Est ayant rejoint l’Otan après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie.
Demandes rejetées par les Occidentaux qui soutiennent néanmoins que la voie diplomatique pour trouver une issue à la crise ukrainienne reste ouverte.