La situation en Cisjordanie occupée est explosive. Hier, des centaines de colons ont pris d’assaut la mosquée Al Aqsa, sous la protection des forces de sécurité israéliennes.
Pendant que les yeux du monde sont braqués sur Ghaza, où Israël poursuit sa guerre génocidaire, la situation dans les Territoires occupés de Cisjordanie est au bord de l’explosion. Hier, des centaines de colons ont envahi l’Esplanade de la mosquée Al Aqsa, sous la protection des forces de sécurité, qui avaient restreint l’accès aux fidèles.
Cet assaut intervient dans un climat de plus en plus tendu, suscité par les opérations de perquisition et d’arrestation, organisées de nuit comme de jour par l’armée d’occupation, mais aussi par les attaques récurrentes des colons extrémistes, dont celle de lundi dernier, qui a fait un mort, parmi les Palestiniens à Bethléem.
Ces assauts interviennent après l’allocation d’un budget de près de 543 millions de dollars, annoncé par le ministre du Patrimoine du gouvernement israélien, Amichai Eliyahu, pour le renforcement des incursions organisées et des «tournées des colons» dans la mosquée Al Aqsa, mais également en réponse à la mesure du ministre extrémiste de la Sécurité, Itamar Ben Gvir, pour changer le statu quo sur la mosquée Al Aqsa et son appel à y construire une synagogue.
Ils interviennent aussi alors qu’une grève générale paralysait, hier, les villes de Bethléem et de Tulkarem en Cisjordanie, en signe de deuil et de colère contre les agressions des forces d’occupation et des colons, qui ont fait au moins six morts en 48 heures, dont cinq tués lors d’un raid israélien contre le camp de Nour Shams à Tulkarem, et le sixième tué (lundi dernier) par des colons à Bethléem.
Pour l’Autorité palestinienne, «l’allocation de fonds du gouvernement israélien pour soutenir les intrusions est une traduction de la politique de Ben Gvir à l’égard de la mosquée Al Aqsa» vise «à judaïser la mosquée Al Aqsa et à changer sa réalité juridique existante», qui «menace de faire exploser la situation en Cisjordanie et de la plonger dans un tourbillon de chaos, en conjonction avec ce qui a été rapporté dans les médias hébreux sur l’expansion des opérations d’occupation militaire et sanglante en Cisjordanie occupée».
De nombreux pays musulmans, dont le Koweït, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Jordanie, n’ont pas manqué de dénoncer les propos de Ben Gvir qui, selon eux, constituent «une violation flagrante du droit international» et «une extension des tentatives visant à modifier le statut historique et juridique de la mosquée Al Aqsa et comme une provocation envers les sentiments des musulmans du monde», alors que l’Organisation de coopération islamique (Oci) a exprimé sa condamnation ferme en affirmant que «la ville d’Al Qods fait partie intégrante des Territoires palestiniens occupés en 1967 et est la capitale de l’Etat de Palestine, et que toutes les décisions et actions prises par l’occupation israélienne pour judaïser la ville occupée de Jérusalem n’ont aucun effet juridique et sont nulles et non avenues en vertu du droit international et des résolutions de légitimité internationale».
L’Organisation a tenu le «gouvernement d’occupation entièrement responsable des conséquences de la poursuite de ces violations et attaques systématiques, qui constituent une provocation aux sentiments des musulmans du monde entier et alimenteraient les conflits religieux, l’extrémisme et l’instabilité dans la région».
Pendant que les communiqués de condamnation étaient diffusés, les médias israéliens préparaient leur opinion publique à une «éminente opération militaire de grande envergure pour faire face à une grande menace» qui, selon eux, «est désormais une explosion en Cisjordanie» occupée.
«Il existe des dizaines de messages, de preuves, de documents et d’avertissements concernant une escalade dans la région, qui est sur une voie explosive depuis deux ans, et cela s’est intensifié depuis le 7 octobre.
Il semble que la dynamique de l’explosion ait récemment franchi un tournant…» a écrit le journal hébreu Israel Hayom, repris par de nombreux autres journaux, en évoquant «le renforcement du dispositif militaire» en Cisjordanie occupé, transformée depuis peu en une grande caserne, où la colère des Palestiniens ne cesse de résonner contre les actions de l’armée coloniale et les agissements des colons.
La crainte israélienne d’une explosion en Cisjordanie occupée
Hier, ces derniers, encouragés par les déclarations des dirigeants politiques israéliens, ont construit un avant-poste près de la communauté bédouine de Khan Al Ahmar, à l’est de la ville d’Al Qods. Repris par l’agence palestinienne Wafa, Eid Yassin, président du conseil du village Khan Al Ahmar, a affirmé que «le point de contrôle colonial n’est qu’à 150 mètres de la communauté bédouine de Khan Al Ahmar, où 10 colons avaient apporté une tente et des générateurs d’électricité, et ils ont commencé à attaquer depuis le premier jour le village de Khan Al Ahmar et les différentes communautés environnantes».
L’intervenant a souligné que «les colons représentent un danger pour les élèves, qui se rendront dans leurs écoles au début du mois prochain, car ils agressent constamment les citoyens (…). Les agressions en cours font partie d’une politique systématique d’occupation contre la population bédouine, afin de la pousser à abandonner ses habitations et de l'évacuer pour faciliter la colonisation pastorale dans le désert de Jérusalem par Khan Al Ahmar».
Du début de l’année jusqu’à juin dernier, 17 centres de colonie ont été construits sur des terres palestiniennes, alors que 11 nouveaux avant-postes coloniaux ont été régularisés, selon l’agence Wafa, par les décisions du «cabinet d’occupation, en modifiant l’influence des colonies proches d’eux, ou en approuvant des plans structurels (…), ce qui constitue une menace de saisie de plus de terres, de restrictions sur davantage de villages et de villes palestiniens en faveur de ce que les colons construisent».
Selon le bureau des Nations unies, «les forces d’occupation ont démoli ou confisqué de force 1416 bâtiments palestiniens dans toute la Cisjordanie, entraînant le déplacement de plus de 3200 Palestiniens».
Le bureau de l’Onu pour les droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés a, pour sa part, exprimé son inquiétude face «l’expansion récente et en cours des colonies israéliennes et les changements juridiques en Cisjordanie» qui, selon lui, violent le droit international, «y compris l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice en juillet dernier».
Cette déclaration a fait suite à l’annonce, quelques jours auparavant, par le ministre extrémiste israélien des Finances, Bezalel Smotrich, de dégager des terrains pour la nouvelle colonie Nahal Heights, à l’ouest de Bethléem, sur un site palestinien, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Entre les agressions violentes de colons et les opérations militaires des forces d’occupation, les Palestiniens de Cisjordanie occupée ne cessent de payer un lourd tribut.
Près de 651 ont été tués, 10 000 autres emprisonnés et 3200 forcés à l’exode après que leurs terres, habitations et lieux de travail ne soient confisqués ou détruits. Les Palestiniens de Cisjordanie occupée vivent sous un climat de guerre qui règne depuis longtemps et qui a transformé leur vie en enfer. L’explosion n’est qu’une question de temps.