Avec le soutien de Washington, Israël assiège depuis le 6 octobre dernier, le nord de Ghaza et mène l’une des offensives militaires les plus atroces, avec un bilan de plus de 870 Palestiniens tués, soit une moyenne de plus de 43 morts par jour, des centaines de blessés et des dizaines de milliers de personnes déplacées de force.
Privée d’eau, de nourriture, de soins et de médicaments, la population est soumise à une situation humanitaire désastreuse avec des raids aériens et des bombardements terrestres ininterrompus, dans l’objectif de la pousser à quitter la région sans la garantie d’un retour ni celle d’une destination sûre.
Après l’assaut donnée vendredi dernier à l’hôpital Kamel Adwan, dernier établissement fonctionnel, à Jabaliya, et la coupure de tous les moyens de communication, précédée par nombreuses frappes dans ses alentours, causant des dommages à l’établissement qui abritait près de 600 personnes, dont 150 malades, le personnel médical et plus de 200 déplacés ayant fui les bombardements, les forces d’occupation ont procédé à l’arrestation du personnel médical et de nombreux blessés et déplacés.
L’armée d’occupation a effectué des fouilles dans les services de l’hôpital, tiré à l’intérieur et provoqué la mort de deux enfants, en réanimation, après avoir détruit des équipements d’oxygène. Hier matin, l’armée sioniste a détenu le directeur de l’établissement, Houssam Abou Safia, avec le personnel médical féminin dans un bureau fermé, sans eau ni nourriture, pendant qu’à l’extérieur des dizaines de maisons situées aux alentours étaient incendiées, des soldats détruisaient la terre et les murs à l’aide de nombreux engins et l’artillerie lourde bombardait les bâtiments. L’armée sioniste a par la suite brûlé toutes les ambulances à l’intérieur de l’hôpital et saccagé les équipements médicaux.
Près de 150 malades ont été sortis de leurs lits et laissés dans la cour de l’hôpital, et de nombreux membres des équipes médicales ont été emmenés vers une destination inconnue. «L’odeur de la mort règne dans les alentours de l’hôpital Kamel Adwane. L’armée a détruit les médicaments et le matériel médical pour priver les blessés de soins. Nous ignorons le sort du personnel médical arrêté. Nous avons besoin de l’intervention de l’Oms pour évacuer les blessés. L’armée a envahi l’hôpital et obligé 150 malades à se rassembler dans la cour», a déclaré le directeur général du ministère palestinien de la Santé à Ghaza, le Dr Munir Al Bursh, ajoutant : «Nous n’avons plus de linceuls pour couvrir les morts ni des endroits pour les enterrer. Nous attendions de l’aide humanitaire et ce sont des chars qui nous ont été envoyés. L’armée fait exprès de diffuser de fausses informations sur les hôpitaux. Les infrastructures de santé de Ghaza subissent les génocides les plus atroces et les opérations les plus destructrices.»
Plus d’un millier de membres du personnel médical arrêtés
Dans une interview accordée à la chaîne qatarie Al Jazeera, le Dr Al Bursh a précisé que «l’occupation assiège les hôpitaux et tue les médecins d’une manière marquée par une sorte de violence et de brutalité. Ce que fait l’armée d’occupation israélienne, en tuant et en déplaçant la population, dans le nord de Ghaza constitue un véritable crime de guerre». Selon le responsable, l’armée sioniste «a tué plus d’un millier de membres du personnel médical et en a arrêté 310 dans la bande de Ghaza, assiège les hôpitaux du nord, empêche la Croix-Rouge et l’Oms de livrer des médicaments, du carburant, de la nourriture et de l’eau, pour la 19e journée consécutive».
Pour Al Bursh, «les médecins et les patients ne peuvent pas trouver un morceau de pain ou un verre d’eau dans les hôpitaux du Nord. Au lieu que le patient trouve un traitement à l’hôpital, il commence à mourir et à être enterré à l’intérieur et l’hôpital est devenu une fosse commune. Le droit international interdit une cible principale dans le cadre de son plan visant à déplacer populations du nord de Ghaza».
Lui emboîtant le pas, le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, a précisé, quant à lui, que l’armée sioniste a révélé l’arrestation d’un membre de son organisation et responsable de Jabaliya et un infirmier, lesquels, selon lui, «ils ont été emmenés vers une destination inconnue».
Dans un post sur X, le premier responsable de l’Oms a exprimé son inquiétude après avoir perdu le contact avec le personnel de l’hôpital, le dernier fonctionnant dans le nord de Ghaza. «Le nord de Ghaza vit ses heures les plus sombres», a déclaré le haut commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, Volker Turk, sur son compte X. Il a averti que «les actions d’Israël pourraient s’apparenter à des atrocités criminelles, voire des crimes contre l’humanité». Il a décrit une situation désastreuse, ajoutant «cibler les installations d’oxygène est très douloureux.
En milieu de journée, le directeur de l’hôpital Kamel Adwan, Dr Houssam Abou Safia, a enterré son fils, tué dans un raid. Des scènes poignantes de ces funérailles ont été diffusées sur les réseaux sociaux, montrant le responsable pleurant à chaudes larmes devant la dépouille de son fils. Quelques heures plus tard, le directeur de l’hôpital Al Awda, le seul orthopédiste de Ghaza, Dr Mohamed Abid a été arrêté par l’armée d’occupation et emmené vers une direction inconnue. Les frappes se sont intensifiées autour de cet hôpital situé à Tel Zaâtar.
Depuis l’aube de la journée d’hier jusqu’en fin de matinée, le bilan des frappes était de 26 Palestiniens tués, dont 20 au nord de Ghaza, avant de grimper en milieu de l’après-midi pour atteindre 77 personnes tuées et 289 blessées, portant le nombre à 42 924 tués et 100 833 blessés depuis le 7 octobre 2023. La situation au nord de Ghaza a suscité la réaction du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
«Nous recevons des rapports horribles !»
Dans un communiqué, il a déclaré que la situation au nord est «extrêmement tragique» en raison de la poursuite «des émissions des ordres d’évacuation» et «des restrictions sur la livraison de fournitures vitales» qui ont, a-t-il ajouté «contraint les civils à faire face à des conditions horribles». Le CICR a estimé que l’ordre d’évacuation donné aux établissements hospitaliers «pourrait entraîner une éventuelle absence de services médicaux pour de nombreux civils, alors que ces hôpitaux souffrent d’un grave manque de ressources tandis que l’afflux de blessés et de malades se poursuit».
Le Comité de la Croix-Rouge a rappelé que «même à la lumière de l’émission d’ordres d’évacuation, les civils doivent être protégés, les équipes médicales doivent être respectées et pouvoir effectuer leur travail de sauvetage (…) Les premiers intervenants ont pris et continuent de prendre d’énormes risques en essayant d’atteindre les blessés et ceux qui ont le plus besoin d’aide, et doivent bénéficier d’un accès sûr et rapide pour atteindre leurs objectifs de sauvetage».
L’organisation humanitaire a, par ailleurs, précisé que ses équipes «sont dans la ville de Ghaza pour livrer les fournitures médicales nécessaires aux quelques établissements de santé partiellement fonctionnels, mais elles ne peuvent pas atteindre le Nord. Nous recevons des rapports horribles de civils qui ont pu évacuer le gouvernorat du Nord et dorment dans les rues de la ville de Ghaza. Nous sommes toujours témoins d’une pénurie de fournitures vitales, notamment de nourriture pour les patients et le personnel médical, et l’imposition continue de restrictions sur la fourniture du soutien nécessaire compromet la capacité de réponse. Il est nécessaire de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour accroître l’introduction de l’aide humanitaire en toute sécurité».
Tout comme le CICR, la Défense civile n’a pu accéder au nord de Ghaza ni répondre aux appels de détresse de la population.
Dans un communiqué, cette organisation a expliqué que ses opérations ont été complètement interrompues en raison du ciblage et des attaques israéliennes continues dans le nord de Ghaza. «Nous ne sommes pas en mesure de répondre aux nombreux appels à l’aide provenant de maisons ciblées et incendiées par les bombardements israéliens à Jabaliya et Jabaliya Nazla, dans le nord», lit-on dans le communiqué.
Pour sa part, l’OMS, qui avait annoncé avoir perdu le contact vendredi dernier avec le personnel médical de l’hôpital Kamel Adwan, toujours assiégé, a déclaré, hier, avoir réussi à contacter des membres et fait état de trois blessés et de 44 arrestations parmi le personnel de cet établissement. «L’hôpital Kamal Adwan est toujours assiégé, mais nous avons réussi à entrer en contact avec le personnel», a indiqué le premier responsable de l’Organisation de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Selon lui, «trois personnels de santé et un autre employé ont été blessés, 44 ont été arrêtés et quatre ambulances endommagées».
En fait, l’armée d’occupation venait de se retirer de l’hôpital, laissant derrière elle des morts, la destruction et la désolation. Les malades, des blessés et personnes déplacées, qui ont utilisé l’hôpital comme refuge, sont restés sans médicaments, sans nourriture, ni eau. Des témoignages repris par l’agence palestinienne Wafa sont glaçants. L’armée d’occupation «a rasé les murs d’enceinte, les tentes des personnes déplacées après avoir tiré des obus dans les cours, bombardé la principale station d’oxygène, endommagé les médicaments et les équipements de soins. Elle a capturé le personnel médical masculin, ainsi que des blessés et des patients de l’hôpital, tandis que les communications avec le personnel médical à l’intérieur ont été coupées».
Sept corps retrouvés dans l’enceinte de l’hôpital après le retrait de l’armée
Après le retrait de l’armée, sept corps ont été retrouvés dans l’enceinte de l’hôpital, alors que la population tente à mains nues de retrouver d’autres corps aux alentours de l’établissement.
Depuis le début de l’offensive militaire au nord de Ghaza, il y a trois semaines, à Beit Lahia, Beit Hanoun, Jabaliya Balad, Jabaliya Nezla, des dizaine de Palestiniens ont été portés disparus, sous les décombres en raison des raids aériens et terrestres ininterrompus, alors que les véhicules des équipes de Défense civile et les ambulances ont été détruits, des centaines de maisons rasées et des infrastructures de base détruites. Les ordres de déplacements forcés ont poussé des dizaines de milliers, parmi les 400 000 vivants au nord de Ghaza, à rejoindre le centre, parmi eux beaucoup n’ont pu atteindre leur destination finale.
Des dizaines de milliers d’autres ont été entassées à Beit Lahia, refusant de quitter leurs terres, sans garantie de retour. Par ces crimes de guerre, Israël tente de vider le nord de Ghaza de la présence de sa population, à travers ce «Plan des généraux» israéliens, qui vise à nettoyer tout le territoire de Ghaza de ses habitants. Des hôpitaux mis hors service, des refuges incendiés, des familles décimées et effacées du registre de l’état civil, d’autres éclatées dont les membres sont séparés et emmenés par l’armée vers des destinations inconnues et des infrastructures de base détruites, pour rendre le territoire invivable pour ceux qui veulent y rester ou y retourner.
Depuis le 6 octobre, les bombardements ont fait près de 870 morts et des centaines de blessés, pour forcer les 400 000 Palestiniens encore dans le Nord à partir, ainsi que prévu dans ce «plan des généraux», discuté par le gouvernement extrémiste de Netanyahu il y a un peu plus d’un mois. Le siège du Nord a mis à rude épreuve les trois hôpitaux de cette région privés de médicaments, d’équipement, d’eau, de nourriture et surtout d’électricité, qui fait fonctionner les générateurs et les centrales d’oxygène vitales pour les malades lourds. Israël a évidement démenti avoir usé du choix entre la reddition, la famine ou la mort, mais les déclarations de nombreux ministres messianistes, à l’image d’Itamar Ben Gvir, ou de Bezalel Smotrich, ont prouvé qu’il s’agit bien de l’exécution de cette feuille de route machiavélique qui consiste à donner un ultimatum à la population, la pousser par la violence et l’intensité des opérations militaires à vider la région, pour la déclarer par la suite comme zone militaire et ceux qui y resteront seront considérés comme faisant partie «des groupes terroristes», privés de toutes les conditions de vie, avant d’être tués. Le 21 octobre dernier, des centaines de colons israéliens d’extrême droite se sont réunis à la frontière avec Ghaza, pour une conférence visant à faire pression en faveur du rétablissement de colonies juives dans l’enclave palestinienne.
Organisé dans la région désignée par l’armée israélienne comme une zone militaire fermée près de la colonie de Be’eri à la frontière de Ghaza, l’événement a été organisé sous l’enseigne du parti Likoud du Premier ministre, avec comme slogan « Ghaza est à nous, pour toujours». Il a été consacré aux préparatifs de la colonisation dans le territoire sous le titre «Préparer la réinstallation à Ghaza», de laquelle Israël s’est retiré il y a presque 20 ans.
Plusieurs ministres et membres de la Knesset ont pris part à cette rencontre, dont Bezalel, May Golan, une des organisatrices de la conférence pour appeler «à l’établissement de colonies exclusivement juives» dans la bande de Ghaza. C’est l’une des mesures du «plan des généraux» que Netanyahu est en train d’exécuter à Ghaza.