Une haute responsable américaine a déclaré à la presse que les échanges de l’administration Biden avec la Chine n’étaient pas le signe d’un fléchissement de l’approche de Washington, et que les Etats-Unis continuaient de voir les relations sino-américaines comme «fortement concurrentielles».
Le conseiller à la Sécurité nationale de Joe Biden se rendra en Chine cette semaine dans le cadre des discussions entre Pékin et Washington visant à gérer leur rivalité, a annoncé hier la Maison-Blanche, citée par l’AFP. Jake Sullivan sera à Pékin de mardi à jeudi, pour la première visite depuis 2016 d’un conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, poste important au sein de l’Exécutif américain.
La visite intervient quelques mois avant l’élection présidentielle américaine. Il est attendu de la vice-présidente Kamala Harris, candidate pour succéder à Joe Biden, qu’elle conserve en cas de victoire une approche de dialogue avec la Chine tout en maintenant une politique de pression.
Son rival, l’ex-président Donald Trump, a promis d’adopter une ligne plus dure s’il revenait à la Maison-Blanche, certains de ses conseillers prévoyant une épreuve de force à grande échelle avec Pékin.
Une haute responsable américaine a déclaré à la presse que les échanges de l’administration Biden avec la Chine n’étaient pas le signe d’un fléchissement de l’approche de Washington, et que les Etats-Unis continuaient de voir les relations sino-américaines comme «fortement concurrentielles».
«Nous nous sommes engagés à réaliser les investissements, renforcer nos alliances et effectuer la démarche commune sur la tech et la sécurité nationale qui est nécessaire», a-t-elle déclaré, en référence aux larges restrictions mises en place sous l’administration Biden concernant le transfert de technologies américaines vers la Chine.
Les Etats-Unis se sont «engagés à gérer la rivalité de manière responsable cependant, et d’empêcher que celle-ci bascule vers un conflit», a-t-elle ajouté. L’un des points d’achoppement principaux entre les deux puissances demeure la question de Taïwan.
La Chine revendique cette île gouvernée de façon démocratique comme faisant partie de son territoire et a multiplié les intimidations à son encontre ces dernières années.
Après l’investiture du nouveau président Lai Ching-te, en mai, la Chine a encerclé Taïwan avec des navires de guerre et des avions militaires dans le cadre de manœuvres militaires. Ces exercices faisaient suite à un discours d’investiture que la Chine a dénoncé comme un «aveu d’indépendance».
Lors du déplacement de Jake Sullivan, au cours duquel il rencontrera le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, les Etats-Unis vont «faire part de leur préoccupation concernant les pressions militaires, diplomatiques, et économiques accrues de la Chine envers Taïwan», a déclaré la haute responsable américaine.
«Ces actes sont déstabilisateurs, risquent de provoquer une escalade, et nous continuerons d’exhorter Pékin à prendre part à un dialogue constructif avec Taipei», a-t-elle ajouté. Jake Sullivan discutera en outre de la question de la mer de Chine méridionale, où les tensions entre la Chine et les Philippines se sont intensifiées ces derniers mois autour de revendications territoriales.
La haute responsable n’a pas indiqué si les Etats-Unis s’attendaient à certaines percées dans les discussions avec Pékin lors du déplacement de Jake Sullivan. Elle a affirmé en outre que le conseiller de Joe Biden réitérerait les préoccupations américaines concernant le soutien de la Chine au développement massif de l’appareil de défense russe depuis le début de l’intervention en Ukraine.
Pékin a déjà souligné par le passé que, contrairement aux Etats-Unis, la Chine ne fournissait d’armes à aucune partie à ce conflit. Pékin a de longue date été enclin à échanger avec les conseillers à la Sécurité nationale américaine, les considérant comme des décideurs proches du Président et qui peuvent détourner l’attention médiatique inhérente au déplacement d’un secrétaire d’Etat américain.
Les relations sino-américaines contemporaines ont été lancées lorsque Henry Kissinger, alors conseiller à la Sécurité nationale de Richard Nixon, s’était déplacé en secret à Pékin en 1971 pour négocier la normalisation des relations entre les Etats-Unis et la Chine communiste.
Jake Sullivan et Wang Yi se sont vus à cinq reprises au cours des 18 derniers mois, dont une fois à Washington et une autre lors du sommet en novembre 2023 entre Joe Biden et Xi Jinping en Californie. Les discussions entre les deux officiels aborderont en outre la question de la Corée du Nord et la situation au Moyen-Orient.
La Chine critique le soutien des Etats-Unis envers Israël, tandis que Washington presse Pékin d’utiliser ses relations avec l’Iran pour appeler Téhéran à la restreinte.
Londres renoue avec l’Empire du Milieu
Par ailleurs, après des années de relations glaciales entre Londres et Pékin, le nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, a renoué le dialogue hier avec le président Xi Jinping. Ce dernier ne s’est plus entretenu, par téléphone ou en personne, avec un Premier ministre britannique depuis mars 2022, à l’époque le conservateur Boris Johnson.
«La Chine souhaite établir un dialogue d’égal à égal avec le Royaume-Uni sur la base du respect mutuel (...) et élargir la coopération dans les domaines de la finance, de l’économie verte, de l’intelligence artificielle, etc.», a déclaré Xi Jinping, selon la chaîne de télévision publique chinoise CCTV.
Côté britannique, Downing Street a fait savoir que les deux dirigeants ont convenu de «la nécessité d’une relation stable» et de «l’importance d’une collaboration étroite dans des domaines tels que le changement climatique et la sécurité mondiale».
Ils ont également évoqué «le commerce, l’économie et l’éducation» comme «potentiels sujets de coopération». «Le Premier ministre a ajouté espérer que les dirigeants seraient capables d’avoir des discussions ouvertes, franches et honnêtes pour aborder et comprendre les domaines de désaccord quand nécessaire, tels que Hong Kong, la guerre de la Russie en Ukraine et les droits humains», ont précisé les services de Keir Starmer dans un communiqué.
Après l’«âge d’or» centré sur les relations commerciales vanté par le conservateur David Cameron (2010-2015), les sujets de tensions se sont multipliés, concernant en premier lieu le renforcement du contrôle de Pékin sur l’ancienne colonie britannique de Hong Kong.
Le Royaume-Uni a dénoncé à maintes reprises la répression du mouvement en faveur de la démocratie dans son ancienne colonie, dont plusieurs figures en exil ont trouvé refuge sur le sol britannique. Londres a aussi accusé Pékin de cyberattaques contre des élus, d’espionnage technologique et de violer les droits humains notamment ceux de la minorité musulmane ouïgoure dans le Xinjiang, sans compter les tensions commerciales.
Les deux pays se sont aussi accusés mutuellement d’espionnage. Les travaillistes ont indiqué vouloir revoir en profondeur la relation entre Londres et Pékin, dans le cadre d’un audit sur leur politique étrangère visant à fixer un nouveau «cap» diplomatique.
Le quotidien The Guardian a rapporté début août que le chef de la diplomatie, David Lammy, prévoit une visite en Chine en septembre. David Lammy a déjà rencontré son homologue chinois Wang Yi fin juillet en marge d’une réunion de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) au Laos, où il a résumé la vision britannique des relations avec Pékin : «Coopérer quand c’est possible, être en concurrence quand c’est nécessaire, et critiquer quand c’est indispensable.»