Allemagne : Berlin prêt à autoriser la vente d’Eurofighter à l’Arabie Saoudite

09/01/2024 mis à jour: 01:33
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La décision de l’Allemgne est une bonne nouvelle pour Airbus

Le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a défendu hier son projet de lever un veto de longue date sur les ventes d’avions Eurofighter à l’Arabie Saoudite, affirmant que Riyad a adopté une «approche constructive» dans la guerre entre Israël et le Hamas, rapporte l’AFP. 

Cet embargo a irrité durant plusieurs années les partenaires de Berlin en Europe. L’Eurofighter est un programme conduit par le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, rassemblant les industriels BAE Systems, Airbus et Leonardo. Mais le revirement d’Olaf Scholz suscite des critiques politiques en Allemagne, où les exportations d’armes sont un sujet sensible.

C’est la cheffe de la diplomatie allemande qui, lors d’un déplacement en Israël, a annoncé dimanche la volte-face sur les livraisons à Riyad. «Nous ne nous voyons pas, en tant que gouvernement fédéral allemand, nous opposer aux considérations britanniques sur d’autres Eurofighter», a déclaré  Annalena Baerbock.

Le veto allemand bloque depuis 2018 une pré-commande géante de 48 Eurofighter Typhoon, signée à Londres lors d’une visite du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane.

L’Allemagne a gelé les ventes d’armes à Riyad depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi fin 2018, imputé au prince héritier saoudien notamment par le renseignement américain.
 

Comme l’a fait la cheffe de la diplomatie la veille, le porte-parole d’Olaf Scholz a invoqué l’évolution de la situation au Moyen-Orient depuis l’attaque du Hamas palestinien contre Israël le 7 octobre pour justifier son changement de doctrine. 

«C’est un secret de polichinelle, l’armée de l’air saoudienne a également utilisé des Eurofighters pour abattre des missiles des Houthis ciblant Israël, et c’est à la lumière de tous ces développements qu’il faut considérer la position du gouvernement», a déclaré Steffen Hebestreit à Berlin hier. «L’Arabie Saoudite a adopté une attitude très constructive à l’égard d’Israël», a ajouté le porte-parole du gouvernement. Mme Baerbock a souligné que l’Arabie Saoudite et Israël n’avaient «pas renoncé à leur politique de normalisation» après l’attaque du 7 octobre. «L’Arabie Saoudite contribue de manière déterminante à la sécurité d’Israël, même ces jours-ci, et elle contribue à endiguer le risque d’une conflagration régionale», a-t-elle estimé.
 

«Une erreur»

L’embargo allemand, décidé sous le mandat de l’ex-chancelière conservatrice Angela Merkel, a été ancré dans le contrat de la coalition SPD-Verts-libéraux d’Olaf Scholz. Et les écologistes, parti de Mme Baerbock, sont particulièrement fermes du fait, également, du rôle de l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen. Mais «le monde, en particulier ici au Moyen-Orient, est devenu un endroit complètement différent depuis le 7 octobre», a justifié Mme Baerbock dimanche.

L’Arabie Saoudite «soutient depuis bientôt trois ans, conjointement avec les Nations unies, les efforts visant à mettre fin au conflit» au Yémen, a ajouté lundi un porte-parole de son ministère. Interrogé sur les conséquences effectives de son revirement, le gouvernement allemand a indiqué qu’il revenait à l’Arabie Saoudite et au Royaume-Uni de concrétiser leurs engagements contractuels.

La volte-face de Berlin risque toutefois d’ouvrir un nouveau front politique pour la coalition au pouvoir. Pour la coprésidente des Verts, Ricarda Lang, vendre ces avions est et reste «une erreur», «compte tenu de la situation des droits de l’homme en Arabie Saoudite».
 

La question pourrait également diviser les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz. Les partenaires de Berlin devraient y voir au contraire un pas en avant. Le ton est de nouveau monté récemment contre ce veto, le président d’Airbus, Guillaume Faury, estimant que cette attitude entachait la «crédibilité» de l’Allemagne en matière de coopération industrielle. 

S’y ajoute la crainte que ces résistances concernant l’Eurofighter Typhoon puissent se reproduire pour exporter à l’avenir le futur avion de combat Scaf, programme rassemblant Paris, Berlin et Madrid censé succéder aux Rafale et Eurofigher à l’horizon 2040. Au-delà du cas saoudien, les industriels français souhaiteraient donc, de la part de Berlin, des garanties durables sur ses règles d’exportation lorsqu’il s’agit de programmes communs. 

La Turquie souhaite de son côté acquérir 40 Eurofighter. «Le Royaume-Uni et l’Espagne ont dit oui, maintenant nous essayons de convaincre l’Allemagne», avait déclaré le ministre turc de la Défense, Yasar Guler, mi-novembre.

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