Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’École supérieure d’agronomie : «L’alimentation en Algérie sous pression»

21/11/2024 mis à jour: 20:40
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le professeur Ali Daoudi

La place de l’alimentation dans les dépenses des ménages reste considérable, même si elle a connu une baisse relative ces dernières années. Cette diminution, pourtant salutaire dans un contexte économique tendu, masque des disparités et des défis structurels persistants. 

le Pr Ali Daoudi, enseignant-chercheur à l’ecole supérieure d’agronomie, a mis en lumière, lors de son passage hier à l’émission «L’Invité du jour» de la radio Chaîne 3, ces enjeux dans un contexte où les fluctuations des prix agricoles impactent directement le quotidien des foyers. 

Si en 2011, les ménages algériens consacraient 41% de leurs revenus à l’alimentation, ce chiffre a reculé à 34% dix ans plus tard, selon une étude de l’Office national des statistiques (ONS) publiée en 2022. Si cette tendance traduit une amélioration, elle reste éloignée des standards des pays développés, où cette part oscille entre 7 et 8%. Pour le Pr Daoudi, cette différence révèle une vulnérabilité persistante. «Lorsqu’un ménage consacre plus d’un tiers de son budget à l’alimentation, une hausse, même modeste, des prix des produits agricoles peut affecter significativement son pouvoir d’achat», explique-t-il. 

Cette sensibilité est particulièrement aiguë pour les ménages modestes, chez qui la proportion peut grimper à 40%. La relative stabilité des prix des produits de large consommation, garantie par une politique de subventions, contraste avec la volatilité des produits agricoles. Fruits, légumes, viandes, ces denrées essentielles connaissent une tendance à la hausse depuis plusieurs années. 

Selon le Pr Daoudi, les prix des produits agricoles ont augmenté de 4,3% entre septembre 2023 et septembre 2024. Cette hausse s’explique, d’après l’interviewé, par plusieurs facteurs. D’abord, les choix des agriculteurs eux-mêmes : «Les orientations des cultures sont largement influencées par des prévisions de prix de vente et des coûts de production.»

Baisse constante des terres irrigables 

Ensuite, la disponibilité des terres irrigables, en baisse constante. En 2012, chaque Algérien disposait en moyenne de 120 m² de terres irriguées et cultivées. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 90 m², selon les données du ministère de l’Agriculture. Cette réduction est particulièrement alarmante dans un pays où la croissance démographique exige une production alimentaire accrue. 

Outre la diminution des terres cultivées, la stagnation de la culture maraîchère inquiète les spécialistes. Ces produits, essentiels pour l’équilibre alimentaire des Algériens, se raréfient sur fond de contraintes foncières et hydriques. Pour le Pr Daoudi, la solution réside dans une refonte structurelle du secteur agricole. Il plaide pour une extension des zones cultivées, notamment dans les régions du sud, et pour une modernisation technologique des modes de production. 

Cette transformation permettrait d’augmenter la productivité sans dépendre exclusivement de l’extension des surfaces cultivées, une démarche nécessaire face aux défis environnementaux et démographiques. Au-delà des enjeux de production, le Pr Daoudi appelle à une réflexion sur le modèle de consommation des Algériens. Il préconise une grande enquête nationale pour analyser les habitudes alimentaires et les besoins réels de la population. «Une telle étude pourrait orienter efficacement la production agricole et les politiques publiques, en phase avec les aspirations et les contraintes des ménages», affirme-t-il. 

Cette approche, selon lui, pourrait également contribuer à réduire le gaspillage alimentaire, souvent négligé mais omniprésent, et à sensibiliser les citoyens sur des pratiques plus durables. Si les chiffres peignent un tableau complexe, ils révèlent aussi des marges de manœuvre importantes. 

L’amélioration du pouvoir d’achat des ménages passe par une régulation accrue des prix agricoles, mais aussi par une transformation profonde du secteur. Les défis, qu’ils soient structurels ou conjoncturels, exigent une action concertée entre l’État, les agriculteurs, et les consommateurs. En attendant, les ménages algériens continuent de naviguer entre les hausses des prix et les ajustements de leurs budgets.
 

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