Ali Berkennou invité du ciné-club Abderrahmane : Bouguermouh d’Agouni Fourrou : «Le film Fouroulou est fait pour être projeté dans les villages»

03/04/2025 mis à jour: 16:34
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Ali Berkennou, réalisateur - Photo : D. R.

Pour le compte du deuxième acte de son ciné-club Abderrahmane Bouguermouh, l’association culturelle Tanekra a programmé la projection du film Fouroulou suivi d’un débat avec son réalisateur Ali Berkennou.

Une vive émotion a accompagné la projection, samedi dernier, du dernier-né cinématographique dans la langue amazighe, Fouroulou, dédié à l’enfance du défunt illustre écrivain Mouloud Feraoun. C’est que l’assistance, composée substantiellement de femmes d’un certain âge, s’est retrouvée dans ce film et s’y est naturellement identifiée, la replongeant dans l’ambiance d’il y a un siècle, marquée notamment du sceau de la misère et de privations multiples.

Le long des près de 90 minutes qu’a duré le film, les présents ont eu le loisir de revisiter, pour ceux qui ont eu à lire le roman Le fils du pauvre, dont il s’agit d’une adaptation à l’écran et à découvrir pour le reste, bien de facettes et de haltes phares qui ont marqué l’enfance du digne fils de Tizi Hibel.

De l’incident qui a failli lui faire perdre un œil à l’obtention de sa bourse pour poursuivre ses études post-primaires, en passant par ses premiers pas d’écolier, la maladie de sa tante maternelle, le décès de sa grand-mère paternelle ou encore le départ en exil de son père et le retour de ce dernier au village après un accident de travail qui a failli lui coûter la vie, les spectateurs étaient comme scotchés devant les images magiques qui restituent presque à la perfection les scènes d’antan.

Avec des décors tout droit sortis du siècle dernier et d’échanges qui coulaient de source d’acteurs que l’on croit traîner de longues carrières au vu de leurs prestations. Travaux des champs, tâches ménagères et autres scènes au village avec ses ruelles étroites et sa djemaâ, sont présentés dans des séquences et des dialogues bien agencés.

L’idée du film

Lors des débats ayant suivi cette projection, le réalisateur a eu à échanger avec l’assistance sur ce film et sur son parcours dans le 7e art. D’abord en ce qui concerne l’idée du film en elle-même. A ce propos, Berkennou soutient que l’idée d’adapter Le fils du pauvre en film ne lui appartient pas. «Je n’ai fait que reprendre l’idée d’un ami d’Alger qui, en 2017, avait entamé le projet qu’il n’avait pu mener à terme pour plusieurs raisons, dont notamment sa non-maîtrise du kabyle et qui m’a sollicité pour concrétiser le projet», avoue-t-il.

Et en 2019, une demande de financement a été faite auprès du ministère de la Culture et des Arts qui a concédé une enveloppe qui représente le quart du budget nécessaire à la réalisation de ce film. Ce qui a fait que l’œuvre, comme relevé par plus d’un présent, a été amputée de certaines scènes, dont celle des premiers pas de Fouroulou à l’école, choix du site de tournage et des acteurs.

Pour ce qui est des lieux du tournage et du choix des acteurs, ceux-ci n’ont pas été difficiles comme appréhendé avant, avec le dévolu jeté sur Tadjelt, petit village relevant de la commune de Souamaâ, sur la route menant vers Bouzeguène où la population locale a adopté l’équipe de tournage de ce film.

Un village dont, a tenu à préciser Berkennou, «des maisons traditionnelles où personne n’habite qui ont été mises à notre disposition et de ce fait le travail de l’équipe s’est révélé plus facile d’autant plus que les habitants nous ont énormément aidés, tenant à répondre à la moindre de nos demandes».

Des sites qui ont néanmoins «nécessité quelques opérations de restauration pour les mettre au diapason de ce que fut un village kabyle il y a un siècle de cela», précise le réalisateur, qui ajoute avoir fait auparavant une prospection de plusieurs sites  dans les wilayas de Sétif, Béjaïa et Bordj Bou Arréridj.

Car, a-t-il tenu à expliquer : «Avec l’électrification, l’architecture qui a totalement changé, les cinéastes éprouvent des difficultés à reconstituer des décors d’antan.» Concernant les acteurs, le choix n’a pas été tout aussi laborieux puisque le réalisateur a fait appel à des comédiens assez connus, comme Usalas, Slimane Hamel et Saïd Mariche faisant appel, dans la foulée à des novices, notamment pour camper le rôle de Fouroulou durant son enfance et son adolescence.

Avec les deux frères Annane qui ont superbement incarné ces deux rôles et leurs cousines dans la vie de tous les jours qui ont joué comme ses sœurs dans le film.  Quant à la mère de Fouroulou, ce rôle a été interprété par Farida Yermeche.

Trois  autres versions sous-titrées

A propos de la promotion de ce film qui constitue la quatrième œuvre de son réalisateur après deux longs-métrages (La dernière cigarette et Le chant des cigales) et un court-métrage et un court-métrage (D awal kan), tous en kabyle, Berkennou parle d’un programme de projection de Fouroulou déjà en cours à Tizi Ouzou et à Alger dans l’attente de sa programmation au niveau d’autres wilayas du pays, d’autant plus, précises-t-il, que ledit film, «en plus de sa version  originale en kabyle, possède également d’autres versions sous-titrées en arabe, en français et en anglais».

Ceci dit, celui qui a eu à incarner le rôle de Meddour dans le mythique film La Colline oubliée du défunt Abderrahmane Bouguerlmouh, lui aussi adapté du roman éponyme du défunt Mouloud Mammeri, estime que ce film (Fouroulou, ndlr) est «d’abord fait pour être projeté dans les villages au bénéfice des villageois qui leur restitue le vécu de leurs aïeux».

Mais pas que pour les villageois, car ce film donne une seconde vie au roman autobiographique Le fils du pauvre qui a fait le bonheur de générations d’élèves qui l’ont étudié et qui en gardent bien des passages entiers, notamment ses tout premiers pas d’écoliers et son obsession pour l’obtention de la fameuse bourse qu’il a fini par arracher et qui a constitué l’ultime scène de cette œuvre qui s‘ajoute à d’autres œuvres d’adaptation similaires comme La colline oubliée adaptée du roman éponyme de Mouloud Mammeri par Abderahmane Bouguermouh et  La grande maison de Mohamed Dib adapté à l’écran par Mustapha Badie. 

 

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