Aïcha Chaâbna développe une idée pour économiser l'eau : Un parapluie collecteur de pluie

07/07/2022 mis à jour: 19:16
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Elle s’appelle Aïcha Chaabna. Elle avait pour ambition de produire de la gélatine extraite de peaux de moutons abîmées. Son idée a d’ailleurs eu, l’an dernier, le prix «Coup de cœur» de Save Food Chalenge. 

Une année plus tard, Aïcha n’a malheureusement pas pu concrétiser son projet. La raison : L’impossibilité de me fournir l’eau nécessaire pour sa mise sur pied. A tout juste 24 ans, cette jeune diplômée en nutrition et sciences des aliments ne baisse pas les bras et décide de chercher une solution alternative. Lui vient alors l’idée de récupérer l’eau de pluie. 

«Lorsqu’on m’a annoncé qu’en raison du peu d’eau disponible dans notre région (Batna, ndlr), il me sera presque impossible de mettre en place mon projet de gélatine, dont la réalisation nécessitait beaucoup d’eau, j’ai rapidement pensé à utiliser l’eau de pluie, si souvent gaspillée», raconte-telle. 

A cet effet, elle explique : «L’Algérie connaît un stress hydrique important. Pourtant, on continue de gaspiller l’eau de pluie au lieu d’en faire bon usage. Des études ont révélé que 80% de ces eaux vont avec les eaux usées et seulement 20 % sont absorbées par le sol. Cela nous renseigne sur la quantité énorme d’eau gaspillée». 

Reste donc à savoir comment la récupérer. Aïcha se penche alors sérieusement sur la question. S’en suivent 3 mois de recherches intensives. 

Avec son équipe, ils entreprennent des recherches sur la région de Batna, sa pluviométrie, ses perturbations, mais également sur la quantité d’eau qui leur sera possible de récupérer et les hectares qu’ils pourront irriguer avec ainsi que l’éventuel rendement des cultures. 

«Nous avons également fait des recherches plus techniques sur le matériel nécessaire et notamment les parapluies. Il fallait qu’on sache le coût de la logistique et la disponibilité sur le marché », poursuit-elle. Et ce n’est qu’en mai dernier que «MyUmbrelle» voit le jour. 

Ayant pour slogan «Derrière chaque goutte d’eau récupérée se cache une vie», le projet consiste à récupérer l’eau de pluie pour des utilisations diverses dans différents domaines et secteurs. «Il s’agit d’un ensemble de parapluies inversés et flexibles, collecteurs de pluie,rattachés à des citernes pour le stockage de l’eau récupérée », expliqueelle. Assurant que les avantage d’un tel projet sont nombreux, tels que l’éradication de la sécheresse, le recyclage et la purification des eaux, la réduction des risques d’inondation, mais aussi l’économie d’eau pour l’irrigation. 

BREVETAGE 

Si cela semble bien intéressant, reste à savoir comment ça marche. A cet effet, Aicha explique que la réutilisation de l’eau de pluie se déroulera en quatre phases. La première est la récupération d’eau. «A la survenue des pluies, il suffira d’ouvrir les parapluies. L’eau viendra alors s’installer dans le creux de ces dernier », affirme-telle. 

Les parapluies étant rattachés à un filtre l’eau sera donc filtrée, ce qui constitue la deuxième phase. La troisième phase est celle du remplissage des citernes reliées au dispositif. «Une fois l’eau récupérée puis filtrée, elle passe vers la conduite de remplissage qui mène vers la citerne », explique Aïcha. Et enfin la quatrième phase, celle-ci facultative et dépend des besoins, concerne le remplissage d’une citerne secondaire (secours).

«Une fois cette eau récupérée, on peut l’utiliser pour l’irrigation ou l’aquaculture ou encore, dans un futur proche, dans les smart city. Toutefois, notre cible première reste les agriculteurs qui sont au nombre de 250.000 en Algérie », assure Aïcha. Indiquant que les fermes constituent donc une première étape pour introduire cette technologie. 

«Petit à petit, les gens vont s’habituer à voir ce mécanisme dans les champs et les fermes et ne seront plus réfractaires à l’installer chez eux. Idem pour les hôpitaux ou encore les universités qui pourront s’en servir pour le nettoyage par exemple», espère-t-elle. Selon Aïcha, «MyUmbrella » serait plus fiable que d’autres alternatives qui exigent de creuser des puits et ce, pour différentes raisons. 

La première est que, selon Aïcha, un puits finit par sécher, or récupérer l’eau de pluie est constant. La seconde raison est qu’il est moins dangereux d’ouvrir un parapluie que de justement creuser des puits. La troisième raison et non des moindres est que les nappes phréatiques ne seront jamais touchées. 

« Non seulement nous n’empiétons pas sur les nappes phréatiques, mais nous réduisons également le forage de puits, qui représentent un grand danger en cas de non remplissage », assure-elle. 

Pourvue d’une vision écologique sans limite, motivée mais surtout déterminée à mener, cette fois-ci, son idée à terme, Aïcha a déjà tracé les lignes directrices de son projet. 

«Dans 6 mois, nous obtiendrons le Label projet innovant et créerons notre start up. Dans une année, nous prévoyons de conquérir 36% du marché national ainsi que l’obtention du label Start up. Et dans 2 ans, nous viserons 67% du marché national», assure-t-elle. Pour l’heure, Aïcha confie avoir obtenu l’approbation d’une ferme à Batna. 

D’ailleurs, elle assure que cela constitue un pas de géant. En effet, selon elle, l’un des premiers obstacles qu’ils ont rencontrés a été de convaincre les agriculteurs, plus habitués à creuser des puits pour exploiter l’eau, de l’efficacité de ce système. 

«La réalisation du prototype a commencé et nous espérons le finaliser dès le début de la saison des pluies afin de pouvoir tester la technologie», poursuit-elle. 

«Nous avons aussi introduit une demande de brevetage il y a un mois. Et notre dossier est en cours de traitement », dit-elle, fière. 

Aujourd’hui, suite à leur participation au Challenge Algeria Climate Change et l’obtention du prix de la meilleure technologie, ainsi que leur participation au Women in Engineering Challenge de Schlumberger, Aïcha et son équipe espèrent obtenir un financement suffisant pour commencer la concrétisation de leur projet. 

«La réalisation de notre premier projet qui est d’extraire de la gélatine dépend énormément de la réussite de celuici. Les deux projets servent l’environnement et constituent des solutions innovantes à des problèmes dont souffre le pays », ajoute-t-elle.

S. O.

POURQUOI EST-IL IMPORTANT DE COLLECTER L’EAU DE PLUIE ? 

Recycler l’eau de pluie a de nombreux avantages écologiques. Le premier et sans doute le principal est de réduire le stress hydrique. En effet, chaque mètre cube d’eau de pluie consommé n’est pas pompé dans la nappe phréatique. Un autre impact écologique important est le rôle positif de la collecte des eaux de pluie dans le contrôle du ruissellement urbain. L’installation de citernes aura un effet bénéfique sur la réduction des rejets d’eaux pluviales dans le réseau, et donc du lessivage au niveau des stations d’épuration lorsque les communes consolident le réseau.

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