Ahlem Gharbi, fraîchement nommée en tant que directrice générale de l’Institut français d’Algérie et conseillère de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Algérie, a exercé en Egypte et aux Etats-Unis et a été une «spin doctor» du président Emmanuel Macron comme conseillère pour le Maghreb et le Moyen-Orient. Entretien.
Entretien réalisé par K. Smaïl
- Mme Ahlem Gharbi, vous avez exercé en tant que diplomate en Egypte, aux Etats-unis et vous avez été l’ancienne conseillère du président Emmanuel Macron pour le Maghreb et le Moyen-Orient, vous avez été nommée il y a quelques mois directrice générale de l’Institut français d’Algérie et conseillère de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France en Algérie, vous êtes franco-tunisienne, votre arrière grand-père était Algérien ? Vous n’êtes pas dépaysée…
C’est vrai que je me sens un peu comme à la maison en Algérie, entre le dialecte algérien qui est très proche du tunisien, la cuisine, la culture méditerranéenne, les paysages… c’est un retour aux sources, au Maghreb que j’aime ! Et puis, il y a cette histoire familiale qui me rapproche encore davantage de l’Algérie puisque le grand-père de ma mère était originaire d’Algérie. J’ai souvent vu les cousins algériens de ma grand-mère lui rendre visite en Tunisie et j’ai toujours été curieuse de découvrir ce pays. Et maintenant que j’y suis, je profite de chaque instant ! C’est très stimulant de travailler dans un pays qui a une histoire et une culture séculaires où l’on trouve des trésors architecturaux et patrimoniaux partout.
- La coopération et l’action culturelle est placée sous le signe de l’amitié algéro-française…
Nos deux pays partagent beaucoup en commun, notamment sur le plan humain. Ces échanges humains sont importants et source de richesse. Et l’humain est au cœur de l’action culturelle et de la coopération entre l’Algérie et la France, à travers les projets que nous construisons ensemble, l’échange d’expertise, les échanges universitaires, les résidences d’artistes en France offertes aux artistes algériens, la venue en Algérie d’artistes français, désireux de découvrir ce pays et sa culture. Nous avons beaucoup à faire et à construire ensemble dans le domaine culturel et j’ai hâte, maintenant que la situation sanitaire se stabilise, de reprendre nos beaux projets de coopération avec les autorités algériennes.
- L’Institut français d’Algérie est l’un des plus importants dans le monde, après celui de New York. Quelles ambitions affichez-vous avec votre empreinte maghrébine, africaine, méditerranéenne…
L’Institut français d’Algérie doit jouer le rôle de pont entre nos deux pays, un lieu de cultures partagées et d’échange. Il est pour moi important de donner une ligne directrice à notre action et dessiner des priorités qui vont guider notre programmation. La première est celle de la jeunesse. Je souhaite que l’Institut français d’Algérie puisse soutenir la jeune création algérienne. La deuxième est celle de la mise en valeur de la francophonie à travers la langue et les cultures francophones et, enfin, il me paraît primordial que nos actions soient connectées à notre environnement immédiat, la Méditerranée et l’Afrique, source de richesse et d’inspiration.
- Le dialogue, le partage et l’échange culturel dans leur dimension universelle…
Oui, l’art et la culture véhiculent un message universel. Ils rapprochent les peuples à travers un langage propre, à travers le beau, à travers la découverte et la création. Il y a énormément d’attrait pour l’Algérie de la part des artistes et intellectuels français qui sont curieux de découvrir ce pays, sa culture, ses trésors cachés. Il me semble primordial de développer davantage les échanges entre artistes algériens et français dans les deux sens pour stimuler une créativité partagée. C’est dans cette perspective que je souhaite mettre en place un programme de résidences d’artistes dans les différentes antennes de l’Institut français d’Algérie et avec nos partenaires algériens afin que les artistes français puissent passer plus de temps en Algérie et créer des projets avec les artistes algériens.
- La promotion de la langue française -l’Algérie compte 14 millions de locuteurs francophones-, un défi face au multilinguisme, à l’hégémonie de l’anglais…Vous initiez, à cet effet, plusieurs concours, prix littéraires…
Les langues ne sont pas concurrentes mais complémentaires et elles ont toutes leur place. Je pense que le multilinguisme est une richesse et un atout. A cet égard, l’apprentissage de la langue française constitue un atout pour être mieux armé sur le marché du travail que ce soit en Algérie ou dans le monde. Il permet également de découvrir d’autres cultures francophones, à travers la découverte de la littérature ou encore le cinéma. Dans notre programmation du mois de mars où la francophonie africaine est à l’honneur, nous avons souhaité par exemple mettre en avant le cinéma congolais, belge ou encore canadien. Dans le cadre du Salon international du livre d’Alger (SILA), l’Institut français d’Algérie accueillera de nombreux auteurs francophones de pays différents. Là encore la langue rapproche et enrichit.
- La preuve, de nombreux écrivains algériens, tels que Yasmina Khadra, Kamel Daoud, Anouar Benmalek, Samir Toumi, Amin Zaoui, ainsi que d’autres jeunes auteurs brillent dans la langue de Molière…
Tous les écrivains que vous citez sont des écrivains incroyables de talent qui manient la langue française avec brio, qui sont connus et lus en France et ailleurs. Ils contribuent à créer un patrimoine commun, un patrimoine littéraire universel, et faire rayonner l’Algérie sur la scène littéraire internationale. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous aurons d’ailleurs le plaisir d’accueillir de nombreux auteurs algériens sur le stand de l’Institut français d’Algérie au SILA et dans les différentes antennes de l’Institut, à Alger, Oran, Tlemcen, Annaba et Constantine.
- Alors, comment sera la saison 2022 à l’Institut français d’Algérie, à travers ses différents IF ?
Notre programmation 2022 sera à l’image de nos ambitions, une programmation qui mettra les jeunes créateurs à l’honneur, fera briller les cultures francophones et méditerranéennes. Au-delà, de la venue d’artistes français en Algérie nous souhaitons aussi mettre en avant les artistes algériens que nous programmons de plus en plus dans nos différents instituts. Nous souhaitons également davantage mettre l’accent sur la formation et le partage d’expérience, à travers la mise en place d’ateliers, de classes de maître (master-class) et de résidences d’artistes dans tous les domaines artistiques.