Après dix ans d’absence, l’artiste Aghiles Issiakhem marque son grand retour sur la scène artistique avec une remarquable exposition qui se tient jusqu’au 1er avril prochain, à l’hôtel Sofitel d’Alger.
Si Aghilès Issiakhem n’a pas exposé ses oeuvres depuis dix ans, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas cessé un instant de créer au quotidien.
Le dessin, il ne l’a pas arrêté, c’est juste qu’il s’est enfermé volontairement, refusant d’exposer. Un retour marqué par un changement notable au niveau du tracet. Pour cet autodidacte, le dessin est sa raison de vivre. Il nous confie qu’il n’a pas exposé depuis dix ans car il y a eu le décès de son défunt frère qu’il l’a fortement affecté. Il tente de suivre une formation en prothèse dentaire mais très vite, il se rend compte que ce métier ne répond pas à ses aspirations «travailler derrière un bureau ne me ressemble», lance-t-il.
En 2015, il abandonne sa formation et retourne au dessin et ce, à ce jour. Dépourvue de thème précis pour ne pas la conditionner, cette collection comporte 29 tableaux récents et une infime partie de tableaux anciens. Il faut dire que de tout temps, Aghiles Issiakhem n’a jamais voulu intituler ses expositions, car selon lui, c’est au public d’interpréter les messages qu’il veut véhiculer. Si par le passé l’artiste se plaisait à présenter, des portraits à esthétique tourmentée, aujourd’hui sa démarche est taillée dans des histoires et dans l’émotion. Il a pris du recul et a gagné en maturité.
Son travail est introspectif avec un contraste en profondeur. Portraitiste dans l’âme et perfectionniste, Aghilès Issiakhem aime à travailler à partir de noirs et blancs différents qu’il creuse pour jouer sur les diverses nuances. Il puise son inspiration à partir de ses états d’âme et ceux des personnes qui l’entourent. Preuve en est avec les portraits de certains membres de sa famille, d’amis ou encore de personnes qu’il a croisées dans son quotidien. Il a ce don de pénétrer sous la sinuosité des traits des visages.
Il donne à chacun de ses portraits la qualité d’une œuvre dense et accomplie à la fois. Des tranches de vie se devinent en filigrane. Il ne s’agit pas seulement d’hommage à sa famille mais de choses qui l’ont touché. «Ce sont des hommages à tous ceux qui sont morts d’un cancer, comme mon père et mon frère et mon oncle M’Hamed», précise-t-il sur un ton éprouvé.
L’imaginaire vient après les repères
L’œuvre «Moh Chaplin» n’est autre qu’un SDF d’Alger. A la base, c’est un fleuriste qui existe toujours. Son regard est perçantet en dit long sur son for intérieur. «Blancheur lumineuse» et «M’hamed», représentent les visages reposants et tendres à la fois de la tante et de l’oncle de l’artiste. «Le poète aux quatre points cardinaux», dévoile un ami marin au profil avenant. «Echographies 1 et 2» sont deux dessins abstraits où le jeune artiste a redessiné les échographies de ses deux enfants. Dans «Voyage», Mickey Mouse est en quelque sorte en dualité avec un rat. L’artiste nous explique le sens de son œuvre : «Le Mickey Mouse, c’est mon fils.
L’histoire de Mickey Mouse est avant tout une histoire personnelle. J’ai toujours eu un souvenir où je pleurais quand j’étais tout petit. J’avais un sachet rouge où était dessiné Mickey Mouse. Je pleurais et il y avait aussi dans le sachet le visage de ma sœur.
Cela ne fait pas longtemps que je m’en suis souvenu, j’ai appelé ma frangine qui est au Canada et elle m’a éclairée. Elle m’a expliqué que c’était l’étui de son parapluie où était dessiné Mickey Mouse. J’avais à cette époque trois ans. Il se trouve que le doudou de mon fils est à l’effigie de Mickey Mouse. Mon aîné m’a fait rappeler ce souvenir d’enfance. Lui cache sa main et le rat le sent. Mickey Mouse, c’est le bonheur et la fleur, placée en haut incarnant la vie et le bonheur ».
Sens inné du mouvement et de l’expression
Aghilès Issiakhem - dont le grand oncle n’est autre que le grand peintre algérien M’Hamed Issiakhem - use et abuse du recyclage. Il aime travailler sur tous les supports. Il dévoile deux sculptures au sens inné du mouvement et de l’expression. Il livre aussi deux anciennes portes de voiture que son défunt oncle M’hamed lui a données, sur lesquelles on aperçoit le portrait et les mains de ce parent qui plante des fèves.
Aghiles Issiakhem utilise le fusain pour créer ses dessins sur du papier craft. Parfois, il se sert d’une brosse métallique et autres instruments pour décaper et donner des reliefs à un dessin donné. En outre, l’ensemble de ses œuvres se caractérisent par une superposition de lignes aux contours croisées sur de larges bandes réalisées au charbon de bois pour construire des éléments clés tels que les cheveux, le nez, les yeux ou encore le menton. « Mes traits sont dynamiques et en continuel mouvement, voir en transe. Je ne choisis pas la technique, elle vient toute seule», détaille-t-il. En somme, le travail d’Aghilès Issiakhem oscille dans un univers semi-abstrait et surréaliste.
Pour approfondir votre connaissance de l’artiste, il suffit de vous rendre au niveau de l’hôtel Sofitel d’Alger. Le déplacement en vaut la chandelle !