Afrique du Sud : A l’école d’opéra du Cap, l’affinage de talents bruts

12/12/2023 mis à jour: 08:19
AFP
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Paulina Malefane, enseignante à l’école d’opéra, à la quête de jeunes talents

Le grand gaillard aux larges épaules se destinait à diriger un jour une ferme, quelque part en Afrique du Sud. Mais Yonwaba Mbo, 31 ans, répète le rôle de Figaro et s’apprête à faire ses premiers pas comme soliste d’opéra. L’université du Cap abrite sans doute la plus prestigieuse école d’opéra en Afrique. La soprano Pretty Yende, invitée à chanter en Angleterre lors du couronnement du roi Charles III, y a égrené ses premières vocalises. 
 

Comme elle, qui a grandi dans un petit village de l’est du pays, la plupart des étudiants ici sont tombés dans le bel canto un peu par hasard et souvent sur le tard. Yonwaba Mbo a abandonné des études en agriculture pour rejoindre le campus ombragé d’où les voix lyriques s’envolent par les fenêtres. «Avant de découvrir l’opéra, je me demandais toujours: Mais pourquoi ces gens crient si fort ?», rit le baryton à la voix puissante, quittant sa nature plutôt réservée. Le «virus de l’opéra» l’a piqué alors qu’il ne savait même pas déchiffrer une partition, il est parti «de zéro», avoue-t-il.  Il étudie le chant lyrique depuis désormais six ans, motivé par l’idée «incroyable» qu’une personne comme lui puisse raconter une histoire en chantant et dans une langue étrangère. 

Ce jour-là, il répète une énième fois le personnage charmeur et jaloux de Figaro, valet rebelle de Mozart, échangeant la réplique avec sa camarade de promo, Siphosihle Letsoso, dans le rôle de l’amoureuse Suzanne. La jeune femme de 23 ans a quitté la petite ville de Kimberley et le désert du Karoo dont elle est originaire, pour accomplir son rêve de devenir soliste soprano. «A Kimberley, il n’y a pas de salle d’opéra», lance-t-elle en éclatant de rire. Si elle réussit, elle retournera dans sa ville natale et y montera une salle de spectacle, jure-t-elle. 
 

Clef de sol

Les jeunes chanteurs arrivent à l’université avec un «talent brut» qui doit être «affiné», explique le directeur de l’école, Jeremy Silver. Assis au piano, le chef d’orchestre britannique de 56 ans accompagne les solistes, interrompant les arias pour prodiguer des conseils précis. «Avec ce crescendo, tu dois devenir menaçante», explique-t-il à l’interprète de Suzanne, qui prend assidument des notes sur sa partition. L’université du Cap est la seule académie du pays avec un cursus complet d’enseignement de l’opéra, comprenant musique et chant, mais aussi le jeu d’acteur et les langues de l’opéra comme l’italien, le français et l’allemand. 

La plupart du temps, les jeunes qui débarquent ont appris le chant dans les chorales scolaires ou à la messe mais manquent de connaissances théoriques. Paulina Malefane, qui enseigne à l’école d’opéra, tente de forcer le destin en allant défricher les talents prometteurs dans des écoles primaires et préparer les futures générations de solistes. Dans le township de Khayelitsha, un des plus grands et miséreux du pays, en banlieue du Cap, une trentaine d’écoliers bûchent sur des partitions.

 Paulina Malefane passe entre les tables, se penche sur les cahiers et encourage les tracés de clefs de sol : «Un jour, vous allez me piquer mon métier !», lance-t-elle aux apprentis musiciens. Aujourd’hui comédienne et chanteuse couronnée de prix internationaux, elle aussi a dû rattraper le temps perdu et acquérir les connaissances théoriques musicales une fois entrée à l’université. Si un de ces enfants rejoint un jour l’école d’opéra, «il entrera au moins avec l’assurance d’avoir la théorie», se félicite-t-elle alors qu’une fillette au piano montre, d’un doigt encore hésitant, la touche Do sur le clavier.
 

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