Affaires Amara et Atal : Autre époque, autres mœurs politiques

05/12/2023 mis à jour: 04:05
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Saïd Amara et Youcef Atal

Ce qu’est en train de vivre le joueur de Nice, Youcef Atal, éclaire d’un jour nouveau le quotidien des sportifs qui osent se prononcer sur des faits politiques qui, souvent, ne plaisent pas aux hommes et dirigeants politiques qui ont une proximité avec un club, une association sportive à l’étranger. 

L’international algérien (27 ans) le vit dans sa chair depuis le 7 octobre dernier, date à laquelle il a posté une vidéo d’un prédicateur musulman invoquant «un jour noir pour les juifs», après le début du génocide du peuple palestinien à Ghaza commis par l’armée israélienne. 

Tout de suite, la machine à broyer Atal s’est ébranlée. Le signal a été donné par le maire de Nice, Christian Estrosi, très proche du club local, qui a appelé à la suspension du joueur algérien,; au motif qu’il a pris position en faveur des Palestiniens de Ghaza. Suite à son injonction, le club et les instances du football français ont rapidement réagi. Le club s’est accordé un petit délai, avant de faire connaître sa position. 

La Ligue de football professionnelle via sa commission de discipline lui a infligé une suspension de 7 matchs, en attendant... Le maire a exigé des excuses publiques de la part de Youcef Atal. Ce dernier s’est exécuté. Des associations ont été instrumentalisées pour que des plaintes pour «apologie du terrorisme soient déposées contre l’international algérien». 

Cette charge, si elle venait à être retenue, le défenseur de l’OGC Nice risquerait jusqu’à 7 ans de prison. Comme chacun l’aura remarqué, le maire de la ville a pesé de tout son poids pour que Youcef Atal soit sévèrement puni. Pourtant, ce dernier n’a fait qu’exprimer un sentiment, à travers la publication de la vidéo, et condamner la boucherie commise à Ghaza par l’armée de l’entité sioniste. Estrosi et ses semblables ont dénié à Youcef Atal d’exprimer sa compassion avec le peuple palestinien victime d’une épuration qui ne dit pas son nom.

Il y a 60 ans (1963-2023), un autre illustre footballeur algérien, Saïd Amara, a vécu une situation  presque similaire. Au lendemain de l’Indépendance, le joueur de la glorieuse équipe du FLN a été sollicité par plusieurs clubs français qui voulaient l’enrôler. Avant de rejoindre la glorieuse équipe du FLN, il portait les couleurs de Béziers. 

Les Girondins de Bordeaux ont fait le forcing pour que l’international algérien rejoigne la Gironde et porte le maillot au scapulaire. C’était quelques mois après l’Indépendance. L’enfant de la ville de Saïda rejoint Bordeaux et joue régulièrement. Pendant ce temps-là, il ne savait pas ce qui se tramait contre lui. Une partie des supporters locaux pro-Algérie française adressait de lettres de menaces de mort à l’Algérien via la direction du club. Celle-ci n’a pas voulu inquiéter son robuste défenseur algérien afin de ne pas le perturber. Un jour de l’année 1963, l’information est parvenue au maire de la ville, Jacques Chaban Delmas. 

A l’époque, un vrai poids lourd de la politique française (16 ans président de l’Assemblée nationale française, maire de Bordeaux pendant 48 ans (1947-1995), Premier ministre (1969-1972), un sportif de haut niveau.

Lui, 60 ans avant Christian Estrosi, s’est conduit de manière absolument différente et aux antipodes de celle du maire de Nice. Chaban Delmas n’a pas dressé une potence pour pendre Saïd Amara. Bien au contraire. C’est feu Saïd Amara qui raconte la suite (en septembre 2001 à l’envoyé spécial de L’Equipe venu faire un reportage sur le football algérien, avant le match France-Algérie (4-1), partie arrêtée en seconde période)  

«lorsque les dirigeants du club ont remarqué que je commençais à m’inquiéter des lettres de menace qui m’étaient adressées, ils l’ont fait savoir au maire de la ville, Jacques Chaban Delmas. 

Celui-ci a pris sa plume et a rédigé une lettre à mon intention dans laquelle  il m’a rassuré sur ma sécurité à Bordeaux  avec en conclusion cette phrase : «Monsieur Saïd Amara, soyez rassuré qu’il ne vous arrivera rien ici à Bordeaux. 

Vous serez toujours en sécurité. Je respecte votre engagement en faveur de votre patrie». Allusion faite à sa présence au sein de la glorieuse Équipe nationale durant la guerre de libération nationale.  Autre époque, autres mœurs politiques.

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