Un dispositif impressionnant d'éléments d’élite de la police et de la Gendarmerie nationale a été déployé, hier, autour et à l’intérieur du tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger. Des agents en civil filtrent l’accès à la salle 1, envahie dès 8h45 par de nombreuses personnes. Au rôle de cette audience, deux procès pour une même affaire.
Celle de l’attaque du complexe gazier de Tiguentourine, suivie de la prise d’otages de plusieurs centaines de travailleurs étrangers, dont la libération s’est soldée par l’élimination des assaillants, qui appartenaient à la phalange «Les signataires par le sang», affiliée à l’Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique), alors dirigée par Mokhtar Belmokhtar, par celle, le 19 janvier 2013, de 29 terroristes, l’arrestation de trois autres et la mort de 37 otages étrangers.
Inédite et inattendue, cette attaque avait suscité une onde de choc mais aussi d’énormes pressions exercées sur l’Algérie par des pays occidentaux, qui voulaient obtenir la libération des otages en négociant les exigences (des rançons) avec les terroristes.
L’enquête judiciaire a pris des années en raison d’abord des appels contre l’arrêt de renvoi devant la Cour suprême et du retard des retours des commissions rogatoires. Dès l’ouverture de l’audience, les quatre accusés font leur apparition bien encerclés par des gendarmes et des policiers qui les dirigent vers le box. Le président appelle Abdelkader Benouiche, puis Bouziane Guerroumi, Derbali Laaroussi, un Tunisien connu sous le pseudonyme d'Abou Talha, et Djaafer Bouhafs, qui se présente à la barre avec des béquilles et semble ne pas pouvoir tenir debout.
Trois autres accusés, Mokhtar Belmokhtar, Ali et Moulay Hamel, sont en fuite. Le magistrat fait remarquer que sur plus de 150 victimes et plus de 70 parties civiles, ils sont nombreux ceux qui n’ont pas répondu aux convocations du tribunal. Il fait revenir Bouhafs : «Votre avocate est absente, nous pouvons vous nommer d’office une autre défense, ou vous maintenez la vôtre ?» L’accusé répond : «Je veux mon avocate.
Elle connaît mon dossier.» Le tribunal se retire pour délibérer et, au bout d’une vingtaine de minutes, revient pour annoncer le renvoi du procès à la prochaine session criminelle. Le tribunal quitte la salle puis la rejoint pour un autre procès, lié à la même affaire, mais concernant uniquement les trois accusés Mokhtar Belmokhtar, Ali Hamel et Moulay Hamel, considérés par la justice en fuite. Après délibéré, il décide de renvoyer l’examen du dossier à la prochaine session criminelle, «en raison de l’absence de nombreuses parties civiles et de témoins».
L’affaire a durant longtemps marqué les esprits. Le 16 janvier 2013, près d’une quarantaine de terroristes, à bord d’une dizaine de 4x4, tentent de pénétrer dans le site gazier, mais le gardien sentant le piège donne l’alerte avant qu’il ne soit exécuté. Le commando donne l’assaut et prend en otage près d’un millier d’employés, dont plus de 130 étrangers qui travaillent et vivent dans le complexe en partenariat entre la British Petroleum (BP) et Sonatrach.
Le commando se scinde en deux groupes, l’un dirigé par Mohamed Lamine Bencheneb, un des proches collaborateurs de Belmokhtar, alors chef d’Aqmi, qui tenait la commande de l’opération à partir de la Libye. Dotés de gros moyens, les deux groupes prennent chacun un groupe d’otages et tentent de négocier directement avec les pays respectifs de leurs captifs.
Mais c’était sans compter sur les autorités algériennes, foncièrement opposées à toute négociation autour d’une transaction financière. Le 17 janvier, le premier groupe que dirigeait Bencheneb tente de quitter le complexe avec une partie des otages, mais il est rattrapé par des hélicos de combat, qui neutralisent les occupants du 4x4. Les unités d’élite de l’armée donnent l’assaut final le 19 janvier et tuent le reste des éléments du commando.