La question du port du voile intégral avait été, clairement, tranchée du temps de l’ancienne ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit. Cette dernière avait instruit les cadres de son secteur de faire respecter l’instruction portant l’interdiction du niqab dans les lieux de travail.
Une enseignante à l’Université d’Alger 1 renvoie une étudiante vêtue d’un niqab (voile intégral), en plein cours, car elle ne pouvait identifier formellement son identité. Cela se passe, en ce début de semaine, enflammant la Toile suite au commentaire d’un anonyme qui prend fait et cause pour l’étudiante, en cursus de master 1 de langues étrangères. L’enseignante est pratiquement lynchée par des internautes qui y voient une atteinte aux «droits» de l’étudiante voilée. Jusque-là, l’affaire semble tout à fait anodine.
C’était sans compter sans la puissance des réseaux sociaux. L’affaire prend de l’ampleur, s’éloignant des faits réels pour donner un prolongement idéologique à cette affaire, naviguant dangereusement entre libertés individuelles et impératifs légalistes qu’imposent les lois de la République. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) s’est, d’ailleurs, trouvé obligé de se prononcer sur cet incident, largement médiatisé, en publiant un communiqué officiel.
Dans ce communiqué, le ministère a indiqué que la direction de l’université «a confirmé avoir pris connaissance de l’incident via les réseaux sociaux et a rapidement convoqué les deux parties concernées, l’étudiante et l’enseignante, pour entendre leurs versions des faits». Après avoir écouté chacune des protagonistes séparément, la direction a décidé de transmettre le dossier à la Commission d’éthique et de déontologie universitaire.
Cette commission est, précisons-le, chargée d’examiner les affaires liées à des comportements «inappropriés» au sein de l’université et de statuer sur d’éventuelles sanctions. La propagande agissante des réseaux conservateurs cloue au pilori l’enseignante, s’accordant le droit de reprendre les conditions d’une dangereuse inquisition. Selon des informations recoupées, l’enseignante aurait ordonné à l’étudiante de quitter la salle de classe, après un bref échange verbal, plutôt virulent, à moins qu’elle ne retire son voile.
Cet incident soulève une nouvelle fois la question sensible du port du voile intégral dans les institutions académiques. Sensible ? Pas évident. La question avait été, clairement, tranchée du temps de l’ancienne ministre de l’Education nationale, Nouria Benghebrit. C’était dans les mêmes termes et portaient sur le port du voile intégral dans les établissements scolaires. Mme Benghebrit avait, alors, annoncé, en marge de l’ouverture de l’année scolaire 2018-2019, la décision de son département d’interdire le port du niqab par les enseignants dans les écoles.
Légalité
Elle s’était, à l’époque, attiré les foudres du courant islamo-conservateur pour avoir pris un arrêté interdisant le port du voile intégral dans les établissements scolaires. Dans un autre contexte, politiquement parlant, l’ancienne ministre de l’Education avait instruit les cadres de son secteur de faire respecter l’instruction portant interdiction du niqab dans les lieux de travail, selon une circulaire datée du 27 octobre 2018.
Dans cette correspondance, le secrétaire général du ministère de l’Education nationale de l’époque, Abdelkrim Belaabed, avait transmis aux cadres nationaux et locaux de son département l’instruction de la direction générale de la Fonction publique datée du 4 octobre et portant sur l’interdiction du niqab aux fonctionnaires et agents publics.
«L’instruction insiste sur la nécessité de respecter les règles de sécurité, de communication au niveau des lieux de travail et qui nécessitent l’identification des fonctionnaires et agents publics de façon automatique et permanente », stipule la circulaire. «Il incombe à tous d’émettre les instructions nécessaires à une information large autour du contenu de la circulaire ci-jointe et de suivre son exécution», est-il mentionné dans la même instruction.
Le 18 octobre 2018, le gouvernement avait publié un arrêté interdisant officiellement le voile intégral dans les lieux de travail. Publiée par la Direction générale de la Fonction publique (DGFP) et adressée aux ministres et aux wali, cette note a pour objet d’interdire le port d’une tenue destinée à dissimuler le visage et l’identité personnelle. «Ceci n’est pas d’ordre idéologique, mais plutôt sécuritaire et professionnel(…)», avait précisé l’arrêté.