Après de longues plaidoiries, l’affaire liée à la réalisation par Saipem du complexe gazier GNL3 a été mise en délibéré et le verdict est prévu pour le 24 ou le 28 juin.
La défense a plaidé la relaxe en tentant d’annihiler les griefs un à un. Les avocats de l’ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, et de son vice-président, Abdelhafid Feghouli, ont rappelé le contexte dans lequel le projet a été confié, en 2008, à Saipem, après l’élimination de l’émiratie Petrofac, appuyée par le Présidence et liée à l’épouse de l’ancien ministre de l’Energie.
Soumis aux questions de la juge, du procureur général et des avocats, Mohamed Meziane et Abdelhafid Feghouli n’ont pas cessé de se renvoyer les responsabilités et les accusations. Interrogé sur le recours de la société émiratie Petrofac, Feghouli affirme qu’il y en a deux. «Le premier, destiné au PDG, m’a été transmis et je l’ai envoyé à Hanni, chargé du projet. Il a répondu en affirmant que les documents envoyés par Petrofac ne sont pas satisfaisants et, de ce fait, la société ne pouvait pas obtenir le marché.»
La juge : «N’y a-t-il pas de commission de recours ?» Pour Feghouli, «cette question doit être posée à Meziane, puisque les recours lui sont adressés». Interrogé sur cet appel téléphonique reçu de la présidence de la République, Feghouli persiste à affirmer que c’est le PDG qui l’a contacté, avant de se rétracter et déclarer : «La secrétaire m’avait dit qu’il y a un appel de la Présidence.
Le correspondant, le secrétaire du président (Ndlr : Habba El Okbi), voulait savoir pourquoi le contrat n’a pas été conclu avec Petrofac. Je lui ai expliqué que la société n’a pas rempli les conditions techniques. Il n’a rien dit de plus. C’est le PDG qui m’a dit qu’ils sont à la salle d’accueil et qu’il faut aller les recevoir. Le PDG est le seul ordonnateur. Il avait avec lui, dans le même bureau, Hammech, qui avait tout sous l’œil.» Un des avocats interroge Meziane sur sa relation avec Fetouhi, le rédacteur du contrat, il répond : «Il a été nommé par Feghouli.
Entre nous, la relation est par alliance mais très lointaine.» La réponse provoque l’ire de Feghouli qui lâche : «Ce n’est pas vrai.» Le procureur général : «Confirmez-vous qu’il y a eu deux recours, l’un adressé à vous en tant que PDG et l’autre au ministre ?» Meziane : «Oui, je confirme, mais il faut savoir que le projet était suivi par le ministre en personne.
De 2001 à 2003, Khelil était PDG de Sonatrach, président de son assemblée générale et de son conseil d’administration, ainsi que de son bureau exécutif. Il a continué à gérer jusqu’à son départ. C’est lui qui gérait tout.»
La juge appelle Mustapha Ouhlima, représentant d’une société de transit, poursuivie en tant que personne morale. D’emblée, il affirme que les factures qui arrivaient à son bureau étaient surfacturées, ajoutant que «90% de plus de 600 déclarations de Saipem examinées étaient surévaluées». Lui succédant à la barre, Aldo Mathia, représentant des trois sociétés, Saipem Contracting Algérie, Saipem Italie et Snamprogetti, commence par revenir sur les détails du contrat, obtenu en 2008, selon lui, après une consultation restreinte.
Il rejette les accusations de surfacturation en affirmant qu’il y a eu une mauvaise interprétation des chiffres. «C’est un projet clé en main, avec un montant global à ne pas dépasser. Toute la marchandise a été importée au nom de Sonatrach, et peu importe son prix, l’essentiel c’est qu’à la fin, le montant du contrat ne soit pas dépassé», explique-t-il.
Les avocats de Feghouli, Mes Miloud Brahimi et Mounisse Lakhdari, tentent de démontrer que le prévenu «n’a absolument rien fait» et que «les instructions sont venues d’en haut». Me Brahimi affirme que «Petrofac a été éliminée parce que la commission commerciale a estimé qu’elle n’avait pas les garanties techniques pour obtenir le marché».
Abondant dans le même sens, Me Lakhdari revient sur ce «paragraphe ajouté sur le procès-verbal de la commission des plis commerciaux bien après, et dans lequel il est mentionné que Feghouli a déclaré que Petrofac n’était pas éligible en raison de l’absence des garanties techniques».
Il parle également de «l’insistance auprès de Petrofac, par des écrits, pour qu’elle lève les réserves techniques, et les nombreux délais qui lui ont été accordés, mais en vain (…)».
Un des avocats de Saipem, Me Ladoul, estime que Saipem «a soumissionné pour un projet qu’elle a obtenu en acceptant un prix plus bas que celui proposé par Petrofac». Me Zeguir relève qu’en vertu de l’article 189 du code de procédure pénale, «on ne peut poursuivre quelqu’un en Algérie, s’il a été jugé dans un autre pays pour les mêmes faits. Les dirigeants de Saipem ont été innocentés définitivement, en 2020, par la justice italienne».