L’avocat du Front Polisario devant les juridictions européennes, Manuel Devers, a assuré que les institutions européennes pourraient ouvrir des «négociations directes» avec le représentant du peuple sahraoui, à moins d’un mois de l’expiration de l’accord de pêche UE/Maroc, étendu illégalement au Sahara occidental occupé.
Lors d’une conférence sur les ressources naturelles du Sahara occidental, organisée vendredi par le Conseil général des avocats espagnols, en présence de l’avocate Inès Miranda, présidente de l’Association internationale des juristes pour le Sahara occidental (IAJUWS) et du professeur de droit international à l’université du pays basque, Juan Soroeta, Me Devers a énoncé trois scénarios possibles à l’expiration dudit accord.
«Soit l’arrêt de toutes les activités économiques sur le territoire du Sahara occidental, ou encore leur poursuite, chose peu probable, puisque cela donnerait une mauvaise image de l’Union européenne (UE), ou que les institutions européennes ouvrent des négociations directes avec le Front Polisario», a-t-il indiqué, assurant que tous les indices «sont en notre faveur» et que «le Maroc n’a pas d’options légales, excepté d’éventuelles pressions purement politiques».
Par ailleurs, Me Devers a souligné l’importance de la décision de 2021 du Tribunal de l’Union européenne qui avait statué en faveur du Front Polisario, lequel soutenait que l’accord de pêche avec le Maroc avait été conclu sans le consentement du peuple du Sahara occidental. Par cette décision, il y a eu «reconnaissance de la personnalité juridique du Front Polisario, l’importance du consentement du peuple sahraoui sur ses propres ressources, en plus du statut séparé et distinct du territoire du Sahara occidental du Maroc».
Pour sa part, le professeur Juan Soroeta a estimé que le fait que «l’accord de pêche soit toujours en cours est une violation grave du droit international», dénonçant, dans ce contexte, les recours déposés par la Commission européenne et le Conseil européen contre l’arrêt de septembre 2021. L’organisation de cette conférence intervient après une multitude de déclarations allant dans le sens de l’impossibilité d’une prolongation de l’accord de pêche UE/Maroc, étendu illégalement au Sahara occidental. Le 6 juin, l’agence Europa Press avait indiqué que la Commission européenne a confirmé qu’il n’y aurait pas de négociations pour renouveler cet accord, avant une décision de la Cour de justice européenne (CJUE), dont le verdict est attendu en fin d’année.
Dans une lettre relayée au mois de mai par l’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW), le ministre néerlandais de l’Agriculture avait déjà indiqué que la Commission européenne a exclu une éventuelle extension de l’accord de pêche entre le Maroc et l’UE. Dans cette missive datant du 28 mars 2023 et traitant de la question avec le Parlement néerlandais, le ministre s’était référé à des informations de la Commission européenne qui a conclu qu’elle n’entamerait pas de négociations avec le Maroc pour une prolongation de cet accord. Et en mars dernier, le Commissaire européen aux Océans et à la Pêche, Virginijus Sinkevicius, avait invité les pays de l’UE à examiner les moyens menant vers de nouvelles possibilités de pêche au sein de l’accord UE/Mauritanie, vu qu’il pourrait être «impossible d’éviter une interruption» des activités de pêche des navires de l’UE dans les eaux du Sahara occidental occupé.
Pour rappel, l’accord actuel entre les Vingt-Sept et le Royaume du Maroc est entré en vigueur le 18 juillet 2019, et permet à 128 navires de l’UE de pêcher illégalement dans les eaux du Sahara occidental occupé, après une suspension de l’activité de cette flotte depuis le 14 juillet 2018. En septembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne avait statué en faveur du Front Polisario qui soutenait que l’accord de pêche avec le Maroc avait été conclu sans le consentement du peuple du Sahara occidental.
Dans l’attente de la décision de la CJUE, l’application du protocole actuel peut se poursuivre jusqu’à son expiration le 17 juillet, ce qui, en l’absence d’un nouvel accord et donc d’un cadre juridique permettant au Maroc de délivrer des licences de pêche aux navires de l’UE, entraînera une suspension de l’activité de la flotte.