Abdelkader Messadi. Spécialiste en ophtalmologie : «Les TIC ont conduit à une dépendance vis-à-vis des appareils électroniques»

03/01/2022 mis à jour: 02:13
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Abdelkader Messadi, spécialiste en ophtalmologie / Photo : D. R.

- A la lumière de vos consultations, quelles sont les pathologies dominantes en Algérie ?

L’Algérie, à l’instar des autres pays, connaît une récurrence de certaines maladies, dont celles qui représentent un problème de santé publique. En pole position, on retrouve la cataracte, qui est considérée comme la première cause de cécité évitable dans le monde et dans notre pays puisqu’elle représente la chirurgie la plus pratiquée dans le monde toutes spécialités confondues.

En seconde position, nous retrouvons le glaucome, qui est la première cause de cécité définitive dans notre pays et qui, malheureusement, est méconnu car mal vulgarisé mais aussi silencieux. Cette pathologie demande à être vulgarisée aux yeux du grand public car certes elle n’a pas de symptômes mais conduit, si non dépistée précocement, à la cécité définitive et irrémédiable.

Vient ensuite la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui conduit également à la malvoyance car touchant le centre de la rétine. Cette pathologie héréditaire semble influencée par le cumul d’exposition aux rayons ultraviolets du soleil qui en seraient une des causes.

Il y a aussi une pathologie récurrente et méconnue qui représente jusqu’à 50% de nos consultations : la sécheresse oculaire. Elle est souvent confondue avec l’allergie à laquelle elle est parfois associée et qui s’amplifie de nos jours avec l’avènement des écrans.

Enfin, nous n’oublierons pas les troubles de la vision, notamment chez l’enfant, qui touchent 15% de la population infantile et dont certains non dépistés à temps peuvent entraîner une déviation oculaire ou strabisme, pourvoyeuse d’amblyopie ou baisse de vision irréductible d’un œil et pouvant faire de nos jeunes enfants les borgnes de demain.

- Nous vivons dans une société multi-écrans (ordinateurs, tablettes, smartphones), quels sont les impacts d’une telle exposition ?

L’avènement des nouvelles technologies a conduit à une véritable dépendance vis-à-vis des tablettes et autres appareils électroniques.

Les conséquences sont souvent fâcheuses. En dehors de l’effet d’isolement de nos jeunes, de l’agressivité qui découle de la pratique de jeux violents, de la prise de poids par effet de sédentarité, des troubles du sommeil par inhibition de la mélatonine (hormone du sommeil), nous constatons au niveau oculaire le développement, voire l’aggravation de la myopie et des statistiques sérieuses prédisent, à l’horizon 2050, l’atteinte de 50% de la population de myopie par excès d’exposition aux écrans.

A cela, s’ajoute l’atteinte par hyper-exposition, de sécheresse oculaire par hyper-évaporation des larmes due à l’oubli de clignement lors des efforts de concentration sur les écrans. De même que l’on assiste à une fatigabilité oculaire avec des troubles de l’accommodation ou de zoom lors la vision de près.

Il y a également un risque accru par exposition à la lumière bleue dégagée par les écrans, d’atteinte rétinienne, particulièrement de la macula, avec risque par effet de cumul d’apparition de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

- Le marché de la lunetterie est inondé par la contrefaçon. Cette tendance est-elle forte ? Ne va-elle pas prendre de l’ampleur avec la crise ?

Le phénomène de la contrefaçon en optique et contactologie n’est pas nouveau dans notre pays. J’ai déjà alerté les services compétents lors des quatrièmes journées internationales sur la contrefaçon, tenues à l’Aurassi. Il est urgent de créer une commission d’experts pour le contrôle des produits importés, car il y va de la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Les importateurs séduits par le prix bon marché des produits négligent le risque sanitaire. Nous devons sensibiliser autour de ce problème qui a un impact négatif sur la santé.

Avec la crise, le phénomène est appelé à s’amplifier irrémédiablement en raison de la chute du pouvoir d’achat du citoyen toujours à la recherche d’un produit bon marché au détriment de la qualité. Le meilleur exemple est celui des lentilles de contact dites traditionnelles (changeables annuellement) qui fleurissent encore sur les étalages des opticiens au détriment des lentilles de nouvelle génération plus confortables et plus sécurisées en raison de leur meilleure perméabilité et transmissibilité à l’oxygène.

- L’ophtalmologiste et l’opticien sont deux métiers différents. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

L’ophtalmologiste et l’opticien sont deux professionnels de la santé visuelle qui sont complémentaires, œuvrant dans le souci de donner la meilleure vision possible au patient, notamment à nos enfants.

Ces deux métiers sont comparables au médecin et au pharmacien. L’un prescrit et le second exécute la prescription en délivrant le médicament et la façon dont il faut le prendre.

L’ophtalmologiste est un médecin spécialiste qui évalue l’état du patient et délivre une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact et l’opticien veille à exécuter la prescription en conseillant la meilleure monture adaptée au visage du patient et informant sur la qualité des verres en suivant scrupuleusement l’ordonnance du médecin, avec respect du centrage des verres sur la pupille du patient.

En dehors de l’optométriste, qui est habilité à évaluer la vision sans toutefois rédiger d’ordonnance, l’opticien n’a pas de prérogatives d’évaluation visuelle.

 

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