Alors que l’on s’attendait à la fin de la liquidation d’El Khalifa Bank, la récupération de toutes les créances pendantes et la clôture de ce dossier qui va boucler 20 ans d’existence, on apprend la mise de fin de mandat de Moncef Badsi, et la nomination par la commission bancaire, le 1er juillet, d’un nouveau liquidateur, Zoheir Benhabiles, pour un court mandat, qui expirera le 31 décembre 2022.
L’information a été rendue publique, samedi dernier, par les services de la liquidation, à travers un communiqué laconique qui ne comporte aucune précision quant au devenir des volumes colossaux tant de la dette que des créances qui restent à recouvrir.
Le désormais ex-liquidateur avait obtenu, durant les 19 années d’existence, 4000 jugements et introduit 3000 requêtes, dont un millier reste pendant, et ce, dans le cadre des opérations de recouvrement des dettes et des créances. L’on se rappelle du dernier bilan annoncé par Moncef Badsi, alors liquidateur d’El Khalifa Bank, dans un entretien accordé à El Watan en novembre 2020, et qui fait état de chiffres importants sur le passif du groupe Khalifa, qualifié de «très lourd» ayant «aggravé l’endettement de la banque de plus de 80 milliards de dinars».
Badsi a parlé de 100 000 déposants concernés par une vaste opération d’indemnisation. De 2003 à 2019, a-t-il affirmé, plus de 7,2 milliards de dinars ont été versés à 77 129 déposants, dont 42 000 ont été indemnisés entre 2003 et 2004, pour un montant de 4,1 milliards de dinars. A novembre 2020, il ne restait que 12 331 déposants pour une somme de 132 millions de dinars, ainsi, selon le liquidateur, «le chapitre de l’indemnisation est quasiment clos».
S’agissant du recouvrement des créances, allant de la mise en demeure des débiteurs jusqu’à la mise en œuvre des garanties détenues (hypothèques, cautions et nantissement) ou des verdicts rendus par les tribunaux, en transitant par les opérations d’introduction d’instances judiciaires pour faire reconnaître les droits de la liquidation sur les débiteurs. Badsi a reconnu que les opérations de saisies conservatoires n’ont pas été des plus aisées, ajoutant : «Les ressources émanant de l’action de recouvrement ont atteint un volume de 12,7 milliards de dinars. Il a précisé que six importants locaux et des titres de la société bancaire Fiba ont été cédés et ont permis de récupérer près de 1,3 milliard de dinars. La cession des biens, de type avions et hélicoptères dépendant organiquement de l’entité Khalifa Airways, a contribué à alimenter les ressources de la banque indirectement, par le biais d’un important, mais non suffisant, versement de la filiale à la banque de près de 3 milliards de dinars (...).
Les ventes aux enchères publiques de biens autres que les locaux, tels que les véhicules et équipements divers, ont permis l’encaissement de plus d’un demi-milliard de dinars. Quelques biens fonciers restent en instance de cession, étant donné que leur régularisation administrative n’a pas encore abouti.» Pour le liquidateur, la dette globale, telle qu’elle ressorte des supports déclaratifs, «avoisinait un volume de 118 milliards de dinars pour près de 12 528 déclarants, dont plus 4455 actes déclaratifs représentant plus de 8,5 milliards de dinars ont été rejetés». C’est à partir de 2011, a noté Badsi, que les services de liquidation ont commencé à procéder aux différents paiements.
Une dette globale de 118 milliards de dinars
Le taux de remboursement, versé en trois tranches (5%, puis 5% et enfin 4%), a été fixé à 14%, eu égard à l’insuffisance d’actifs qui a résulté de nos différentes évaluations. A novembre 2020, sur un total de 12 587 déclarants, 6583 ont perçu la part qui leur revient pour un total de 12,5 milliards de dinars, 5115 déclarants ont fait l’objet d’un rejet en bonne et due forme, correspondant à une valeur qu’ils auraient pu recevoir de 1,3 milliard de dinars. Il ne reste plus que 889 déclarants, pour un montant de 0,9 milliard de dinars.
La désignation d’un nouveau liquidateur, à quelques mois de la clôture de la liquidation, suscite de lourdes interrogations quant aux motivations qui ont poussé la commission bancaire à désigner un nouveau liquidateur pour une période de 5 mois. Que cache ce changement ? Y a-t-il eu des interférences et dans quel but ? On n’en sait rien. Mais, il est important de rappeler que l’ex-liquidateur avait évoqué, dans l’entretien accordé à El Watan, de nombreux problèmes auxquels il a été confronté lors de son travail, citant au passage l’absence de la commission bancaire, «illustration fâcheuse et gravement préjudiciable pour la communauté des créanciers qui sont de la sorte démunis de toute protection quant aux actifs qu’ils pouvaient espérer récupérer en couverture d’une vraie perte patrimoniale». Pour lui, «il y aurait beaucoup à dire sur le plan des maladresses générées par l’environnement auquel nous appartenons», mais aussi sur «certains problèmes persistants, compliqués et complexes à résoudre».
Aussi bien hier que samedi dernier, le nouveau liquidateur était injoignable, alors que son prédécesseur s’est refusé à tout commentaire sur sa fin de mission. La commission bancaire est tenue de donner des explications sur les résultats de la liquidation à la communauté des déposants d’El Khalifa Bank, mais aussi à l’opinion publique.