A la veille de la visite du chancelier allemand en Ukraine : Berlin durcit le ton à l’encontre de la Russie

14/02/2022 mis à jour: 21:56
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Franck-Walter Steinmeier, le président allemand

Accusée de complaisance à l’égard de la Russie, l’Allemagne a clarifié hier sa position concernant la crise russo-occidentale sur l’Ukraine. Une position dure à l’encontre de Moscou. 
 

Ainsi, le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, a désigné Moscou comme responsable dans le risque de «guerre» en Europe autour de l’Ukraine. Il a tenu ces propos juste après avoir été réélu pour 5 ans à son poste. «Nous sommes au beau milieu d’un risque de conflit militaire, de guerre en Europe orientale, et c’est la Russie qui en porte la responsabilité», a déclaré Frank-Walter Steinmeier, qui était durant plusieurs années le chef de la diplomatie de son pays. Evoquant un «éloignement» croissant de la Russie par rapport à l’Europe, il a appelé à faire preuve de fermeté. «Comme nous pouvons le constater, la paix ne va pas de soi, il faut toujours œuvrer pour la préserver, dans le dialogue, mais lorsque c’est nécessaire, en disant les choses clairement, en faisant preuve de dissuasion et de détermination», a-t-il indiqué. 
 

Suite à l’élection du Président, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a déclaré à la presse qu’«en cas d’une agression miliaire contre l’Ukraine, qui mettrait en danger sa souveraineté et son intégrité territoriale, cela conduirait à des sanctions dures, que nous avons préparées avec soin et que nous pouvons mettre en œuvre immédiatement avec nos alliés en Europe et au sein de l’Otan». Attendu aujourd’hui en Ukraine et demain en Russie, il a relevé la «menace très sérieuse contre la paix» en Europe. 
 

Un peu plus tôt, une source gouvernementale a indiqué que l’Allemagne envisage d’augmenter son aide économique à l’Ukraine mais campe sur son refus de livraison d’armes de guerre. Berlin examine «si nous avons encore, sur le plan bilatéral, des possibilités en vue de contribuer à un soutien économique», selon cette source. Depuis l’annexion de la Crimée en 2014 par Moscou, l’Allemagne est le pays qui a apporté l’aide financière bilatérale la plus importante à l’Ukraine, avec 2 milliards d’euros, auxquels s’ajoute une ligne de crédit de 500 millions d’euros, dont les deux tiers environ ont été utilisés. L’aide de l’Union européenne vient en plus de cette aide bilatérale. 
 

Dans une interview hier à la radio publique allemande, l’ambassadeur d’Ukraine à Berlin, Andrij Melnyk, a réclamé, lui, l’annonce d’un plan d’aide de «plusieurs milliards» d’euros, lors de la venue d’Olaf Scholz aujourd’hui à Kiev. Les relations entre les deux pays sont en friction sur la question des fournitures d’armes «létales», que Berlin continue de refuser en la circonstance à Kiev en s’appuyant sur le principe de ne pas en exporter dans les zones de conflit. 
De son côté, l’ambassadeur ukrainien a reproché hier à l’Allemagne sa trop grande «discrétion» malgré les mises en garde répétées, dans l’interview à la radio publique. «Il est temps que l’Allemagne retire ses lunettes russes dans la conduite de sa politique à l’égard de l’Ukraine, car elles brouillent sa vision», a-t-il accusé. «Soit on décide de nous aider, soit on nous laisse tomber», a-t-il dit, affirmant que l’enjeu est la survie de son pays. 
«Parfum de Munich»
 

De son côté, Washington a de nouveau indiqué hier que la Russie pourrait attaquer l’Ukraine «à tout moment». L’entretien téléphonique entre le président américain, Joe Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine, la veille «n’a certainement pas montré que les choses évoluaient dans le bon sens», a déclaré le porte-parole du Pentagone, John Kirby, sur la chaîne Fox. Il «n’y a aucun signe que Poutine ait l’intention d’apaiser les tensions», a-t-il ajouté. «Nous pensons qu’une action militaire majeure pourrait avoir lieu à tout moment», a-t-il poursuivi. 

La Russie, qui nie toute volonté guerrière, a massé depuis novembre plus de 100 000 soldats à la frontière avec l’Ukraine et a entamé ces derniers jours des manœuvres militaires au Bélarus et en mer Noire, encadrant de facto son voisin. «Depuis dix jours, nous avons constaté une accélération du renforcement des troupes russes et leur positionnement plus près de la frontière, si bien qu’une action militaire pourrait être lancée très, très rapidement», a déclaré sur CNN le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan.

 Pour lui, l’attaque «pourrait avoir lieu dès cette semaine». «Il est probable qu’elle commence par des tirs importants de missiles et des bombardements», suivis par «des mouvements de troupes au sol». Il reste possible, a-t-il dit, que Vladimir Poutine opte pour la voie diplomatique. «Je ne suis pas dans sa tête», a dit Jake Sullivan. Interrogé sur les réserves exprimées par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pour qui les Etats-Unis sont trop alarmistes, il a expliqué que Washington a décidé de partager ses analyses publiquement pour «empêcher la Russie de prendre l’Ukraine et le monde par surprise».
 

De son côté, le ministre de la Défense britannique, Ben Wallace, a jugé un peu plus tôt qu’il y a un «parfum de Munich dans l’air» à propos de l’Ukraine. La Russie peut «lancer une offensive à tout moment», a-t-il estimé dans un entretien au Sunday Times. «Il se peut qu’il (Poutine) rappelle simplement ses chars et que nous rentrions tous chez nous, mais il y a un parfum de Munich dans l’air venant de certains Occidentaux», a-t-il ajouté. L’accord de Munich en 1938 a permis l’annexion allemande des Sudètes – un territoire situé à l’est de l’Allemagne, dans l’ancienne Tchécoslovaquie – est resté dans l’histoire comme un symbole de la capitulation diplomatique des démocraties européennes, notamment britannique et française, face à l’Allemagne nazie, l’année d’avant le déclenchement de la guerre. 
 

Un peu plus tard, l’ambassadeur d’Ukraine au Royaume-Uni,Vadim Pristaïko, a critiqué l’emploi de ces termes. «Ce n’est pas le meilleur moment pour nous d’offenser nos partenaires dans le monde, en leur rappelant cet acte qui n’a pas acheté la paix mais le contraire, il a acheté la guerre», a déclaré le diplomate à la BBC.

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