90% ont été éradiqués à travers le pays : La fin du cauchemar des bidonvilles

15/12/2022 mis à jour: 01:43
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La gouvernance passée et actuelle de notre pays a réussi un authentique exploit qui passe aujourd’hui inaperçu et qui est resté pendant longtemps comme une plaie à l'intérieur et dans la périphérie de nos villes. Des centaines de milliers de baraques ont enlaidi pendant longtemps les espaces urbains et suburbains. En éradiquant 90% des bidonvilles et autres habitats précaires ou insalubres qui avaient essaimé à travers toutes les villes d’Algérie, l’effort de l’Etat est à saluer bien bas devant ce tour de force qui a absorbé beaucoup de moyens financiers.

La question de l’habitat précaire et insalubre n’est pas récente, comme on a le plus souvent tendance à croire. Du temps de la colonisation, les Algériens, venus de leurs lointains villages ou de leurs mechtas, se sont installés dans les villes ou dans leurs alentours en érigeant des abris de fortune. Ils ont fui dans les années 1930-40 leurs conditions de vie déplorables, autant dire leurs misères, pour vendre leur force de travail à un prix modique dans des ateliers ou des manufactures propriétés des colons ou des Européens d’Algérie. Ils venaient s’installer (s’entasser serait une qualification plus juste) dans des endroits insalubres, souvent sans eau courante, sans électricité et parfois sans réseau d’assainissement. Les populations dites «musulmanes», tel que dénommées par l’occupant, se sont concentrées dans les vieilles villes, dans des poches isolées ou dans des taudis sales, fétides et ténébreux. Ils étaient parfois installés dans la proximité des beaux quartiers européens, mais en restaient éloignés par une frontière invisible. En fait des poches de misère habitées par des travailleurs journaliers ou des personnes à l’occupation aléatoire ou parfois carrément sans emploi viable. Pour venir à bout de ces espaces marginaux longtemps voués à eux-mêmes où sont nés et ont grandi nombre de moudjahidine et moussebiline et fleurir les caches et les réseaux de soutien au FLN combattant, la France de de Gaulle s’est résolue à les raser et y ériger, entre autres à Alger, des ensembles d’habitations sommaires pour les populations «indigènes» ( Diar El Mahçoul, cité Mahieddine, Climat de France, Diar Echems, etc.).

le retour des réfugiés en 1962

A l’indépendance, ces mal-logés ont profité du départ des Européens pour occuper des biens laissés vacants par ces derniers. Un temps, ne subsistaient dans ces endroits que des tard-venus en ville dans l’indifférence des autorités nationales nouvellement installées. La situation du cadre bâti était également rendue pénible par le retour des réfugiés de Tunisie et du Maroc. Nombre de familles se sont installées dans les zones de concentration de populations frontalières, mais beaucoup d’entre elles ont poussé plus loin, certaines jusque dans la capitale où le tissu urbain, déjà densifié, s’est vite retrouvé surpeuplé. La saturation atteint à la toute fin des années 1960 la plupart des agglomérations importantes du nord du pays, où des villes côtières donnant d’ores et déjà naissance à des aires informes et insalubres, des portions de bidonvilles qui vont aller en s’étalant dans tous les sens à mesure de l’intensification de l’exode rurale qui tendra au fil des années à devenir un vecteur à sens unique, que rien ne viendra endiguer. 

Dès le début des années 1970, l’intérêt du président Houari Boumediène de mettre en place une politique d’industrialisation tous azimuts et de favoriser donc l’emploi au détriment des conditions de vie des citoyens et de l’habitat va favoriser l’apparition d’un déficit chronique en logements et en équipements collectifs (écoles, lycées, universités, structures de santé, etc.). Les zones industrielles du pays, particulièrement Alger, Constantine, Oran et Annaba (avec son gigantesque complexe sidérurgique d’El Hadjar) ont attiré des populations rurales qui ont délaissé le travail de la terre et viendront former des contingents de main-d’œuvre faiblement qualifiée. Ces familles ont fui les campagnes qui avaient un faible taux d’équipements particulièrement dans l’éducation et la santé. Les conditions de vie (absence d’électricité, de chauffage et d’alimentation en eau potable) y étaient très rudes. Les plus téméraires des chefs de famille vont donc tenter leur chances d’améliorer leur existence en s’implantant sommairement dans les périphéries des villes, des zones industrielles ou dans les poches urbaines inadéquates ou insalubres. L’immigration intérieure de ces citoyens issus essentiellement du milieu rural a commencé dans les années 1970 et s’est accélérée dans les années 1980, atténuée un tant soit peu par de timides opérations d’éradication des baraques, une politique très maladroite dans la mesure où le bidonville éradiqué renaissait quelque temps plus tard dans un autre endroit. Idem pour les relogés ou faute de l’absence d’un fichier national centralisé d’attribution de logement, le bénéficiaire d’un appartement revendait celui-ci au prix fort et allait de nouveau ériger une baraque dans un bidonville pour bénéficier de la même opération. La politique du président Chadli connaîtra à l’époque quelques satisfactions. Des bidonvilles «légendaires» comme à Annaba seront rasés dès le milieu des années 1980. Cette ville, du fait de zones industrielles performantes renfermant de nombreuses unités de production, était un exemple mémorable de ces espaces insalubres et difformes qui défiguraient la ville et mettaient à mal son cadre urbanisé et son architecture ordonnée. 500 000 baraques y étaient dénombrées au plus fort du temps et pour ne citer que ce bidonville à l’entrée de la ville que les habitants dénommaient «Bouhamra» 200 000 baraques coexistaient à flanc de colline, vous imposant une pollution visuelle difficilement supportable. Bouhamra sera rasé au milieu des années 1980 et sera rebaptisé du nom de Boukhadra. Le site accueille actuellement des ensembles d’habitat qui ont bénéficié pour la plupart aux anciens habitants des bidonvilles. 

le terrorisme précipite 
l'exode rural

Au début des années 1990, le terrorisme et l’insécurité dans les campagnes vont pousser des familles par dizaines de milliers à fuir leur lieu de résidence. Elles iront chercher refuge dans les villes sécurisées et particulièrement dans la capitale. Les bidonvilles grossissent et les équipements, s’ils étaient à la limite de leur fonctionnalité, seront vite dépassés. Les parents construisent une baraque de fortune, se branchent de façon aléatoire à l’électricité, trouvent du travail ou font dans le commerce informel et leurs enfants sont inscrits à l’école. Les citadins rattachent ces «colonies de peuplement» au phénomène de l’exode rural et les pouvoirs publics voient en ces bidonvilles qui se multiplient un fléau défigurant et déséquilibrant la vie urbaine. Ces poches d’habitats précaires sont souvent installés aux abords des chantiers de construction et occupent des assiettes destinées à recevoir des équipements et des infrastructures publics (routes, lycées, aménagement urbains,…). 

Ces essaims irréguliers et insalubres contrastent avec l’environnement architectural viable et ordonné. Au détour de l’an 2000, l'avènement de Bouteflika et la manne financière qui a accompagné sa venue vont permettre à celui-ci d’imposer la volonté politique qui manquait à ses prédécesseurs de s’attaquer de front à ce fléau qui a longtemps été mal vécu par les Algériens. Des opérations tiroirs seront élaborées pour construire des logements sociaux déloger-reloger les occupants des bidonvilles, puis récupérer les assiettes foncières afin d’ériger des logements AADL et autres au profit des citoyens locaux longtemps dans l’attente d’un logement. Il faut reconnaître que le président Bouteflika n’a pas lésiné sur les moyens pour permettre à des milliers de ménages de se loger dans des conditions décentes et aux anciens occupants des bidonvilles de jouir enfin d’un logement social aux normes modernes avec toutes les commodités. Le pari fou de l’ancien Président a été mené à bien par le ministre de l’Habitat d’alors, Abdelmadjid Tebboune. 

580 000 logements ces trois dernières années

Les Algériens se rendent-ils compte que les statistiques annoncent que ces trois dernières années la présence des bidonvilles et autres habitats précaires a été ramenée à l’extraordinaire proportion de 10% de ce qu’ils étaient ces trente dernières années ? La mise à disposition de près d’un million de logements pour l’éradication de ce phénomène, qui était vécu comme une plaie béante et nous faisait honte, a été élaboré et exécuté grâce à une politique savamment suivie sur le terrain. Peu de pays peuvent se targuer d’avoir réussi un pari aussi difficile et eu des résultats aussi exceptionnels. Nos voisins marocains, face à leur impuissance à éradiquer les milliers de bidonvilles pluridécennaux  célèbres de Casablanca, Rabat et ailleurs ont eu la «géniale» idée de les ceinturer de hautes murailles pour les faire disparaître de la vue des touristes comme on cache la poussière sous le tapis. Le makhzen ne pourra jamais atteindre l’extraordinaire performance de l’Etat algérien soucieux du bien-être de ses populations. Rien que ces trois dernières années, on parle de 580 000 logements, toute formules confondues, distribués. Et ce n’est pas fini…

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