4e Festival d’Annaba du film méditerranéen : Deux longs métrages ravivent les souvenirs de la guerre des Balkans

29/04/2024 mis à jour: 06:06
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Hôtel Pula un long métrage du Croate Andrej Korovljev - Photo : D. R.

Au 4e Festival d’Annaba du film méditerranéen, qui se poursuit jusqu’au 30 avril, deux longs métrages en compétition ravivent les souvenirs douloureux de la guerre contemporaine des Balkans.

Il y a d’abord, Hotel Pula du Croate Andrej Korovljev. Mahir (Ermin Bravo) est réfugié bosniaque à Pula, une ville côtière située sur la mer adriatique, à plus de 700 km de Sarajevo, la capitale de la Bosnie-Herzégovine. Il est installé à l’hôtel Pula avec d’autres réfugiés ayant fui la guerre. Plus de deux millions de civils ont quitté la Bosnie-Herzégovine, à partir de 1992, après l’éclatement de la Yougoslavie, suite à la chute de l’URSS. Une guerre qui a opposé les Bosniaques aux Serbes et aux Croates.

Mahir vit avec ses cauchemars du passé. Il peine à retrouver le sommeil. Il a assisté à un massacre d’enfants. Les violences, les cris horrifiés, la peur, la fuite sont tous présents dans son esprit. Il se confie douloureusement au psychologue (Rok Juricic). Il semble n’avoir rien oublié de ce passé traumatisant et obsédant.

Le leader nationaliste serbe Radovan Karadžić et ses milices avaient commis des exécutions extrajudiciaires contre les musulmans de Bosnie (44% de la population de Bosnie Herzégovine en 1993) et contre les Croates. La boucherie de Srebrenica est qualifiée par les instances internationales de «génocide» et de «crime contre l’humanité». Les Serbes avaient détruit tous les symboles de la culture bosniaque, dont des musées, des livres et lieux de culte.

Mahir s’installe dans la monotonie et entend fuir à tout prix ce passé traumatisant. Il recherche du travail et arrive à se faire recruter comme serveur dans un café-bar sous les regards soupçonneux de Croates «crânes rasés».  Il rencontre Una (Nika Grbelja) dans un night club.

La jeune fougueuse, qui recherche son père, croit trouver l’amour chez Mahir, plus âgé qu’elle. L’homme solitaire semble sentir du réconfort dans le nouvel amour avant d’être rattrapé de nouveau par son passé avec l’arrivée de Wahida (Maja Izetbegovic), une femme voilée, qui porte ses mystères comme des menaces et ses paroles comme des balles sifflantes. Mahir panique. Doit-il fuir ? Affronter la réalité ? Assumer un passé ambigu ? Disparaître ?

Hotel Pula est un long métrage dense qui invite à réfléchir sur les conséquences psychologiques et sociales désastreuses de la guerre et des conflits sur les individus. Les dialogues écrits avec soin permettent de retrouver le fil d’une Histoire écrite avec du sang et couverte de honte.

L’un d’entre nous

Il y a ensuite, One of us («L’un d’entre nous») de l’albanais Ergys Meta. Sula (Alban Ukaj) est policier à Tirana. Sula et son coéquipier Shpëtimi (Kasem Hoxha) apprennent l’agression de deux de leurs collègues par le fils du maire de la ville. Les politiques dans cette ville pratiquent la corruption et jouissent de l’impunité.

Sula, qui vit seul et qui entretient quotidiennement une plante placée devant la fenêtre, sent que «quelque chose ne va pas» dans la cité, il entend parler d’affaires de corruption, de malversations, d’agressions...Il essaie de noyer son spleen en regardant des films dans sa chambre.

L’idéal de justice qu’il avait est heurté chaque jour par des faits dans «un pays plongé dans l’absurdité». Il partage ses craintes avec Shpëtimi qui, lui, gère de petits ennuis familiaux. Shpëtimi est plus sage que Sula. Il tente de le raisonner quand il décide d’interpeller un jeune consommateur de drogue ou de se mêler d’une querelle de couples dans une maison.

A l’intérieur de Sula, un vétéran de l’Armée de libération du Kosovo ou (UÇK), l’amertume et la colère montent comme un volcan qui se réveille. Le soldat retrouve des instincts tueurs. L’UÇK, pour rappel, était une organisation paramilitaire, créée dans les années 1990, pour défendre l’indépendance du Kosovo. Elle était opposée au régime serbe nationaliste de Slobodan Milošević. L’UÇK était soutenue par Tirana, certains de ses chefs ont été accusés de «crimes de guerre».

Un homme brisé

One of us, un film néo-noir, dresse le portrait d’un homme brisé par la guerre qui peine à retrouver ses repères, qui tente redresser les torts dans une société où la violence est quotidienne sous plusieurs formes. Sula semble perdu, sa tentative de retrouver le sens de la justice est  happée par les traumatismes de la guerre, encore vivaces. La rencontre de Sula avec un katana japonais réactive violemment la matrice «guerrière».

Ergys Meta, qui en est à son premier long métrage, repose le problème des soldats qui reviennent des fronts et qui ne retrouvent plus leur chemin de vie ordinaire. Le film aborde aussi la question de la corruption.

L’Albanie, qui espère adhérer à l’Union européenne, figure en tête des pays de l’Europe où la corruption est répandue au sein de l’administration. Ergys Meta, qui aime le cinéma noir, a réalisé plusieurs courts métrages dont Vrasësit e qenve (Tueurs de chiens), Vrasësit (assassins) et Grusht në gjoks (Coup-de-poing dans la poitrine). 

 

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