Alors que la machine de guerre israélienne continue à ravager la bande de Ghaza, où elle aura fauché plus de 34 356 innocents et blessé 77 300 autres jusqu’à vendredi, la Cisjordanie a eu elle aussi son lot de brutalités de la part des forces d’occupation sionistes, et qui n’ont fait que s’accentuer depuis le 7 octobre. Selon le Bureau central palestinien des statistiques, 489 morts ont été enregistrés en Cisjordanie dont 123 enfants, et 4800 blessés dont 660 enfants, depuis octobre 2023.
Un autre chiffre est révélateur de l’ampleur de la répression dans cette partie des territoires occupés : c’est le nombre d’arrestations qui y ont été opérées. 8455 Palestiniens ont été arrêtés par l’armée sioniste en Cisjordanie depuis le 7 octobre révèlent la Commission pour les Affaires des détenus palestiniens et le Club des prisonniers palestiniens dans un communiqué commun diffusé jeudi.
Selon Al Jazeera, la Cisjordanie a connu également un nombre assez élevé de déplacés avec 3985 habitants délogés de force. 648 actes de destruction ciblant des lieux d’habitations et autres bâtiments ont été en outre recensés dans ces territoires.
Dès le début de la guerre contre Ghaza, la population palestinienne de Cisjordanie est entrée en ébullition. Et cette effervescence s’est traduite par des affrontements presque quotidiens entre les insurgés palestiniens et les forces d’occupation sionistes, surtout que l’occupant n’a eu de cesse de multiplier les incursions brutales dans les localités palestiniennes de Cisjordanie après le 7 octobre. On ne compte pas, en effet, les sièges répétés, les assauts et les mises à sac à Jénine, à Naplouse, à Beit Lahm, à Tulkarem ou encore à Nour Shams. Il y a une semaine, un véritable carnage a été commis dans le camp de Nour Shams justement. «Jeudi 18 avril, l’armée israélienne a coupé l’eau, l’électricité et envahi, en fin de journée, les étroites allées de Nour Shams, à la lisière de la ville de Tulkarem. Le raid a duré plus de 50 heures», rapporte Le Monde. D’après le Croissant-Rouge palestinien, pas moins de 14 personnes ont été tuées au cours de cette opération dans ce camp de réfugiés où vivent quelque 7000 personnes selon l’AFP.
L’enfer au quotidien des Palestiniens d’«Al Dhifa»
Et même quand l’armée israélienne ne commet pas des boucheries aussi spectaculaires, elle fait vivre l’enfer aux Palestiniens de Cisjordanie, entre arrestations, perquisitions, expropriations, répression, tirs aveugle sur des civils sans défense, assauts contre des hôpitaux… Quotidiennement, des violences sont signalées dans ses comptes rendus journaliers par l’agence Wafa, dans pratiquement toutes les villes, les villages, les camps de réfugiés et les petites localités de la Cisjordanie occupée.
Ce vendredi, à Naplouse, «plus de 40 véhicules militaires israéliens sont venus du point de contrôle d’Awarta et ont pris d’assaut la zone orientale de la ville», rapporte l’agence d’information palestinienne qui ajoute : «Les forces d’occupation ont déployé des troupes de fantassins dans plusieurs quartiers de la ville, notamment dans la banlieue et à proximité de la rue Al Quds, et ont également pris d’assaut le quartier de la rue Amman».
Les forces militaires israéliennes étaient «accompagnées de bandes de colons et ont pris d’assaut le Tombeau de Youssef et attaqué plusieurs bâtiments». En outre, «des snipers ont pris position sur les toits des immeubles à l’est de la ville». En Galilée, l’armée israélienne a fait des incursions dans plusieurs localités où elle a procédé à des perquisitions et des arrestations.
A Jénine, dans le village de Djalboun, les troupes israéliennes ont envahi le village, ce qui a entraîné des affrontements avec la population. Les soldats sionistes ont ouvert le feu sur les habitants. Le village de Djalboun fait l’objet d’assauts répétés depuis six jours informe Wafa en précisant que l’armée sioniste s’y est emparée de nombre d’habitations pour les transformer en cantonnements militaires.
Ce même vendredi, toujours en Cisjordanie, l’armée d’occupation a mené également des opérations dans les localités de Qobatiya, près de Jénine, à Djalzoun, près de Ramallah, et à Azoune et Jayouss, près de Qalqilya. A Qobatiya, l’occupant a arrêté de jeunes palestiniens.
Une unité spéciale a investi la localité suivie par des engins militaires. Des snipers se sont déployés sur les toits des bâtiments au milieu de tirs nourris. Au camp de Djalzoun (Ramallah), trois personnes dont une institutrices de 33 ans ont été arrêtées à l’aube. A Beit Lahm, de violents affrontements ont éclaté jeudi. Cela s’est produit exactement au village de Houssan, à l’est de Beit Lahm. D’après Wafa, les affrontements se sont déclenchés dans les zones d’Al Muteena et Chorfa. «Les forces d’occupation ont pris d’assaut Al Muteena et l’ont complètement fermée. Elles ont forcé les commerçants à baisser rideau et empêché les citoyens de circuler».
Le bataillon Netzah Yehuda dans le viseur des Américains
A ces violences militaires s’ajoute celle des colons qui multiplient les exactions dans toutes les villes de Cisjordanie ainsi que l’expansionnisme colonial de l’Etat hébreux aux dépens des territoires protégés par les Accords d’Oslo. Jeudi, Emmanuel Macron s’est entretenu par téléphone avec le roi Abdallah II de Jordanie et les deux dirigeants «ont fermement condamné les récentes annonces israéliennes en matière de colonisation, qui étaient contraires au droit international», a indiqué la présidence française dans un communiqué.
D’après l’AFP, 1100 hectares ont été déclarés «terres domaniales» par Israël, «soit deux fois plus que sur l’ensemble de 1999, jusque-là année-record». «Ce statut confère au gouvernement le contrôle de leur utilisation, aboutissant inévitablement à en priver d’accès les Palestiniens de Cisjordanie», souligne l’agence française.
S’agissant des exactions commises par les colons israéliens, le président français «a rappelé que des premières mesures avaient été prises contres des colons coupables de violences sur des civils palestiniens, et que la France envisageait d’autres mesures, en concertation avec ses partenaires», assure le communiqué de l’Elysée. Cependant, «les attaques de colons contre les Palestiniens ont commencé avant le 7 octobre et ont augmenté après le 7 octobre», insiste l’intellectuel et homme politique palestinien Moustafa Barghouti dans une déclaration à France Info.
Et de faire remarquer : «486 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre en Cisjordanie, dont plus de 22 par des colons israéliens. Les autres ont été tués par l’armée israélienne qui protège et soutient les colons dans ses attaques contre les Palestiniens».
Les Etats-Unis ont envisagé d’imposer des sanctions à une unité extrémiste de l’armée israélienne, le bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda qui multiplie les violations des droits humains à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a déclaré récemment qu’il révélerait la décision américaine «dans les jours à venir». Hier, le verdict est tombé : l’administration américaine a revu sa position après consultation des autorités israéliennes. Netzah Yehuda ne sera donc pas sanctionné pour l’instant mais il reste dans le viseur de la communauté internationale.
Une enquête accablante de Human Rights Watch
Un récent rapport de Human Rights Watch accuse ouvertement l’armée israélienne d’avoir protégé et encouragé les attaques de colons contre les Palestiniens en Cisjordanie. «L’armée israélienne a participé à des violentes attaques menées par des colons en Cisjordanie ou n›a pas protégé les Palestiniens contre ces attaques», a déclaré l’ONG dans un communiqué diffusé le 17 avril. «Ces attaques, poursuit Human Rights Watch, ont déplacé des habitants de 20 communautés et ont entièrement déraciné au moins sept communautés depuis le 7 octobre 2023».
L’ONG de défense des droits humains dresse un inventaire accablant des crimes commis par les colons israéliens : «Sous couvert des hostilités en cours à Ghaza, des colons israéliens ont agressé et torturé des Palestiniens, commis des violences sexuelles, volé leurs biens et leur bétail, menacé de les tuer s’ils ne partaient pas définitivement et détruit des domiciles et des écoles.
De nombreux Palestiniens – dans certains cas des communautés entières – ont fui leurs foyers et leurs terres». Ces violations ont été commises «avec le soutien apparent des plus hautes autorités israéliennes», déplore Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division Droits des enfants à Human Rights Watch. «Alors que l’attention du monde est tournée vers Ghaza, les abus en Cisjordanie se multiplient, alimentés par des décennies d’impunité et l’indulgence des alliés d’Israël», a-t-il dénoncé.
Plus de 700 attaques menées par les colons israéliens
Human Rights Watch dit avoir «enquêté sur des attaques qui ont forcé le déplacement de tous les habitants de cinq communautés palestiniennes en Cisjordanie en octobre et novembre 2023 : Khirbet Zanuta et Khirbet al-Ratheem au sud d›Hébron, Al-Qanub à l›est d›Hébron, ainsi qu›Ein al-Rashash et Wadi al-Seeq, à l›est de Ramallah».
«Les éléments de preuve, précise l’organisation internationale, indiquent que des colons armés, avec la participation active d’unités de l’armée, ont à plusieurs reprises bloqué les accès routiers et attaqué des communautés palestiniennes ; les colons ont détenu, agressé et torturé des habitants, les ont chassés de leurs maisons et de leurs terres sous la menace d’armes, ou les ont contraints à fuir en les menaçant de mort, parfois en les empêchant d’emporter leurs biens».
Human Rights Watch dit par ailleurs avoir «mené des entretiens avec 27 témoins des attaques et a visionné des vidéos filmées par les résidants, montrant le harcèlement commis par des hommes en uniforme militaire israélien qui tenaient des fusils d’assaut M16». «Le nombre d’attaques par des colons contre des Palestiniens a augmenté en 2023, atteignant son plus haut niveau depuis que l’ONU a commencé à enregistrer ces données en 2006. Ceci était déjà le cas même avant les attaques menées par le Hamas le 7 octobre, qui ont tué environ 1100 personnes en Israël».
Et l’ONG de préciser : «L’ONU a enregistré plus de 700 attaques menées par des colons en Cisjordanie entre le 7 octobre 2023 et le 3 avril 2024, dont près de la moitie en présence de soldats en uniforme. Depuis le 7 octobre, les attaques ont entraîné le déplacement de plus de 1200 personnes, dont 600 enfants, qui vivaient dans des communautés rurales d’éleveurs».