40 000 morts et toujours pas d’accord de cessez-le-feu : La paix est encore loin à Ghaza

17/08/2024 mis à jour: 08:35
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Les habitants de Ghaza vivent l'enfer au quotidien - Photo : D. R.

Le bilan de la guerre génocidaire perpétrée par les forces d’occupation israéliennes contre le peuple palestinien à Ghaza a dépassé les 40 000 morts et 92 000 blessés. Pour stopper le massacre et baisser les tensions au Moyen-Orient, notamment après les menaces de l’Iran et du Hezbollah de frapper Israël, un nouveau round de négociations a eu lieu durant 48 heures à Doha. Des cadres du Hamas ont dénoncé de «nouvelles conditions» posées par Israël. Malgré ces réserves, les discussions devront reprendre la semaine prochaine au Caire.

Le bilan de la guerre féroce menée par l’armée israélienne contre le peuple palestinien dans la bande de Ghaza vient de franchir la barre effroyable des 40 000 morts et 92 000 blessés, après plus de dix mois de destruction tous azimuts. Ce chiffre monstrueux, annoncé avant-hier par le ministère de la Santé de Ghaza, n’inclut pas les innombrables victimes dont les corps n’ont jamais été retrouvés et qui sont ensevelis sous les décombres.

De récentes estimations avancées par le célèbre journal scientifique britannique The Lancet ont évalué les pertes humaines à Ghaza, directes et indirectes, à 186 000 morts. «Lors des récents conflits, le nombre de décès indirects est de trois à 15 fois supérieur au nombre de décès directs.

En appliquant une estimation prudente de quatre décès indirects pour un décès direct aux 37 396 décès signalés (décompte réalisé fin juin, ndlr), il n’est pas invraisemblable d’estimer que jusqu’à 186 000 décès, voire plus, pourraient être imputables au conflit actuel à Ghaza», note le journal médical aux 200 ans d’existence.

«En utilisant l’estimation de la population de la bande de Ghaza pour 2022, soit 2 375 259, cela se traduirait par 7,9% de la population totale de la bande de Ghaza. Un rapport du 7 février 2024, à l’époque où le bilan direct des morts était de 28 000, estimait que sans cessez-le-feu, il y aurait entre 58 260 décès (sans épidémie ni escalade) et 85 750 décès (si les deux se produisaient) d’ici le 6 août», ajoute The Lancet.

Malgré l’ampleur de la dévastation, malgré l’horreur au quotidien qui frappe Ghaza, la communauté internationale ne parvient toujours pas à réfréner la brutalité criminelle israélienne. Depuis des mois maintenant, des efforts diplomatiques considérables sont déployés pour tenter d’arracher un cessez-le-feu qui permettrait aux Palestiniens de reprendre leur souffle et d’entamer enfin leur travail de deuil, peine perdue.

Désamorcer la bombe du Moyen-Orient

Jeudi, sous l’impulsion des médiateurs américain, égyptien et qatari, un nouveau cycle de négociations s’est ouvert à Doha. Le Hamas n’y était pas directement représenté mais les discussions ont repris tout de même. Plusieurs observateurs ont décrit ce nouveau round comme «les négociations de la dernière chance».

Ce qui confère à ces pourparlers ce caractère quelque peu impérieux et fatidique, c’est le fait que les relations internationales au Moyen-Orient se sont fortement dégradées ces dernières semaines, en particulier après le double attentat perpétré par Israël les 30 et 31 juillet en éliminant à la fois un important chef militaire du Hezbollah à Beyrouth, Fouad Chokr, et quelques heures plus tard, le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qui se trouvait à Téhéran.

Ainsi, le fait de décapiter le leadership du Hamas, et de provoquer aussi frontalement l’Iran et le Hezbollah, ne pouvait qu’attiser les tensions. Depuis, le monde retient son souffle, connaissant les répercussions en cascade qui pourraient découler d’une guerre frontale entre l’Iran et ses alliés de l’Axe de la résistance, d’un côté, et Israël et son parrain américain, de l’autre.

Les Iraniens n’ont eu cesse de répéter depuis l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh sur leur territoire qu’ils allaient adresser une riposte de grande ampleur à Israël. Toutefois, ces derniers jours, des responsables iraniens ont laissé entendre qu’ils étaient prêts à reconsidérer leurs représailles en cas de signature d’un accord de cessez-le-feu qui apporterait enfin la paix à Ghaza.

C’est donc chargé de cet enjeu crucial que le nouveau round de Doha a été étrenné jeudi en présence d’une importante délégation israélienne, comprenant le chef du Mossad, le chef du Shin Bet et un conseiller politique influent de Netanyahu,  Ophir Falk. En juin dernier, ce conseiller tenait un discours très agressif et très méchant dans une interview accordée au Sunday Times. Il estimait que le plan Biden qui constitue l’infrastructure des négociations «n’est pas un bon accord».

«Nous n’accepterons pas de mettre fin à la guerre avant que le Hamas soit détruit, ni de retirer nos forces, permettre le retour des Ghazaouis dans le nord de la bande de Ghaza, ni de libérer massivement des (prisonniers palestiniens) qui reviendront assassiner des juifs», énonçait-il.

Et de poursuivre : «Nous exigeons la poursuite des combats jusqu’à la destruction du Hamas et le retour de tous les otages, la création d’une réalité sécuritaire complètement différente à Ghaza et au Liban, le retour de tous les résidents (israéliens) dans leurs maisons au nord et au sud et un investissement massif dans le développement accéléré de ces parties du pays.» Telles sont donc les intentions réelles de Netanyahu et de l’extrême droite suprématiste israélienne qui est la cause du blocage des négociations.

Les discussions reprendront au Caire

Les pourparlers accueillis par Doha se sont basés sur un plan en trois phases annoncé le 31 mai par Joe Biden et approuvé début juillet par Hamas, tandis qu’Israël l’avait rejeté. Le mouvement de résistance palestinien n’a pas envoyé de délégation cette fois. Et alors que Biden a assuré hier qu’un «accord n’a jamais été aussi proche», la formation dirigée par Yahya Sinwar a dénoncé de «nouvelles conditions» posées par Israël.

Ces nouvelles conditions portent entre autres sur la volonté de l’occupant sioniste de «maintenir ses forces dans la bande de Ghaza, le long de la frontière avec l’Egypte», a indiqué un cadre du mouvement sous le couvert de l’anonymat à l’AFP. Référence au corridor de Philadelphie occupé par l’armée israélienne.

«Nous n’accepterons rien de moins qu’un cessez-le-feu complet, un retrait total des troupes israéliennes de la bande de Ghaza, le retour des déplacés, et un accord d’échange d’otages contre des prisonniers», a-t-il énuméré.

Selon l’AFP, les médiateurs ont transmis au Hamas ce vendredi, en fin de journée, une «proposition de compromis» censée «combler les lacunes restantes». Seulement, cette proposition «ne garantit pas ce qui a été accepté par le Hamas le 2 juillet», a regretté auprès de l’AFP un responsable du mouvement de résistance palestinien.

Un autre responsable qui s’est exprimé auprès de l’agence française a accusé la délégation israélienne d’avoir «posé de nouvelles conditions (...) dans la droite ligne de sa politique d’obstruction». Il cite notamment «le maintien de troupes dans le corridor de Philadelphie» et «un droit de veto sur les noms de certains prisonniers ou la possibilité d’en expulser certains à leur libération».

Jeudi, Hossam Badran, membre du bureau politique du Hamas, a tranché : «Tout accord doit aboutir à un cessez-le-feu global, à un retrait israélien complet de Ghaza, et au retour des personnes déplacées» a-t-il insisté.

Les négociations qui se sont terminées hier devront reprendre la semaine prochaine au Caire. Malgré les réserves exprimées par le Hamas, les médiateurs les ont jugées «constructives» et engagées dans une «atmosphère positive».

D’après Al Jazeera, les Etats-Unis, le Qatar et l’Egypte ont confié la préparation de l’accord final à «des équipes techniques qui travailleront sur les détails de la mise en œuvre d’une proposition américaine qui permettrait de parvenir à un accord sur Ghaza». Ces détails à peaufiner «portent notamment sur les articles humanitaires, les otages et les détenus». «Nos hauts responsables se réuniront au Caire avant la fin de la semaine prochaine, dans l’espoir de parvenir à un accord», précisent les médiateurs.

Mahmoud Abbas déterminé à aller à Ghaza

Parallèlement à ces efforts diplomatiques, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé depuis Ankara où il effectue une visite officielle son intention de se rendre à Ghaza. Cela constituerait une première dans la mesure où, depuis le début de la guerre contre Ghaza, jamais le président palestinien ne s’était rendu dans l’enclave assiégée.

Selon l’agence turque Anadolu, «Mahmoud Abbas a fait une allocution au Parlement turc à Ankara au cours d’une session extraordinaire sur la Palestine, à laquelle assistaient le président turc, Recep Tayyip Erdogan, des centaines de députés turcs et de hauts fonctionnaires».

Au cours de son intervention, Mahmoud Abbas a fait savoir : «Il n’y a pas de solution devant nous, c’est pourquoi tous les membres de l’Autorité palestinienne et moi avons décidé de nous rendre à Ghaza, et nous le ferons». Le dirigeant palestinien a ensuite lancé un appel au secrétaire général des Nations unies et aux «dirigeants des pays arabes, islamiques et amis», les invitant à se joindre à lui dans ce geste périlleux.

Il en a appelé aussi à la protection du Conseil de sécurité de l’ONU afin de lui garantir l’accès à l’enclave dévastée. «Nous resterons fermes et ne quitterons pas nos terres», a martelé Abou Mazen en soulignant que cette action vise à «mettre fin à l’agression israélienne contre Ghaza».

Mahmoud Abbas annonce sa décision de se rendre à Ghaza

Le président de l’Etat de Palestine, Mahmoud Abbas, a annoncé, jeudi devant le Parlement turc, sa décision de se rendre à Ghaza, théâtre d’une agression génocidaire de l’entité sioniste depuis octobre dernier.

«J’ai décidé de me rendre à Ghaza avec d’autres dirigeants frères palestiniens», a déclaré M. Abbas dans une allocution devant les députés turcs.  «J’irai. Même si cela doit me coûter la vie. Notre vie ne vaut pas plus que celle d’un enfant.

La victoire ou le martyre», a-t-il souligné, précisant qu’il se rendra ensuite à El Qods occupée, capitale éternelle de la Palestine. «Ghaza nous appartient et nous n’accepterons aucune proposition visant à la diviser», a-t-il également dit. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dénoncé, de son côté, avec virulence la conduite de l’entité sioniste dans son agression contre Ghaza, depuis le 7 octobre dernier.

 

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