A l’aide d’une pelleteuse et parfois de leurs mains, les agents de la Défense civile de Ghaza n’ont pas cessé, depuis des jours, de creuser dans les charniers découverts dans l’enceinte même de l’hôpital Nasser de Khan Younès, à Ghaza et aux alentours de ses murs extérieurs. Pour la seule journée d’hier, ils ont déterré 51 corps, alors que les recherches se poursuivaient toujours.
C’est ce qu’a déclaré le directeur général du bureau de l’information à Ghaza, Ismail Al Thawabta, en précisant que seulement 30 ont pu être identifiés. Ce qui porte le nombre des morts exhumés des charniers, depuis le début de l’opération de recherche à l’hôpital Nasser, à 324. Le responsable a exhorté «les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations internationales à faire en sorte qu’Israël rende des comptes pour les crimes contre l’humanité commis contre les Palestiniens à Ghaza».
Selon lui, les corps appartiennent à des personnes de tout âge, des deux sexes et de diverses régions de Ghaza. Parmi les morts, beaucoup étaient dénudés et avaient les mains ligotées, alors que d’autres n’avaient pas de têtes ou de peau, ou étaient amputés de leurs organes. Une trentaine parmi les 51 corps ont été identifiés, tandis que 9 restent inconnus. Les corps étaient enfouis profondément et recouverts, dans beaucoup de cas, avec des déchets. Pour Hani Mahmoud, un des membres de l’équipe de recherche, «certains corps avaient des impacts de balles tirées par derrière, d’autres avaient les mains et les pieds ligotés».
Ce qui suppose qu’il pourrait s’agir de personnes arrêtées et exécutées sommairement, avant d’être enterrées. Pour le major Mahmoud Basal, responsable de la Défense civile, quelque 2000 personnes sont portées disparues dans diverses régions, et 500 après le retrait de l’armée de Khan Younès. Pour le directeur général du bureau d’information du gouvernement à Ghaza, Ismail Al Thawabta, l’armée israélienne a créé un cimetière dans l’enceinte même de l’hôpital Nasser, afin de «cacher» ses crimes. «Nous nous attendons à trouver dans des fosses communes quelque 700 martyrs exécutés à l’intérieur de l’hôpital. Nous avons découvert deux charniers dans cet établissement et nous nous attendons à d’autres découvertes du genre. L’armée d’occupation a exécuté des dizaines de déportés, de blessés, de malades et de membres du personnel médical».
L’Onu avertit : «Tuer intentionnellement des civils est un crime de guerre»
La découverte macabre de ces charniers est intervenue moins de deux semaines seulement après le retrait de l’armée sioniste du complexe médical qu’elle a occupé, après l’avoir assiégé et bombardé au début du mois en cours. De nombreuses familles continuent d’affluer de partout vers ces charniers, pour dévisager les corps à la recherche de leurs proches disparus ou arrêtés par les forces armées sionistes lors des opérations de perquisition ou dans la rue, d’autres observent de loin ou portent assistance aux équipes de recherche. La découverte de ces charniers et les témoignages glaçants sur les exécutions sommaires par les forces d’occupation ont fini par susciter de vives réactions.
Ainsi, dans un communiqué, le haut commissaire onusien aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est déclaré «horrifié» face à la «destruction des hôpitaux Nasser et Al Shiffa et aux «informations faisant état de centaines de corps enterrés dans les deux plus grands hôpitaux de Ghaza», avant de demander que des «enquêtes indépendantes, efficaces et transparentes soient menées», précisant que «compte tenu du climat d’impunité qui prévaut, des enquêteurs internationaux devraient être associés à cette démarche (…). Les hôpitaux ont droit à une protection très spéciale, en vertu du droit humanitaire international».
Le haut commissaire a averti que «tuer intentionnellement des civils, des détenus et d’autres personnes considérées ‘‘hors de combat” est un crime de guerre». La veille, sa porte-parole, Ravina Shamdasani, a affirmé : «Nous ressentons le besoin de tirer la sonnette d’alarme parce qu’il est clair que de nombreux corps ont été retrouvés (…) profondément enfouis dans le sol et recouverts de déchets (…).
Parmi les morts, il y aurait des personnes âgées, des femmes et des blessés, y compris des personnes ligotées et déshabillées.» Citant des sources sanitaires locales, Mme Shamdasani a ajouté que d’autres corps avaient été retrouvés à l’hôpital Al Shifa qui avait été pris d’assaut par l’armée sioniste. «Les rapports suggèrent que 30 corps palestiniens ont été enterrés ‘‘dans deux tombes’’ dans la cour de l’hôpital Al Shifa ; un devant le bâtiment des urgences et les autres devant le bâtiment de dialyse.
Parmi eux, 12 seulement ont pu être identifiés», a déclaré aux médias Mme Shamdasani aux médias, avant de souligner : «Le chiffre avancé par l’armée israélienne de quelque deux cents personnes tuées lors du dernier assaut contre l’hôpital Al-Shifa, entre le 18 mars et début avril, pouvait être «sous-estimé. A ce jour, nous ne pouvons pas corroborer les chiffres exacts des personnes tuées dans les deux hôpitaux. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur la nécessité d’ouvrir une enquête internationale.»
Washington mène une enquête auprès d’Israël et celui-ci dément
Hier, c’était au tour du porte-parole de l’Union européenne, Peter Stano, d’exprimer «la préoccupation» de l’UE par «la découverte de fosses communes» à Khan Younès. «C’est quelque chose qui nous oblige à demander une enquête indépendante sur tous les soupçons et toutes les circonstances. Cela donne l’impression qu’il pourrait y avoir des violations du droit humanitaire international.
C’est pourquoi, il est important de mener une enquête indépendante et de situer les responsabilités», a indiqué Peter Stano. L’Afrique du Sud, par la voix de son ministère des Relations internationales et de la Coopération, a demandé «une enquête approfondie, exhaustive et impartiale sur les charniers découverts dans les hôpitaux Nasser et Al Shifa, après que l’armée israélienne s’en soit retirée».
Le ministère sud-africain des Relations internationales et de la Coopération a exhorté la Cour pénale internationale à ouvrir une enquête exhaustive et impartiale sur cette affaire, conformément aux normes du droit international, afin de faire la lumière sur les faits et de traduire les responsables en justice, tout en rappelant que «le droit international humanitaire protège la vie humaine en temps de guerre, en interdisant les attaques contre les civils et qu’il est du devoir de la communauté internationale de veiller à ce que les atrocités commises fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme».
L’Afrique du Sud, faut-il le rappeler, a déjà engagé une procédure, toujours pendante, devant la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l’ONU, contre Israël et reste l’unique pays à avoir obtenu des mesures conservatoires urgentes contre l’entité sioniste, pour arrêter les actes de génocide, mais celles-ci n’ont pas été respectées. L’état hébreu a nié, hier, avoir enterré des corps palestiniens et qualifié ces affirmations de «sans fondement».
Principal allié, les USA, dont le président a signé, hier, une aide supplémentaire de 26 milliards de dollars «pour lui permettre de renforcer sa défense aérienne» et, de ce fait, intensifier les bombardements contre les civils à Ghaza, s’est contenté de dire, par la voix du porte-parole de son département d’Etat, que «nous enquêtons auprès du gouvernement israélien sur ces informations inquiétantes». Les charniers et fosses communes découverts dans les deux plus importants hôpitaux de Ghaza, Nasser et Al Shifa, confirment clairement ce que de nombreux témoins ont rapporté, notamment les membres des équipes de secours palestiniens de l’ONG internationale «Médecins sans frontières», ainsi que plusieurs missions de surveillance de l’ONU.
Tous ont signalé la découverte de plusieurs charniers sur le terrain de l’hôpital Al Shifa à Ghaza début avril, suite au retrait des troupes israéliennes. Tous ces témoins ont fait état de faits avérés qui constituent des crimes de guerre, d’exécutions sommaires contre l’humanité et de génocide.
Soit toutes les catégories de crimes punis par le droit humanitaire international, notamment les dispositions des conventions de prévention et de lutte contre le génocide et de Genève. Etant l’autorité occupante en Palestine, Israël est tenu pour responsable de tous ces crimes et doit être comptable devant la juridiction internationale.