L’écrivain, nouvelliste, poète, dramaturge et journaliste Mustapha Benfodil a animé, samedi dernier, la deuxième estrade du 25e SILA en revenant sur son expérience professionnelle.
Homme de lettres de planches et de médias, notre confrère et ami Mustapha Benfodil du quotidien El Watan est discret et talentueux à la fois. Atteint d’une timidité chronique et d’une galanterie sans bornes, il s’est livré devant un public fort nombreux au Sila sur sa passion pour l’écriture.
En effet, les convives ont pu découvrir les nombreuses facettes de cet homme à la plume élégante et à la modestie inégalée. S’excusant presque en parlant à son public, Mustapha Benfodil rappelle que son histoire avec l’écriture remonte à quelques années déjà.
Il écrit un premier recueil de nouvelles Le procès de l’absent en 1992 qui reste inédit. Un an plus tard, il tente un deuxième récit intitulé Le naufragé, inspiré de l’Intifada. Il le soumet à un éditeur qui le refuse. Cette expérience sera des plus brutales pour notre auteur.
Mustapha Benfodil estime que ce refus est la résultante de son jeune âge à l’époque et de sa timidité. «Je viens, dit-il de la timidité. J’ai perdu mon père et mes grands-parents alors que j’étais très jeune. Mes écrits n’ont rien à avoir avec ma personnalité. Dans l’écriture, je ne verse pas dans l’auto-thérapie. J’ai produit une littérature de long trajet».
Il confie qu’il a eu l’audace d’envoyer son poème A la santé de la République !, écrit en hommage à l’écrivain Tahar Djaout, assassiné le 26 mai 1993, aux 5es Poésiades de Béjaïa (août 1993). Il y décroche haut la main le Prix spécial.
Mustapha Benfodil se plait à affirmer qu’il est un enfant de l’Intifada. La Palestine a toujours été présente dans son écriture. S’il a écrit toute sa vie des nouvelles, il n’en demeure pas moins que les genres qui lui ont toujours parlé, sont la poésie le roman et le théâtre. «La poésie est un laboratoire d’écriture à petite échelle avant d’aller vers des formes un peu plus ambitieuses», estime-t-il. A la question de savoir comment l’écrivain passe du roman au théâtre et inversement, il répond en disant qu’il n’a jamais planifié son parcours de devenir scénariste ou encore dramaturge.
Il est vrai qu’il a déjà écrit une première pièce théâtrale en hommage à Nelson Mandela, alias Madiba qui reste inédite aussi. «J’ai eu une pulsion personnelle pour l’écriture théâtrale. On est venu me chercher car le théâtre est un monde fermé. Si on ne vient pas vous cherchez, vous ne pouvez pas y accéder. Ce n’est pas moi qui ai fais le premier pas, c’est le théâtre qui est venu me chercher. Je n’ai jamais pensé écrire une pièce de théâtre.
Le dramaturge Ziani Cherif est venu me contacter après la parution en 2000 de mon roman Zarta ! Il m’a signifié que mon roman avait une sonorité et une oralité. Il m’a alors sollicité pour une expérience expérimentale. C’est comme cela que j’ai fait ma première expérience qui m’a ouvert la voix à d’autres projets.
A partir de là, j’ai été invité à de nombreux festivals». Le conférencier a eu une autre belle expérience, la création de la pièce Clandestinopolis (parue chez l’avant-scène Théâtre, Paris, 2008), écrite à l’issue d’une résidence d’écriture à Anvers (Belgique) sous l’égide d’Écritures Vagabondes, dirigée par Monique Blin, ancienne directrice du théâtre des Amandiers à Nanterre. Sa carrière a pris un autre tournant en enchaînant les pièces.
Aujourd’hui, il compte à son actif une douzaine de pièces théâtrales, lesquelles ont été, pour la plupart, produites et jouées à l’étranger. L’orateur est convaincu que tous ces projets, il ne les a pas choisis mais ce sont eux qui sont venus vers lui. Le journaliste Mustapha Benfodil a toujours été passionné entre autres d’astronomie, de science et de lettres, mais ce qui est certain, c’est que l’écriture s’est imposée à lui avant le journalisme. «Je suis, argue t il, un aventurier des mathématiques et des Lettres à cause de mes voyages.
C’est comme cela que je suis devenu reporter. Une des raisons qui m’a poussé a arrêté mes études en mathématiques, c’est il y avait une arrière-pensée. Je voulais aller vers un métier qui soit à proximité de l’écriture, des voyages et de la politique».
Notre interlocuteur avoue qu’il a mal vécu le voisinage entre le journaliste et l’auteur. Cela a été très compliqué à vivre. Il rappelle que le métier de journaliste est un métier très prenant où vous êtes interpellés en permanence : «Se lancer dans un métier si chargé, c’est juste peut-être suicidaire pour quelqu’un qui veut se mettre à l’écriture. J’ai embrassé la carrière de journaliste dans les années 90. Vous imaginez la sollicitation de l’époque en pleine décennie noire.
Dans un moment aussi tragique, je me suis d’emblée programmé pour une écriture de témoignages. Au départ, je ne voulais pas être journaliste pratiquant mais plutôt être sociologue des médias. Je me suis retrouvé par la force des choses un journaliste pratiquant mais dans un moment où la sollicitation et les attentes étaient immenses», argue-t-il.
La particularité de l’écriture de Mustapha Benfodil réside dans cette introduction dans ces textes du parlé populaire algérien. Il s’en défend en soutenant qu’il n’aime pas se sentir coincé. Il aime de temps en temps faire sortir de sa boîte à outils quelques artifices à travers la langue populaire ainsi qu’un jargon sophistiqué propre à lui. «Je plante l’ambiance pour m’éloigner de la langue du dictionnaire formaté. J’ai incorporé à volonté des langages bien de chez nous», explique-t-il.
Pour qui écrit Mustapha Benfodil ? Pour des lecteurs un public peu commun. La forme de son écriture est avant tout la singularité. Il affirme qu’il milite pour la reconnaissance de la littérature comme un art. Il s’inscrit également dans le roman total. Selon lui, un écrivain fabrique ses œuvres. «Mon travail, c’est de faire des bons romans à mes lecteurs. Je ne veux pas être classé dans des cases. Ma façon d’être est contre toute forme de frontière linguistique».