Le théâtre universitaire tient la 14e édition de son Festival du 17 au 23 avril sur le campus de l’université Djilali Liabès de Sidi Bel Abbès. Heureuse auspice ? Dine Hanani Jahid, un des organisateurs, y croit fermement au regard de l’expérience vécue.
C’est que ce professeur de physique, auteur dramatique, metteur en scène et comédien talentueux, est un des meilleurs fleurons de la jonction entre le théâtre universitaire, le théâtre amateur et le théâtre professionnel au sein du théâtre régional de Sidi Bel Abbès.
Pour la petite histoire, Ahmed Benaïssa, après sa nomination à la tête de cette institution, y a insufflé un nouveau souffle en 1995, l’expérience katébienne, pour aussi prodigieuse qu’elle y fut, était loin derrière après la disparition de l’auteur de Nedjma et alors que le pays vivait une tragédie sanglante enterrant toutes les utopies postindépendances.
Par ailleurs, la ville abritait parallèlement le plus important des festivals de théâtre amateur, celui qui accueillait en compétition «El masrah el moumtaz», c’est-à-dire, les troupes primées dans l’année lors des nombreux festivals d’amateurs qui s’organisaient à travers le pays. Hassan Assous, le successeur de Benaïssa au TRSBA, y a encore accentué cette tendance avec le recrutement de nouveaux talents issus du théâtre universitaire, des artistes qui font actuellement le bonheur de la scène ainsi que du grand et petit écran.
Le bouillon de culture, qui a ainsi régné dans la capitale de la Mekkerra, a fait qu’une décennie après et durant dix années, le théâtre régional de Sidi Bel Abbès a caracolé sur le palmarès du Festival national de théâtre professionnel. Il raflait les plus prestigieux de ses sacres. L’expérience ayant démontré sa pertinence, tous les théâtres du pays, ont fait provision des meilleurs éléments du théâtre amateur et universitaire, ce qui n’avait pas tardé à se traduire positivement pour lui. Subséquemment, le théâtre universitaire s’est vidé de sa substance. Le ministère de l’Enseignement supérieur a alors institué un Festival à son profit mais sans résultats significatifs pour sa régénérescence parce qu’en la matière, il a été perdu de vu les enseignements de l’initiative du ministre et homme d’Etat Mohamed Seddik Benyahia qui avait récupéré dans les années 1980 l’immense Mustapha Kateb dans la perspective de promouvoir la naissance d’un théâtre universitaire.
C’est d’ailleurs cette expérience qui, dans son sillage, a contribué à la naissance d’un théâtre universitaire. Pour Jahid, «nous sommes actuellement dans une conjoncture identique avec ce que laissent espérer, d’une part, l’organisation dès cette année de l’examen du baccalauréat artistique et ainsi la promotion effective de la dimension artistique dans le système éducatif national, et d’autre part, la convention passée entre les ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur dans cette démarche». A la faveur de la conclusion de cet accord, le premier responsable de l’Enseignement supérieur a déclaré que le programme imaginé «vise à animer la vie universitaire pour s’ouvrir sur l’environnement culturel et à accompagner les étudiants, à travers l’organisation d’ateliers sur le théâtre dans l’ensemble des établissements universitaires au nombre de 115, avec l’encadrement du ministère de la Culture et des Arts».
De la sorte, il pourra enfin être trouvé une solution à la rétribution des professionnels des planches, pour leur contribution à la formation des étudiants, l’université ne reconnaissant que la présentation d’un diplôme universitaire pour effectuer tout paiement. Pour rappel, Miliani Hadj, un des militants actifs de la pratique artistique à l’université, se plaignait amèrement de cette situation pénalisante, lui à qui des artistes accordaient leur contribution à titre gracieux en raison de l’estime qu’il suscitait chez eux pour son engagement d’agitateur culturel : «C’est fini, je ne renouvellerai plus l’expérience, l’année prochaine. Il y en a marre de continuer à solliciter les artistes pour faire du bénévolat». (El Watan du 14/07/2003).
Cette année 2024, une de ses collègues à l’université de Tizi Ouzou, Souad Khedri, a rendu son tablier en raison «de bâtons dans les roues et l’absence d’un espace de travail». Elle avait mis en place un atelier théâtre de 2018 à 2023 à l’opposé de la démarche pédagogique qui privilégie dans la plupart des cas une approche du théâtre comme un genre littéraire, le texte dramatique n’étant pas considéré principalement comme prétexte à spectacle. Le cas le plus caricatural, indique-t-on, est celui d’enseignants qui professent l’art de la mise en scène, au sein des départements théâtre, sans jamais avoir foulé les planches d’un théâtre à quelque titre que ce soit.
En fait, ils dispensent des cours ex-cathedra, c’est-à-dire de la théorie sans lien avec la réalité pratique de la scène. Alors, le théâtre universitaire, est-il à la croisée des chemins ? Cela est à espérer.