14 factions palestiniennes, dont le Hamas et Le Fatah, ont signé hier un «accord d’unité nationale» parrainé par Pékin. «Le fait le plus marquant est l’accord prévoyant la formation d’un gouvernement intérimaire de réconciliation nationale pour la gouvernance de l’après-guerre de Ghaza», a souligné le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi devant la presse.
Le Hamas, le Fatah et d’autres factions palestiniennes ont signé hier, sous l’égide de la Chine, un «accord d’unité nationale» baptisé «La Déclaration de Pékin», en vertu duquel ils se sont engagés à unir leurs rangs et à mettre fin à la discorde et aux divisions qui ont longtemps miné la résistance palestinienne.
Pour rappel, depuis 2007, les territoires issus des Accords d’Oslo sont sous une gouvernance bicéphale : alors que le Fatah dirige la Cisjordanie, le Hamas gouverne Ghaza. Et les différentes tentatives de réconcilier les frères ennemis n’ont jamais abouti. L’un des principaux points de l’accord porte sur l’administration de Ghaza après le cessez-le-feu. Le Hamas, le Fatah ainsi que les autres mouvements de lutte palestiniens se sont entendus sur la constitution d’«un gouvernement intérimaire de réconciliation nationale» et sur une «gouvernance commune» après la guerre à Ghaza.
Cet accord constitue sans doute un événement quand on sait que pas moins de 14 organisations politiques palestiniennes ont pris part à ce dialogue parrainé par Pékin.
«Parmi les factions qui ont participé à la réunion, on trouve le Fatah, le Hamas, le Jihad islamique, le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine), le Parti du peuple palestinien, le Front de lutte populaire palestinien et l’Initiative nationale palestinienne», détaille l’agence turque Anadolu.
Elle ajoute : «Le Front populaire - commandement général, l’Union démocratique palestinienne ''Fida'', le Front de libération de la Palestine, le Front de libération arabe et le Front arabe palestinien ont également participé à la réunion.»
Consensus palestinien
Les discussions qui ont précédé la signature de cet accord ont débuté dimanche et se sont poursuivies jusqu’à hier. Les réunions se sont déroulées en présence du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. Le Hamas y était représenté par Moussa Abou Marzouk, une figure emblématique du mouvement islamiste, et le Fatah par un haut responsable du parti : Mahmoud Al Aloul.
«Le fait le plus marquant est l’accord prévoyant la formation d’un gouvernement intérimaire de réconciliation nationale pour la gouvernance de l’après-guerre de Ghaza», a souligné le chef de la diplomatie chinoise devant la presse. «La réconciliation est une question interne aux factions palestiniennes, mais en même temps, elle ne peut être réalisée sans le soutien de la communauté internationale», fait-il observer selon des propos rapportés par l’AFP.
Wang Yi a ensuite lancé un appel à soutenir ce nouveau gouvernement en gestation de façon à ce qu’il puisse «contrôler effectivement Ghaza et la Cisjordanie». Il convient de rappeler que la Chine avait déjà accueilli en avril dernier des représentants du Hamas et du Fatah pour une tentative de rapprochement entre les deux camps rivaux.
«Nous disons à la Chine : vous avez notre amour, vous avez toute notre amitié, de la part de tout le peuple palestinien», exulte Mahmoud Al Aloul, cité par l’AFP. «Aujourd’hui, nous signons un accord sur l’unité nationale et nous déclarons que la voie à suivre pour achever ce processus est l’unité nationale», s’est félicité pour sa part Moussa Abou Marzouk.
De Beyrouth où il est établi, Hossam Badran, figure de proue du Hamas, a salué avec enthousiasme lui aussi l’accord de Pékin qu’il qualifié d’«avancée positive sur la voie de l’unité nationale». Dans une déclaration reprise par Anadolu, il insiste sur «la nécessité pour les Palestiniens de faire face à la politique unilatérale menée par les Etats-Unis concernant la question palestinienne», fustigeant «la position de l’administration américaine hostile à tout consensus national palestinien».
Et le mérite des représentants des 14 factions palestiniennes réunies à Pékin, selon Badran, est d’avoir justement donné corps à un «consensus palestinien». Celui-ci porte précisément «sur les demandes liées à la fin de la guerre et de l’agression barbare, à savoir : un cessez-le-feu, le retrait complet de la bande de Ghaza, l’aide et la reconstruction».
«Les points les plus importants de l’accord, a-t-il poursuivi, concernent la formation d’un gouvernement palestinien de consensus national qui serait appelé à gérer les affaires de notre peuple à Ghaza et en Cisjordanie, à superviser la reconstruction et à préparer les conditions pour des élections.»
Pour lui, «c’est la solution nationale la plus appropriée pour la situation palestinienne après la guerre, qui dresse une barrière infranchissable à toutes les ingérences régionales et internationales qui cherchent à imposer des faits contraires aux intérêts de notre peuple dans la gestion des affaires palestiniennes après la guerre».
77 morts dont 24 enfants à Khan Younès
Et tandis que les dirigeants palestiniens remportaient une victoire politique éclatante sur le front interne pour peu que ces bonnes intentions soient suivies d’effet, Israël a continué à allonger la procession des chouhada à Ghaza en pilonnant sans merci l’enclave dévastée du nord au sud. Depuis lundi matin, les forces d’occupation reviennent s’acharner sur le gouvernorat de Khan Younès peu après que l’armée israélienne ait émis un nouvel ordre d’évacuation des quartiers est de cette ville.
Ces attaques ont fait 77 morts dont 24 enfants, et plus de 270 blessés, selon un nouveau bilan du ministère de la Santé dans la bande de Ghaza. «Devant l’hôpital Nasser de Khan Younès, où morts et blessés ont été transportés, des scènes déchirantes ont lieu sous le regard impuissant des soignants : un homme brandit le cadavre d’un bébé en hurlant, une femme effondrée sous le chagrin se frappe la tête, des gens couverts de sang au regard hagard», écrit l’AFP.
«Nous étions heureux de préparer le petit-déjeuner, et soudain, les obus tombent, puis les tracts d’avertissement», relate un rescapé, Hassan Qoudayh, à l’agence française. «Il y avait des martyrs dans les rues. Ghaza est finie, Ghaza est morte. Il ne reste rien, rien. Assez !» répète-t-il, effondré.
Outre l’offensive sur Khan Younès, la journée d’hier, qui marquait le 291e jour de la guerre contre Ghaza, a enregistré une série de raids meurtriers lancés sur d’autres secteurs de l’enclave. A Ghaza-ville, 4 personnes ont été tuées ce mardi à l’aube suite à un bombardement qui a ciblé une habitation civile au quartier Sabra, rapporte l’agence Wafa.
A Jabaliya, au nord, 4 innocents ont péri après qu’une frappe aérienne ait foudroyé un groupe de maisons. Et à Deir El Balah, au centre, la Défense civile a recensé 4 morts et plusieurs blessés suite à une attaque dans la région d’Al Hadba. Un autre bombardement aérien ayant visé le camp d’El Bureij a fait 6 morts et 10 blessés, indique l’agence Wafa.
D’après les autorités sanitaires de Ghaza, l’occupant sioniste a commis 8 massacres en 24 heures, entre lundi et hier matin, qui ont fait 84 morts et 329 blessés. Le bilan général de la guerre a ainsi grimpé à 39 090 morts et 90 147 blessés, précise la même source.
La polio menace Ghaza
Outre les crimes de masse, la bande de Ghaza est exposée à une très grave détérioration des conditions de vie, entre famine, maladies, insalubrité, manque d’hygiène, pénurie d’eau potable, le tout sous une chaleur torride et un environnement propice à la propagation des épidémies.
L’OMS a alerté hier sur la présence du poliovirus dans les eaux usées. «Je suis très inquiet. Je suis extrêmement inquiet (...) et il ne s’agit pas seulement de la polio. Il pourrait y avoir d’autres épidémies de maladies transmissibles qui pourraient survenir», s’est alarmé le Dr Ayadil Saparbekov, chef d’équipe à l’OMS pour les urgences sanitaires dans les Territoires palestiniens occupés, en visioconférence, lors d’un point de presse à Genève.
«L’hépatite A a été confirmée l’année dernière et maintenant nous pourrions avoir la polio», répète-t-il, ajoutant qu’il y a déjà « jusqu’à 14 000 personnes qui pourraient avoir besoin d’une évacuation médicale hors de Ghaza».
Les recommandations les plus élémentaires sont difficiles à observer : «Etant donné les limites actuelles en matière d’hygiène et d’assainissement de l’eau à Ghaza, il sera très difficile pour la population de suivre le conseil de se laver les mains et de boire de l’eau salubre», déplore le docteur Saparbekov.
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a entamé hier une visite à Washington où il doit s’entretenir avec Joe Biden demain. Le Président sortant a rappelé qu’il va «continuer à travailler pour mettre fin à la guerre». Une délégation israélienne est attendue demain à Doha pour reprendre les pourparlers.