Stratégie nationale 2024-2026 pour la lutte contre le blanchiment d’argent : L’Algérie active sa sortie de la liste grise du Gafi

10/06/2025 mis à jour: 00:18
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Siège du ministère des Finances, Ben Aknoun (Alger)

L’Algérie s’apprête à franchir un tournant décisif dans la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. 

D’ici la fin du mois, le Comité national d’évaluation des risques présentera au Groupe d’action financière (GAFI) un rapport stratégique, dans l’objectif de faire sortir le pays de la liste grise où il a été inscrit en mai 2023. 

Ce rapport, fruit de la stratégie nationale 2024-2026, s’appuie sur une approche rigoureuse, articulée autour de 19 évaluations nationales, dont 6 sont déjà finalisées ou en cours. Interrogé par El Moudjahid, Me Brinis Mohamed, représentant de la Chambre nationale des notaires et membre du Comité de coordination national, estime que «ce travail de fond couvre à la fois des secteurs ciblés et des domaines à haut risque, selon une méthodologie validée par les experts de la Banque mondiale». 

Parmi les évaluations sectorielles achevées, figurent les personnes morales inscrites au Centre national du registre du commerce (CNRC), les actifs virtuels sous la supervision de la Banque d’Algérie, ainsi que les organisations à but non lucratif encadrées par le ministère de l’Intérieur. 

Les secteurs classés à haut risque concernent, pour leur part, les agents immobiliers relevant de l’autorité du ministère de l’Habitat, les marchands de métaux précieux supervisés par la Direction générale des impôts, et enfin les notaires, explicitement désignés par le GAFI comme une profession particulièrement exposée. «Le secteur des notaires est classé par le GAFI comme une profession à haut risque», rappelle Me Brinis, soulignant les exigences accrues en matière de vigilance et de conformité. 

L’évaluation nationale des risques (ENR), finalisée en juin 2024 pour le volet blanchiment, révèle un risque global «moyennement élevé». Cette conclusion résulte du croisement entre les menaces identifiées et les vulnérabilités structurelles des secteurs concernés. 

Sur le plan des menaces, trois catégories d’infractions prédominent, classées selon les montants d’avoirs confisqués : les infractions à menace élevée comprennent la corruption, la fraude fiscale et le trafic de drogue, avec des confiscations dépassant les 100 milliards de dinars (environ 740 millions de dollars). 

Viennent ensuite les infractions de menace moyenne, telles que la contrebande de marchandises, les infractions douanières et le trafic de migrants, correspondant à des montants compris entre 1 et 100 millions de dinars. Enfin, les infractions de menace faible regroupent la fraude, l’escroquerie, le vol et le faux-monnayage, avec des sommes inférieures à un million de dinars. 

En matière de vulnérabilités, l’évaluation nationale attribue un score de 0,60/1 à la vulnérabilité globale, tandis que certains secteurs enregistrent des niveaux de risque préoccupants. Les agents immobiliers atteignent un score de 0,81, tout comme les marchands de métaux précieux. 

Les notaires affichent un niveau de 0,73, suivis par Algérie Poste (0,72), les banques et établissements financiers (0,68). Depuis la création en 2002 de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), l’Algérie n’a cessé de renforcer son dispositif juridique. La dernière réforme majeure remonte à la loi n°23-01 du 7 février 2023, qui a consolidé le cadre légal de la lutte contre le blanchiment.

Sept axes prioritaires

Elle a été complétée en novembre 2023 par quatre décrets exécutifs relatifs à la mise en place d’un comité de suivi des sanctions internationales ciblées, à la procédure de gel ou de saisie des fonds liés au terrorisme, à la création du registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales, ainsi qu’à l’organisation des autorités de régulation et de contrôle. 

La stratégie nationale 2024-2026 repose, selon son rapport dont El Watan détient une copie, sur sept axes prioritaires. Il s’agit du renforcement du cadre législatif et réglementaire ; du développement de l’architecture institutionnelle ; de la modernisation des ressources humaines et techniques ; de l’accompagnement des professions assujetties ; de la prévention par la connaissance des risques ; de la consolidation de la coordination nationale et de la coopération internationale ; ainsi que l’amélioration du dispositif de lutte contre le financement du terrorisme. Parallèlement à cette refonte structurelle, la Chambre nationale des notaires, en coordination avec le ministère de la Justice, a mené 13 actions concrètes. 

Il s’agit, notamment, de l’élaboration de lignes directrices sur les typologies de risques, de l’application de l’obligation de vigilance à l’égard de la clientèle, de l’identification du bénéficiaire effectif, de la mise en place de mécanismes d’auto-évaluation et de sanctions financières ciblées, sans oublier la formation continue des notaires et inspecteurs du secteur. Me Brinis souligne enfin : «Les autorités de supervision sont tenues de mettre en place les critères réglementaires afférents et de veiller à leur stricte application par les établissements concernés.» 

Un rappel appuyé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui, lors du Conseil des ministres du 18 mai dernier, a exigé l’application rigoureuse des recommandations du GAFI, dans le respect des engagements internationaux de l’Algérie.  M.-F. Gaidi
 

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