Si El Hachemi Assad. Secrétaire général du Haut-Commissariat à l’Amazighité (HCA) : «L’amazighité n’est pas un luxe linguistique»

10/06/2025 mis à jour: 02:47
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Photo : D. R.

A un moment charnière de l’histoire nationale, le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) a choisi d’associer la célébration de son trentième anniversaire au lancement d’une nouvelle vision stratégique. Une vision qui consacre tamazight non seulement comme langue, mais aussi comme composante essentielle du projet de sécurité identitaire de l’Algérie. La conférence nationale intitulée «Promotion de l’amazighe dans le cadre de la sécurité identitaire», tenue les 27 et 28 mai dernier, s’est distinguée à la fois par sa portée symbolique et son efficacité concrète. Au-delà du simple devoir de mémoire, elle a jeté les bases d’un avenir plus structuré, plus mature, en formulant des recommandations précises et une feuille de route réaliste. C’est dans ce contexte que nous avons rencontré Si El Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, pour mieux comprendre la portée de ces résolutions et envisager les perspectives de leur mise en œuvre.

La conférence a incontestablement revêtu un caractère symbolique fort. Qu’est-ce qui en fait, selon vous, une étape stratégique plutôt qu’une simple célébration ?

La charge symbolique de l’événement a constitué un levier pour tester la maturité institutionnelle. A travers cette conférence, nous avons souhaité faire de ce 30e anniversaire un tournant vers une nouvelle phase, plus claire, plus affirmée. Il ne s’agissait pas uniquement de revenir sur les acquis du passé, mais de poser les jalons d’un nouveau processus institutionnel. Cela s’est matérialisé par l’appel à repenser le rôle du HCA en dépassant les fonctions traditionnelles, pour aller vers une coopération accrue avec l’Académie algérienne de la langue amazighe. Le tout dans une dynamique conforme à la vision nationale de promotion de l’amazighité, en tant que choix stratégique et fédérateur, loin de tout usage conjoncturel.

C’est sous la présidence de Abdelmadjid Tebboune que l’amazighité s’est définitivement affranchie des logiques politiciennes qui l’avaient longtemps réduite à un instrument conjoncturel servant des calculs à courte vue. Elle est aujourd’hui portée par une volonté nationale claire, comme un choix stratégique pleinement assumé, abrité par l’unité nationale et contribuant activement à la consolidation de la sécurité culturelle et identitaire du pays. Dès lors, nous accomplissons nos missions avec sérénité, dans un cadre apaisé, fédérateur et intégré, pleinement inscrit dans l’architecture identitaire de la nation.

Vous avez évoqué le concept de «sécurité identitaire» comme pilier de cette stratégie. Que recouvre-t-il concrètement ?

La sécurité identitaire signifie tout simplement la protection des composantes de l’identité nationale contre tout ce qui pourrait en altérer l’équilibre et l’harmonie. Cela implique une intégration effective et pérenne de tamazight dans les programmes éducatifs, les espaces administratifs et médiatiques. Comme je l’ai souligné dans mon discours inaugural, l’identité nationale ne peut se réduire à une seule dimension. Elle repose sur la reconnaissance pleine et entière de toutes les composantes de la nation, afin de renforcer la cohésion nationale et l’ancrage collectif.

Les recommandations issues de l’atelier consacré à l’éducation sont ambitieuses. Existe-t-il des garanties concrètes pour leur application ?

Ces recommandations ne sont pas théoriques. Elles s’inscrivent dans un calendrier s’étendant de 2025 à 2038, avec des indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour évaluer leur mise en œuvre. Elles prévoient notamment la révision de la loi d’orientation sur l’éducation afin d’introduire tamazight comme matière obligatoire à terme, le renforcement de la formation universitaire, ainsi que la création d’une école doctorale spécialisée.

Ce sont là des mesures qui répondent à ce que j’ai affirmé lors de la conférence : l’intégration de l’amazighité dans les politiques publiques est une condition essentielle pour son ancrage dans la vie quotidienne, dans un esprit de complémentarité avec la langue arabe.

Quelles sont les modalités de suivi et d’évaluation prévues ?

Les recommandations s’accompagnent d’un dispositif institutionnel précis : un rapport annuel sera présenté aux hautes autorités et partagé avec les partenaires nationaux. Ce rapport fera l’objet de révisions périodiques en fonction des étapes de mise en œuvre. Ce système permet un suivi rigoureux et illustre l’engagement réel - et non symbolique - de l’État, transformant ainsi les recommandations en engagements concrets, loin des simples déclarations d’intention.

Quel regard portez-vous, de manière objective, sur les résultats de cette conférence ?

Comme je l’ai mentionné dans mon discours de clôture, l’évaluation ne se limite pas aux aspects organisationnels. Elle doit porter sur la qualité des interventions, la profondeur des débats, et la pertinence des recommandations. La participation de représentants de secteurs étatiques, de médias et d’institutions culturelles, conjuguée à une forte implication des participants, confirme que cette conférence a constitué une étape décisive dans la promotion de l’amazighité. Elle s’inscrit dans une dynamique nationale liant la reconnaissance constitutionnelle à la mise en œuvre concrète.

Quelles sont les prochaines étapes après cet événement ?

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle phase. L’après-27 mai 2025 nécessite une mobilisation institutionnelle de grande ampleur pour traduire les résolutions adoptées en politiques publiques concrètes. 

L’amazighité, comme je l’ai rappelé à l’ouverture des travaux, n’est pas un luxe linguistique. Elle est symbole de fidélité, instrument d’émancipation et pilier d’une unité nationale inébranlable. Cette prochaine étape requiert une vigilance collective pour bâtir un front national uni, faire face aux tentatives de dénaturation et consolider l’unité intérieure à travers le soutien au président de la République, à l’Armée nationale populaire et aux médias nationaux – que nous considérons comme un rempart dans la bataille identitaire.

Pour clore, je tiens à réaffirmer que cette conférence nationale incarne une vision cohérente et intégrée, qui relie la reconnaissance constitutionnelle de l’amazighité à sa concrétisation effective. Il s’agit de construire un Etat riche de sa diversité, fidèle à sa mémoire et confiant en son avenir. Le défi ne repose plus uniquement sur le HCA, mais sur l’ensemble des acteurs de l’État et de la société pour transformer cette vision en réalité tangible.
 

 

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