Pendant qu’il reste toujours dans l’euphorie de sa «victoire» sur l’Iran, le Premier ministre israélien reste figé sur les éventuels nouveaux signataires des accords d’Abraham, notamment la Syrie, mettant les négociations pour la fin de la guerre à Ghaza entre parenthèses. Les médiateurs qataris ont écarté hier tous «pourparlers en cours concernant le cessez-le-feu à Ghaza» et évoqué juste des «contacts visant à élaborer le cadre des négociations».
Il n’y a pas de pourparlers en cours concernant un cessez-le-feu à Ghaza, mais plutôt des contacts visant à élaborer un cadre qui permettrait aux négociations de reprendre.» C’est ce qu’a déclaré hier le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majed Al Ansari, lors d’une conférence de presse à Doha.
Les déclarations du président américain, Donald Trump, à propos de la conclusion d’un accord en cours de cette semaine qui mettrait fin à la guerre contre Ghaza sont qualifiées tout simplement de «discours positif» par le responsable qatari, qui a plaidé toutefois pour «la séparation entre les questions de l’entrée de l’aide humanitaire et celles liées à un cessez-le-feu à Ghaza». A Ghaza, l’armée d’occupation a intensifié, hier, les bombardements et multiplié les ordres de déplacements à une population déchirée entre les maladies, la soif, la famine et l’insécurité.
En une demi-journée, au moins 80 Palestiniens ont été tués et des dizaines d’autres blessés par des frappes aériennes, tandis qu’en Israël, l’euphorie de «la victoire» sur l’Iran, après les bombardements américains contre les installations nucléaires iraniennes, d’il y a une semaine, occupe encore l’espace médiatique et fait naître l’espoir d’élargir les accords d’Abraham à d’autres pays, comme la Syrie et le Liban.
Pour sa part, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a échoué dimanche soir à sortir de la réunion ministérielle de haut niveau tenue au quartier général du commandement de son armée, avec des ministres et des responsables de sécurité, avec une décision sur la voie à suivre à Ghaza, alors que les médiateurs arabes s’attendaient à ce qu’une délégation israélienne soit dépêchée au Caire, en vain. La réunion a repris hier, mais rien n’a filtré des discussions.
Contrairement à ce qui a été annoncé par les médias israéliens et américains sur la volonté du Hamas à revoir ses conditions pour un accord de cessez-le-feu et la libération des otages, le mouvement de la résistance a annoncé qu’il tient absolument à l’arrêt définitif de la guerre, au retrait des troupes israéliennes de Ghaza et au retour à l’Unrwa pour la distribution de l’aide humanitaire, ou à la mise en place d’un nouveau système pour remplacer celui géré par la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) soutenue par les Américains, devenu un piège mortel pour les affamés de Ghaza et qui depuis sa prise de fonction, il y a un mois, plus de 500 Palestiniens ont été tués et près de 4000 autres blessés par des tirs de mercenaires et de soldats israéliens chargés de sa sécurité.
L’euphorie d’une «victoire» contre l’Iran a balayé la paix à Ghaza
En début du mois de juin, les médiateurs avaient obtenu l’envoi d’une délégation israélienne à Doha pour négocier une nouvelle proposition qataro-égyptienne, allant dans le sens de la fusion de l’offre américaine présentée par l’envoyé spécial Steve Witkoff avec la réponse du Hamas, avait révélé «un diplomate» sans le nommer, en précisant que «les médiateurs espéraient que la délégation israélienne arriverait à Doha le 13 juin». Selon la même source, «tôt ce jour-là, Israël a lancé son attaque contre l’Iran, suspendant de fait les négociations jusqu’à la fin de la guerre». Netanyahu a vu grand et entraîné avec lui le président américain.
Dans une déclaration, dimanche dernier, à la chaîne Fox News et reprise par une grande partie des médias israéliens, Trump a fait écho à l’ambition de Netanyahu concernant l’élargissement du cercle des signataires de l’accord d’Abraham, parmi les pays de la région, après l’offensive contre l’Iran. «Nous avons actuellement de très bons pays dans ce groupe et je pense que nous allons commencer à les renforcer, car l’Iran était le principal problème. Je pensais en fait que l’Iran… Nous avons eu une période où je pensais que l’Iran adhérerait aux accords d’Abraham, comme tous les autres», a déclaré Donald Trump.
La principale préoccupation des deux dirigeants est pour l’instant concentrée sur ces accords et non pas sur celui devant aboutir à la fin de la guerre à Ghaza. La presse israélienne est unanime à parler d’éventuelles discussions sans pour autant être affirmatives sur l’entame des négociations. «Nous sommes en discussion», a déclaré, hier, un responsable du cabinet du Premier ministre (sous couvert de l’anonymat) à plusieurs médias israéliens. Selon lui, les «discussions se poursuivent en vue d’un accord de cessez-le-feu et de libération des otages».
Il a précisé que le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, se rendra à Washington pour «tenter de faire pression sur les Américains afin qu’ils fassent pression sur les Qataris et sur le Hamas» et décrit le Qatar comme «la clé et les contacts se poursuivent» avant d’«espérer une avancée décisive très prochainement qui dépend du Hamas» et conclut : «Mais en attendant, nous continuons à progresser et à approfondir les manœuvres terrestres pour faire pression sur le Hamas jusqu’à ce qu’il accepte un accord ou que nous le battions. C’est très simple.» La déclaration prouve clairement qu’Israël et depuis le début de sa guerre génocidaire contre Ghaza ne veut pas mettre fin à son offensive militaire, malgré les voix de plus en plus nombreuses au sein même de l’establishment militaire et politique, qui plaident pour son arrêt.
Les juges refusent l’abandon des poursuites contre Netanyahu
Sa poursuite, dans un contexte de «nouveaux alliés» qui pourraient être poussés par l’administration Trump à signer les accords d’Abraham est une aubaine pour le Premier ministre pour pousser la justice de son pays à abandonner l’enquête menée contre lui pour des faits de corruption par «l’Etat profond», n’a-t-il cessé de crier. Pour obtenir l’annulation de ses auditions, de hauts responsables de la sécurité ont déclaré aux juges présidant son procès, lors d’une réunion à huis clos dimanche dernier, «qu’il y avait une opportunité de changer le visage du Moyen-Orient et pour Israël d’élargir son cercle de paix, y compris avec la Syrie», a révélé la chaîne publique israélienne Kan, en soulignant que «les chefs des services de renseignements militaires, de l’armée et du Mossad étaient présents à l’audience, et tous deux ont expliqué aux juges pourquoi il était nécessaire de reporter les journées de témoignage du Premier ministre prévues cette semaine».
Tous ces responsables ont été choisis et placés par Netanyahu, après une série de purge qui a ciblé tous ses détracteurs. Netanyahu n’a pas obtenu l’abandon des poursuites comme l’a réclamé Donald Trump, en menaçant de revoir l’aide militaire américaine qu’il accorde annuellement à Israël. Les juges ont ajourné les audiences. L’opposition doute que ces messages n’aient pas été entièrement coordonnés avec Netanyahu, surtout que ce dernier a publié quelques heures seulement après le message de Trump un tweet dans lequel il remercie ce dernier pour son soutien.
Membre de sa coalition gouvernemental, l’extrémiste ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a rejeté hier les appels à la fin de la guerre à Ghaza, déclarant que le faire par le biais d’un cessez-le-feu et d’un accord de libération d’otages «montrerait aux ennemis d’Israël que le moyen de mettre Israël à genoux n’est pas les missiles, ce n’est pas les armes nucléaires, mais plutôt de kidnapper des juifs».
Pour lui, Israël a «éliminé le programme nucléaire iranien», vaincu le Hezbollah et «détruit l’armée syrienne», ce qui a conduit les envoyés de Damas à «parler de normalisation et d’accords de paix», mais a-t-il souligné «précisément maintenant, au moment où nos ennemis sont vaincus, au moment où toute la région subit un bouleversement stratégique en notre faveur, précisément maintenant, des voix faibles se font entendre.
Des voix appelant à la reddition – précisément face à notre ennemi le plus faible (…) Le Hamas a perdu le contrôle, le pouvoir. Mais il a une carte en main : nos frères kidnappés. Et face à cette carte, il y a des appels à la concession. Des appels à un accord. Des appels à un cessez-le-feu (…) il n’y a pas de plus grand danger pour l’avenir de l’Etat d’Israël que de répondre à de tels appels». Les mêmes propos sont tenus par l’extrémiste ministre de la Sécurité, Itmar BenGvir.
Il s’est déclaré contre «tout accord pour la fin de la guerre à Ghaza» et dénoncé les poursuites contre Netanyahu, décrites comme «un harcèlement politique», avant d’appeler à «la déportation rapide» des Ghazaouis «pour régler définitivement», a-t-il souligné, «le problème de Ghaza». La population de l’enclave a encore un long chemin avant qu’elle ne retrouve la paix et que ses souffrances s’arrêtent, surtout que la communauté internationale peine à mettre un terme aux agissements d’une entité paria qui met tout le Moyen-Orient en danger, en guerroyant, en Syrie, au Liban, à Ghaza, au Yémen, en Iran et en Irak, en toute impunité.