Médecins du Monde (MDM) dénonce le blocus humanitaire à Ghaza : La faim est utilisée comme «arme de guerre»

14/05/2025 mis à jour: 17:03
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La population ghazaouie subit un blocus humanitaire dans l’indifférence générale - Photo : D. R.

Dans un rapport fondé sur les données de six centres de santé qu'elle gère à Ghaza,  l'ONG MDM signale un lien entre la hausse des taux de malnutrition et la baisse des volumes d'aide entrant dans le territoire palestinien.

Les alertes d’ONG et d’agences onusiennes sur l’aggravation de la crise humanitaire dans la bande de Ghaza se poursuivent, sur fond des bombardements meurtriers incessants de l’armée israélienne. Hier, c’était au tour de l'ONG Médecins du monde (MDM) de dénoncer l'utilisation de la faim comme «arme de guerre».

La malnutrition aiguë dans la bande de Ghaza est utilisée comme «arme de guerre» à travers le blocus imposé par Israël au territoire palestinien, a alerté l'ONG MDM. Après 18 mois d’agression, la bande de Ghaza a atteint des niveaux de malnutrition «comparables à ceux observés dans les pays confrontés à des crises humanitaires prolongées s'étalant sur plusieurs décennies» comme le Yémen ou le Nigeria, dit-elle. Dans un rapport fondé sur les données de six centres de santé qu'elle gère à Ghaza, l'ONG MDM signale un lien entre la hausse des taux de malnutrition et la baisse des volumes d'aide entrant dans le territoire palestinien.

En novembre par exemple, un pic de malnutrition infantile de 17% a été observé, une période qui coïncide avec une réduction importante de l'entrée d'aide humanitaire. L'aide entre principalement par des points de passage situés entre la bande de Ghaza et Israël. Celui de Rafah, à la frontière avec l'Egypte, est inopérant depuis la prise de la ville par l'armée israélienne au printemps 2024.

Les volumes d'aide ont fluctué depuis le début de l’agression, mais les autorités israéliennes ont fermé les points de passage depuis le 2 mars, disant vouloir ainsi contraindre le Hamas à libérer les otages. Le cabinet de sécurité israélien prétend qu'il y a «actuellement suffisamment de nourriture» à Ghaza. Sur le terrain, les ONG dénoncent une situation dramatique.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a, quant à lui, annoncé, le 25 avril, avoir «épuisé tous ses stocks». «Nous ne sommes pas témoins d'une crise humanitaire mais d'une crise d'humanité et de faillite morale avec l'utilisation de la faim comme arme de guerre», juge Jean-François Corty, président de MDM.

«L'inaction des Etats tiers qui ont les moyens de faire pression sur les autorités israéliennes pour qu'elles lèvent ce siège meurtrier est inacceptable et pourrait être assimilée à de la complicité au regard du droit international», dénonce-t-il. Le rapport de MDM détaille l'effet domino de la diminution des réserves alimentaires, mais aussi de la destruction d'installations agricoles ou des systèmes d'assainissement, sur la crise de la malnutrition.

MDM explique également qu'en avril 2025, près d'un enfant sur quatre et une femme enceinte ou allaitante sur cinq, parmi la cohorte examinée par ses équipes, étaient à la limite ou avaient dépassé le seuil de malnutrition aiguë. L'organisation précise ne pas pouvoir déclarer officiellement qu'une famine est en cours, faute de données complètes sur l'ensemble du territoire palestinien.

Hôpital bombardé à Khan Younès

Un rapport IPC (cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire) – fruit du travail d'ONG, d'institutions et d'agences de l'ONU spécialisées faisant autorité – a conclu, avant-hier, que la bande de Ghaza était confrontée à «un risque critique de famine», avec 22% de la population bientôt dans une situation «catastrophique».

Pour la période du 1er avril au 10 mai, le consortium, qui classifie le niveau d'insécurité alimentaire selon cinq niveaux, a classé 1,95 million de personnes (93% du total) en situation de «crise» (niveau 3) «ou pire», dont 925 000 en niveau 4 (urgence) et 244 000 personnes en situation de catastrophe (niveau 5).

«Nous n’avons pas besoin d’attendre une déclaration de famine à Ghaza pour savoir que des personnes sont déjà affamées, malades et mourantes, alors que la nourriture et les médicaments sont à quelques minutes, de l’autre côté de la frontière», a dénoncé le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans un message publié sur son compte X, dans la foulée de la publication du rapport IPC. L’intensification de la faim intervient dans un contexte de reprise des bombardements, après une pause observée pour la libération de l'otage israélo-américain Edan Alexander.

L’armée israélienne a frappé dans la nuit de lundi à mardi, un hôpital à Khan Younès et tuant, selon le Hamas, un journaliste. Dans un communiqué, le Hamas a affirmé que la frappe sur l’hôpital avait «provoqué la mort de patients», sans en préciser le nombre. Il a accusé Israël d’avoir «assassiné» le journaliste Hassan Aslih, présenté comme le directeur de l’agence de presse palestinienne Alam24.

«L’armée israélienne a bombardé le service de chirurgie de l’hôpital Nasser, à Khan Younès, tôt mardi et a tué le journaliste Hassan Aslih, qui travaillait pour plusieurs organisations locales et arabes et pour plusieurs agences», a déclaré  le porte-parole de la Défense civile à Ghaza, Mahmoud Bassal. Selon les autorités du Hamas, Hassan Aslih était soigné dans cet établissement après avoir été blessé le 7 avril lors d’une frappe israélienne visant une tente utilisée par des journalistes à proximité.

Deux autres journalistes avaient été tués, selon la même source, à l’époque : Hilmi Al Faqaawi, qui travaillait pour une agence de presse, et Ahmad Mansour, employé de l’agence Palestine Today. Des sources médicales citées par l’agence de presse palestinienne Wafa ont annoncé, hier, que 31 personnes étaient mortes au cours des dernières 24 heures à Ghaza. 73 autres ont été blessées et ont été prises en charge dans les hôpitaux de la bande de Ghaza.

Cela porte à plus de 52 900 morts le bilan depuis les attaques du 7 octobre. Malgré la libération d’un otage, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a annoncé que l'armée israélienne entrerait «avec toute sa force» dans la bande de Ghaza dans les jours à venir. Il a aussi affirmé que ses services s'employaient actuellement à trouver des pays prêts à accepter des Palestiniens susceptibles de quitter, en très grand nombre selon lui, la bande de Ghaza.
 

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