Dans le théâtre de marionnettes de Salzbourg, 18 mains s’agitent dans l’ombre pour donner vie aux personnages grâce à un art centenaire qui requiert des années de formation. Edouard Funck, lunettes rondes, fines moustaches et cheveux en bataille, est l’un de ceux qui tirent les ficelles «deux mètres au-dessus de la scène».
Passionné par les coulisses des spectacles depuis son enfance parisienne, il est intarissable sur la technique inventée il y a 110 ans par le fondateur de ce beau théâtre, le sculpteur autrichien Anton Aicher, et désormais reconnue par l’Unesco. «C’est comme jouer d’un instrument de musique : on ne pense pas aux cordes durant la représentation» et on connaît sa partition, explique l’artiste de 34 ans. Ici les mouvements des figurines sont ultra-précis, les émotions sont palpables.
L’arme secrète ? Une petite croix pour manipuler les marionnettes, qui tient dans une seule main et permet «aux personnages de s’embrasser ou de s’étreindre», ce qui n’est «pas toujours possible avec une technique différente». Apprendre à la manier n’est enseigné dans aucune école : il faut se former ici et plusieurs années sont exigées pour atteindre une parfaite maîtrise. Sachant que certains personnages complexes peuvent compter des dizaines de ficelles, nécessitant jusqu’à cinq spécialistes.
Les marionnettistes sont aussi ceux qui construisent les pantins : ils consacrent des heures quotidiennement à ces êtres de bois, dont des centaines peuplent les ateliers, avant de se livrer à la représentation dans la salle baroque. Blanche-Neige et les Sept Nains, le Petit Prince, la Flûte enchantée : chaque fantoche est sculpté, peint et habillé par les artistes eux-mêmes pour animer un vaste répertoire puisant dans les contes, comme dans les comédies musicales. «C’est un métier pas commun», souligne Edouard Funck, costumier de formation et fier membre de l’équipe. Le théâtre, qui fait vivre 19 personnes, a vu sa fréquentation augmenter ces dernières années. Les gens «se lassent un peu du monde virtuel» et montrent à nouveau de l’intérêt pour «ce qui se touche, s’écoute et se voit», note-t-il.