Ce deuxième round des négociations pour le maintien du cessez-le-feu à Ghaza débute aujourd’hui, avec l’arrivée de l’envoyée américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, dans un contexte marqué par un mécontentement entre Israéliens et Américains autour des pourparlers directs entre ces derniers et le Hamas.
Tous les regards étaient tournés hier vers Doha, où devaient commencer le second round des négociations pour le maintien du cessez-le-feu et la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens à travers les médiateurs qataris et égyptiens, sous la supervision de l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff.
Même s’il y a eu une volonté pour revenir aux négociations, après la remise en cause des termes de l’accord de cessez-le-feu par Israël, en mettant sur la table une nouvelle offre et une nouvelle étape, ces pourparlers ont été, avant même qu’ils ne commencent, fragilisés par des divergences entre l’envoyé spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, et le conseiller du président Donald Trump pour les otages, Adam Boehler, mais aussi par les obstacles dressés par le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, contre tout accord qui mettrait fin à la guerre et ferait sortir ses troupes de Ghaza.
Ainsi, les négociations directes inédites menées par Adam Boehler, à Doha, avec des dirigeants du Hamas ne semblent pas faire unanimité à Washington. Lundi soir, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré au site américain Axios que le président Trump «soutient pleinement» les pourparlers menés par son envoyé Adam Boehler avec le Hamas, mais que «l’administration américaine ne veut pas que ces négociations et la colère d’Israël à leur égard bloquent d’autres voies vers un accord sur Ghaza».
Ce qui est en contradiction avec les propos du secrétaire d’Etat, Marco Rubio, qui a qualifié, dans la soirée de lundi dernier, les négociations directes avec le Hamas d’«événement ponctuel» qui «n’a pas porté ses fruits». Pour Rubio, «le principal canal de négociation» sur ce nouvel accord «est l’envoyé de la Maison-Blanche au Moyen-Orient, Steve Witkoff, par l’intermédiaire des Qataris» qu’il a rejoint hier à Doha.
Pour sa part, Netanyahu, très contrarié par la démarche de Boehler, s’est abstenu de la critiquer publiquement mais, selon les médias israéliens, un de ses plus proches conseillers, Ron Dermer, ministre des Affaires stratégiques, a déclaré dimanche dernier, lors d’une réunion du cabinet de sécurité, que «les discussions de Boehler avec le Hamas ne représentaient pas la position de l’administration Trump». Aux ministres, «il a affirmé qu'Israël avait reçu des assurances» de la part de l’administration Trump, selon laquelle «cela ne se reproduirait plus» et que Witkoff serait «le seul canal pour les négociations sur les otages».
Divergences entre la Maison-Blanche et l’administration Trump
Il faut dire que les déclarations du conseiller de Donald Trump pour les otages, Adam Boehler, ont fait grincer des dents à Tel-Aviv, notamment le fait de dire que «les Etats-Unis ne sont pas un agent d'Israël», a écrit le journal hébreu Times Of Israel, en précisant que cette phrase a irrité de hauts responsables, les remarques de Boehler ont encore plus «irrité de hauts responsables israéliens, qui pensent que le conseiller américain est passé à la télévision pour envoyer un message clair à Israël».
Boehler avait déclaré, à la chaîne américaine CNN, qu’un accord pourrait être conclu «d’ici quelques semaines» pour garantir «la libération de tous les otages restants et pas seulement des cinq otages américano-israéliens», en précisant qu’une «trêve à long terme» était «très proche», mais à la chaîne israélienne Channel 12, il a exprimé le soutien de Washington de «toute décision israélienne, y compris un retour à la guerre». Deux jours après, le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a présenté les pourparlers directs avec le Hamas, comme une «situation ponctuelle» qui «n'a pas porté ses fruits».
Pour Rubio, le «principal vecteur des négociations» est l’envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff. «Il s’agissait d’une situation exceptionnelle dans laquelle notre envoyé spécial pour les otages, dont la mission est de faire libérer les gens, a eu l’occasion de parler directement à quelqu’un qui a le contrôle sur ces personnes et a reçu l’autorisation et l’encouragement de le faire. Il l’a fait», a déclaré Rubio aux journalistes qui l’accompagnaient dans sa visite en Arabie Saoudite. «Pour l’instant, cela n’a pas porté ses fruits. Cela ne veut pas dire qu’il a eu tort d’essayer», a-t-il souligné.
Ce qui pourrait confirmer l’information révélée hier par le site américain Axios, selon laquelle l’un des plus proches conseillers de Netanyahu, le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, «a déclaré, lors d’une réunion du cabinet de sécurité dimanche, que les pourparlers directs avec le Hamas menés par Boehler ne représentaient pas la position de la Maison-Blanche». Citant, «un responsable israélien», sous le couvert de l’anonymat, le site a révélé que l’administration Trump a indiqué a promis que «cela ne se reproduirait plus» et que l’envoyé américain Steve Witkoff «resterait le principal négociateur sur la question des otages israéliens».
Mais, hier, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré au même média que Trump «soutient et soutient pleinement» les actions de Boehler. Dermer, faut-il le rappeler, a eu, il y a une semaine, une discussion téléphonique très tendue avec Boehler, qui portait justement sur les pourparlers américains directs avec le Hamas, lui reprochant de ne pas avoir coordonné ses rencontres avec Israël, avait écrit le site Axios.
La colère muette d'Israël
Pour l’équipe de Boehler, ces révélations ont été fuitées par Israël, très contrarié. Boehler a déclaré qu’il se «fiche du mécontentement de Dermer». Dans une interview à CNN, le même jour, le conseiller a déclaré qu’il comprenait les «inquiétudes» concernant les pourparlers, mais a précisé : «Nous sommes les Etats-Unis, pas un agent d'Israël» avec «des intérêts spécifiques en jeu».
Entre les déclarations de Boehler et de Witkoff, il y a une très grande nuance. Est-ce un partage de rôle, ou une profonde divergence entre l’administration de Trump et la Maison-Blanche ? La question reste posée. Ce qui est certain, ils veulent que le Hamas se démilitarise et quitte Ghaza. «Le premier pas serait que le Hamas se démilitarise, ne se réarme pas, laisse toutes ses armes sur le terrain et quitte Ghaza.
Je crois qu’ils n’ont pas d’autre choix que de partir. S’ils partent, tout est sur la table pour une paix négociée et c’est ce qu’ils devraient faire», a déclaré Witkoff, lundi dans la soirée, à la chaîne américaine Fox News. A aucun moment, ce dernier n’a évoqué ce plan qui porte son nom, présenté par Netanyahu, après s’être désengagé de l’exécution de la 2e phase de l’accord de cessez-le-feu, avant la fin de la 1re étape, le 1er mars.
Ce plan prévoit une prolongation de la 1re étape de l’accord, la libération de dix otages israéliens vivants, dont un Israélo-Américain, en échange d’un cessez-le-feu supplémentaire de 60 jours, sans la garantie de la fin de la guerre. Le Hamas n’a pas cessé de réclamer le passage à la deuxième phase de l’accord, qui comprendrait la libération des otages vivants en échange d’une fin définitive de la guerre et du retrait total des troupes israéliennes de Ghaza.
Il s’est déclaré prêt pour une prolongation, à condition qu’elle comporte une garantie de l’arrêt définitif de la guerre et le retrait de l’armée israélienne de Ghaza. Rien n’indique, à ce jour, un changement dans cette position. Israël a déjà dépêché une délégation, dirigée par le patron du Shin Bet, à Doha, pour entamer les discussions, sans lui donner mandat pour prendre des décisions. Selon la Chaîne 13 israélienne, une source au sein de l’équipe de négociation a informé les familles des otages que «le niveau politique faisait obstacle à la conclusion d’un accord».
8658 plaintes pour islamophobie aux États-Unis
Les discriminations et les attaques contre les musulmans et les arabes américains ont augmenté de 7,4% en 2024 en raison d’une islamophobie accrue, alimentée par la guerre contre Ghaza, et les manifestations de soutien aux Palestiniens, des campus universitaires.
C’est la conclusion à laquelle est arrivé, le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), basé aux Etats-Unis, après une étude sur l’islamophobie, qui lui a permis de recenser, 8658 plaintes pour discrimination anti-musulmane et anti-arabe, rien que pour l’année 2024.
Il s’agit du nombre le plus élevé que le Conseil a commencé à publier ces données 1996. Selon l’enquête du CAIR, la plupart des plaintes concernent la discrimination à l’emploi soit 15,4%, suivies de l’immigration et l’asile, avec 14,8%, la discrimination dans l’éducation, avec 9,8% et les crimes haineux avec 7,5%.
Les membres du Conseil ont relevé une montée rapide et importante de l’islamophobie, des préjugés anti-arabes et de l’antisémitisme depuis le début de l’offensive israélienne contre Ghaza, déclenchée après du 7 octobre 2023, et détaillent la répression policière contre les campus universitaires, à la suite des manifestations estudiantines pro-palestiniennes.
En signe de solidarité, les étudiants exigeaient la fin du soutien américain à Israël mais aussi la fin de la coopération académique avec l’Etat hébreu. Au plus fort des mobilisations sur les campus à l’été 2024, des cours ont été annulés, plusieurs administrateurs universitaires ont démissionné et des étudiants ont été suspendus ou arrêtés.
Les ONG de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression ont été unanimes à condamner le recours à la répression policière et aux poursuites judiciaires et sanctions administratives contre les manifestants. Les plus spectaculaires et violentes arrestations ont eu lieu à l’université Columbia, la première qui a manifesté son soutien avec les Palestiniens, mais aussi l’attaque par une foule d’extrémistes, contre des manifestants pro-palestiniens à l’Université de Californie à Los Angeles. Salima Tlemçani