Les migrations existent depuis l’aube de l’humanité

02/03/2023 mis à jour: 08:54
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La Méditerranée centrale a connu, dimanche dernier, un de ses naufrages les plus meurtriers. Une embarcation de migrants venue de Turquie, avec à son bord plus de deux cents personnes, dont des Afghans, des Pakistanais, des Somaliens, des Iraniens, des Palestiniens et des Syriens, s’est écrasée contre des rochers près de Crotone, en Calabre, dans le sud de l’Italie. Le bilan s’est alourdi hier à près de 70 morts et environ 80 personnes ont survécu à la tragédie, dont de nombreux mineurs.

Des dizaines de milliers de migrants, demandeurs d’asile pour la plupart, tentent chaque année cette traversée de tous les risques au péril de leur vie, espérant accoster en Europe pour venir y chercher une vie meilleure. Les migrants sont de plus en plus nombreux (40 000 par an, selon un décompte non officiel) en raison de la dégradation de leurs conditions de vie et du manque de travail dans leurs pays respectifs.

Première porte d’entrée en Europe, l’Italie a de tout temps concentré l’essentiel des arrivées sur son sol de ce mouvement migratoire venu du sud et de l’est de la Méditerranée, alors que la plupart de ces migrants ne restent pas sur le sol italien et privilégient d’autres destinations européennes. La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, a jugé qu’il était criminel «de mettre en mer une embarcation de 20 mètres à peine avec 200 personnes à bord et une mauvaise prévision météo», passant sous silence que son prédécesseur avait fait voter une loi pour empêcher tout sauvetage en mer, sous le prétexte de faire détourner les embarcations clandestines vers d’autres portes d’entrée. L’Italie, par où ont déjà transité des centaines de milliers de migrants ces dernières années, reproche à ses partenaires européens de la laisser porter seule le fardeau et de manquer de solidarité dans la répartition des arrivants dans les pays de l’Union. Seule la France a demandé à accélérer le processus de négociations internes au continent pour parvenir au plus vite à «un pacte sur la migration et l’asile». Ce pacte doit être conclu avant la fin de la mandature du Parlement européen en 2024 et, c’est là où ralentit ce projet : il concerne un meilleur partage des responsabilités dans l’UE en matière d’accueil des migrants.

Les ONG ne récupèrent en mer pour leur part qu’un faible pourcentage des migrants naufragés souhaitant arriver en Europe. Avec ce énième naufrage, qui a décimé des familles entières en quête, quoi de plus légitime, de conditions de vie acceptables, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, est monté au créneau pour appeler au renforcement des opérations de sauvetage. «Tous ceux qui recherchent une vie meilleure méritent la sécurité et la dignité. Nous avons besoin de voies sûres et légales pour les migrants et les réfugiés.» Malheureusement, ces vœux pieux subissent des blocages au niveau de certains pays européens sous l’influence des partis d’extrême droite ou de leaders d’opinions extrémistes, qui ont la haine de l’étranger. Ces derniers s’appuient sur des thèses alarmistes et racistes qui trouvent du crédit auprès de leurs opinions publiques.

Le phénomène de la migration n’est pas propre à notre époque, comme le tait insidieusement l’Europe bien pensante en cette période de grands écarts socioéconomiques entre le Nord riche et le Sud appauvri. De tout temps, l’histoire de l’humanité nous apprend que les hommes et les femmes ont toujours migré. De l’Europe vers les Amériques et de l’Asie vers l’Europe et le Nouveau Monde, les migrations se faisaient sous la contrainte, la fuite de la répression politique ou religieuse, mais également pour assouvir des besoins légitimes liés aux conditions de vie déplorables. Il y a plus d’un siècle, l’Europe a même connu une migration intérieure propre au continent. Sous l’effet de l’insécurité ou en fonction de difficultés économiques et sociales, certaines populations se sont déplacées par vagues successives vers des régions mieux développées et plus apaisées (citons les Italiens, Portugais, Polonais, Irlandais, etc.). Le flux important des migrants chinois ces deux derniers siècles et jusqu’à aujourd’hui est un exemple de mobilité constatée sur trois continents. Plus près de nous, et à cause de la guerre russo-ukrainienne, des pays de l’Union européenne viennent d’absorber en moins d’une année près de trois millions d’Ukrainiens fuyant les zones de combat. Sans trop de bruit, ils ont été intégrés économiquement et logés décemment dans leur ensemble. Ceci pour dire que le branle-bas orchestré autour des pauvres migrants venus d’Afrique et d’ailleurs, qui ont eu la chance de ne pas périr en mer, sont d’une visibilité telle, qu’ils sont rejetés sans autre forme de procès par «l’Europe judéo-chrétienne».

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