Le dispositif de distribution de l’aide humanitaire à Ghaza, et dont la nouvelle pièce maîtresse est la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation douteuse de droit privé parrainée par les Etats-Unis et adoubée par Israël, continue à susciter de vives réactions de consternation après les récents carnages perpétrés sur des sites placés sous sa responsabilité.
Ce dispositif, qui consiste à distribuer des colis alimentaires en nombre limité dans quelques centres seulement, tous cantonnés au sud de l’enclave, sous haute surveillance militaire, a déjà provoqué la mort de dizaines de Palestiniens affamés réduits à devoir choisir entre mourir de faim ou mourir sous les tirs de l’occupant.
Le Bureau gouvernemental des médias à Ghaza a indiqué hier dans un communiqué que le bilan des massacres commis par les forces d’occupation israéliennes à proximité des centres de distribution d'aide supervisés par la GHF s'élève à 52 morts et 340 blessés depuis l’ouverture de ces centres le 27 mai. La même source a précisé que dans la matinée de ce lundi 2 juin, les troupes sionistes ont tué «3 civils affamés et en ont blessé 35 autres près des centres de distribution de la soi-disant aide à Rafah, dans la continuité de la politique de famine et de ciblage systématique des civils pratiquée depuis 93 jours».
Le Centre palestinien d’information (CPI) note que «les centres de distribution d'aide que l'occupation a mis en place loin des déplacés, et gérés par une société américaine qu'elle a créée à cet effet et dont elle a exclu les organisations internationales, ont fait l'objet d'une large condamnation locale et internationale».
«Un moyen d'extermination lente et d'humiliation de masse»
De son côté, le Centre palestinien des droits de l'homme (CPDH) a déclaré dans un communiqué diffusé hier à propos de ce dispositif d’aide à la sauce «Trump-Netanyahu» : «L'objectif d'Israël derrière ce mécanisme d'aide est d'augmenter la dose d'humiliation de notre peuple dans le cadre de sa politique génocidaire.» Le CPDH relève que «des milliers de citoyens se rassemblent chaque jour près des points de distribution mis en place par l'occupation et gérés par la Gaza Humanitarian Foundation qui a été créée par l'occupation elle-même et supervisée par une société de sécurité privée américaine».
Et d’expliquer comment ce dispositif de distribution est fondamentalement problématique et violent : «Malgré le grand nombre de personnes rassemblées, les quantités de colis de secours disponibles à ces points de distribution sont souvent limitées et ne suffisent que pour des dizaines ou des centaines de personnes.
La distribution est effectuée sans listes préalables de bénéficiaires ni un cadre organisé, ce qui rend le processus aléatoire et chaotique, et aggrave les souffrances des foules (…) qui se retrouvent rapidement sous le feu des forces israéliennes présentes dans la région», dénonce le CPDH.
Pour cet organisme palestinien, ces faits «démontrent clairement l'inefficacité du dispositif adopté par l'occupation pour la distribution de l'aide humanitaire». Le CPDH déplore le fait que «les forces israéliennes continuent à l’appliquer malgré le chaos qu'il a provoqué et les morts et les blessés qu'il cause quotidiennement depuis sa mise en place».
«Cela reflète l'incapacité de ce mécanisme à fournir une aide réelle à la population assiégée et affamée de la bande de Ghaza» et «sa transformation en une arène d'humiliation et de violation de la dignité humaine, dans le contexte d'une politique de famine systématique et sans précédent mise en œuvre par les forces d'occupation à l'encontre des civils palestiniens depuis plusieurs mois», estime cette organisation.
Dans cette quête périlleuse du colis alimentaire devenu vital, «le civil palestinien (à Ghaza) est confronté à trois options : être tué par des balles de snipers ou sous les bombardements, revenir sans nourriture, ou mener une lutte humiliante avec des dizaines d'autres personnes affamées pour obtenir un colis alimentaire qui n'est pas même suffisant pour une journée».
Pour le Centre palestinien des droits de l'homme, «la poursuite du mécanisme de distribution de l'aide de cette manière humiliante et mortelle, malgré les massacres répétés, révèle sans aucun doute que l'intention de l'occupation n'est pas de fournir une aide humanitaire, mais de l'utiliser comme un moyen d'extermination lente et d'humiliation de masse».
«Un système d’aide déshumanisant»
L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a déclaré avant-hier que des personnes qu'elle a soignées dans un centre d'aide géré par Gaza Humanitarian Foundation se sont fait «tirer dessus de tous les côtés» par l’armée sioniste. «Les patients ont dit à MSF qu'on leur avait tiré dessus de tous les côtés avec des drones, des hélicoptères, des bateaux, des tanks et des soldats israéliens au sol», a affirmé l’ONG dans un communiqué cité par l’AFP.
Claire Manera, coordinatrice d'urgence de MSF, a qualifié dans ce communiqué le système de distribution d'aide de la GHF de «déshumanisant, dangereux et sévèrement inefficace». «Il a entraîné des décès et des blessures de civils qui auraient pu être évités. L'aide humanitaire doit être apportée uniquement par des organisations humanitaires qui ont la compétence et la détermination de le faire en toute sécurité et efficacement», a-t-elle souligné. Nour Alsaqa, une porte-parole de MSF, a affirmé pour sa part dans le même communiqué que les couloirs d’un hôpital étaient remplis de patients, principalement des hommes, avec des blessures par balle visibles dans leurs membres.
L’ONG cite un homme blessé, Mansour Sami Abdi, qui dit avoir été témoin d’une échauffourée entre plusieurs personnes «pour seulement cinq palettes d'aide». «Ils nous ont dit de prendre de la nourriture - puis ils ont tiré de partout», a-t-il assuré, avant de lancer : «Ce n'est pas de l'aide. C'est un mensonge.»
La Défense civile palestinienne a fait état de tirs israéliens ayant visé dimanche matin des personnes qui se dirigeaient vers un centre d'aide alimentaire de la GHF, dans le gouvernorat de Rafah, faisant au moins 31 morts et plus de 176 blessés. Le commissaire général de l’UNRWA Philippe Lazzarini a sévèrement critiqué lui aussi le système d’aide mis en place par Israël et les Etats-Unis dans l’enclave assiégée. «La distribution de l'aide à Ghaza est devenue un piège mortel», a-t-il asséné dans un post publié sur X. «Ce matin (dimanche 1er juin, ndlr), des coups de feu ont fait de nombreuses victimes, dont des dizaines de blessés et de morts parmi les civils affamés. C'est ce que rapportent les médecins internationaux sur le terrain.
Ce système humiliant a forcé des milliers de personnes affamées et désespérées à marcher pendant des dizaines de kilomètres jusqu'à une zone qui est pratiquement pulvérisée en raison des bombardements intensifs de l'armée israélienne. Les livraisons et la distribution de l'aide doivent se faire à grande échelle et en toute sécurité. Dans la bande de Ghaza, cela ne peut se faire que par l'intermédiaire des Nations Unies, y compris l’UNRWA», a-t-il plaidé.
Et de souligner : «L'Etat d'Israël doit lever le siège et permettre à l'ONU d'accéder librement (à Ghaza) pour y acheminer l'aide et la distribuer en toute sécurité. C'est le seul moyen d'éviter une famine de masse qui menace un million d'enfants. Les médias internationaux doivent être autorisés à entrer dans la bande de Ghaza pour rendre compte en toute indépendance des atrocités qui s'y déroulent, y compris le crime odieux de ce matin.» Mustapha Benfodil
Après des tirs mortels près d'un centre d'aide : Guterres appelle à l’ouverture d’une enquête
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé hier à l’ouverture d’une enquête indépendante après la mort d'au moins 31 personnes à la suite de tirs la veille près d'un centre d'aide humanitaire à Ghaza, imputés par les secours à l'armée israélienne. Selon la Défense civile, des tirs israéliens ont fait au moins 31 morts et 176 blessés à proximité d'un centre de distribution d'aide alimentaire dépendant de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) dans le gouvernorat de Rafah, au sud de la bande de Ghaza. Un porte-parole de la GHF a nié tout incident, dénonçant des informations «fausses et fabriquées de toutes pièces». «Je suis consterné par les informations faisant état de Palestiniens tués et blessés alors qu'ils cherchaient de l'aide à Ghaza», a déclaré hier le chef de l'ONU dans un communiqué. «Il est inacceptable que des Palestiniens risquent leur vie pour obtenir de la nourriture», a-t-il ajouté. «Je demande l'ouverture immédiate d'une enquête indépendante sur ces événements et que les auteurs soient tenus pour responsables», a-t-il plaidé.
La GHF, officiellement une société privée dotée d'un financement opaque, affirme avoir distribué des millions de repas depuis le début de ses opérations fin mai, mais son déploiement a été marqué par des scènes chaotiques et des informations faisant état de victimes de tirs israéliens à proximité des centres de distribution. Les Nations unies ont refusé de travailler avec cette organisation en raison de préoccupations concernant ses procédés et sa neutralité, certaines agences d'aide humanitaire estimant qu'elle semblait avoir été conçue pour répondre aux objectifs militaires israéliens. Avec AFP