Plus de 330 millions de dollars de projets ont été bloqués, par l’administration Trump, notamment dans certaines parties du monde les plus difficiles, ce que déplore la cheffe du Fonds des Nations unies pour la population.
Le Fonds des Nations unies pour la population fait régulièrement face à des coupes budgétaires de la part des États-Unis, mais cette fois, l’impact des décisions prises par l’administration de Donald Trump est jugé particulièrement sévère par Natalia Kanem, directrice de l’agence onusienne. Selon elle, les effets sont dévastateurs pour la santé reproductive à l’échelle mondiale.
Depuis 1985, l’amendement Kemp-Kasten, adopté par le Congrès américain, permet aux présidents républicains de suspendre le financement du FNUAP, sous prétexte que celui-ci soutiendrait des pratiques comme les avortements ou les stérilisations forcées en Chine, une accusation systématiquement rejetée par l’agence. La seconde présidence Trump n’a pas fait exception. Plus de 330 millions de dollars de projets ont été arrêtés brutalement, y compris dans des zones particulièrement vulnérables comme l’Afghanistan, précise Natalia Kanem à l’occasion de la publication du rapport annuel du FNUAP.
Elle cite notamment le camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie, où des sages-femmes avaient accompagné environ 18 000 accouchements sans qu’aucun décès maternel ne soit enregistré. Ces services ont depuis été fermés en raison du manque de financements. Les conséquences de ces coupes ne peuvent pas encore être chiffrées avec précision, mais elles entraîneront inévitablement une hausse de la mortalité maternelle et des grossesses non désirées. Ce qui rend la situation encore plus grave, selon la responsable, c’est que les autres acteurs du secteur de la santé reproductive, qui auraient pu pallier ces manques, subissent eux aussi les effets des réductions d’aide internationale décidées par Washington.
L’administration Trump a opéré une réduction massive des programmes d’aide extérieure. Pour Natalia Kanem, l’année en cours est même bien pire que les précédentes, car tous les acteurs du domaine se trouvent fragilisés. Le retrait des États-Unis du financement des services liés à la santé reproductive a, selon elle, des conséquences profondément destructrices.
Au-delà des financements, la politique américaine remet aussi en question des principes fondamentaux liés à l’égalité de genre. Natalia Kanem insiste sur le fait que les droits et les choix des femmes et des adolescentes ne devraient faire l’objet d’aucun compromis. Elle déplore que, dans certains contextes, les jeunes filles soient empêchées de finir leurs études, poussées à se marier ou à avoir des enfants contre leur volonté. Elle appelle à une protection sans faille de leurs droits fondamentaux.
Le rapport annuel du FNUAP s’appuie sur une enquête menée par YouGov auprès de 14 000 personnes dans 14 pays, représentant plus d’un tiers de la population mondiale. Il révèle qu’une large proportion des personnes interrogées n’a pas pu fonder la famille souhaitée. Plus de 40 % des personnes âgées de plus de 50 ans indiquent ne pas avoir eu le nombre d’enfants désiré, principalement pour des raisons économiques. À l’inverse, une personne sur cinq affirme avoir subi des pressions pour avoir un enfant. Un tiers des adultes interrogés déclare avoir vécu une grossesse non désirée.
Dans un monde où la population dépasse désormais les huit milliards d’individus, mais où de nombreux pays enregistrent des taux de natalité inférieurs au seuil de renouvellement des générations, les débats démographiques prennent parfois des tournures extrêmes. Certains estiment qu’il y a trop d’humains sur Terre, d’autres affirment que les femmes devraient avoir davantage d’enfants. Natalia Kanem insiste pour recentrer le débat sur les droits fondamentaux. Selon elle, ce sont les désirs réels, les choix et les droits des femmes qui doivent guider les politiques publiques, et non des objectifs imposés de l’extérieur.