«Israël n’a aucune autorité légale pour détenir des volontaires internationaux à bord du Madleen», a dénoncé Huwaida Arraf, avocate palestino-américaine et membre de l’équipe organisatrice de la Flottille de la Liberté. «Cette saisie constitue une violation flagrante du droit international et va à l’encontre des décisions contraignantes de la Cour internationale de justice (CIJ qui exigent un accès humanitaire sans entrave à Ghaza. Ces volontaires ne sont pas soumis à la juridiction israélienne et ne peuvent être criminalisés pour avoir apporté de l’aide ou contesté un blocus illégal», a-t-elle souligné.
Comme il fallait s’y attendre, Le Madleen, le navire humanitaire affrété par la Coalition la Flottille de la liberté (Freedom Flotilla Coalition, FFC), a été intercepté et «dérouté» dans la nuit de dimanche à hier par l’armée israélienne alors que le voilier mettait le cap sur Ghaza après avoir longé les côtes égyptiennes. Le bateau, qui a pris son départ au port de Catane, en Sicile, le 1er juin, visait à briser symboliquement le blocus illégal imposé à la bande de Ghaza.
A son bord, se trouvaient 12 militants de différentes nationalités, dont l’eurodéputée Rima Hassan et l’activiste écologiste Greta Thunberg. Des images largement relayées ont montré les membres de la flottille au moment où le bateau a été arraisonné par les forces israéliennes. Vêtus de gilets de sauvetage orange, les passagers pro-palestiniens levaient les mains en l’air. Certains ont jeté leurs téléphones portables avant l’assaut.
Sur le compte X de Rima Hassan, il était précisé après leur arrestation : «La communication de Rima est assurée par son équipe depuis que nous avons perdu contact avec elle aux alentours de deux heures du matin.» C’était l’heure où le bateau a été intercepté. «Le voilier a été dérouté vers le port d’Ahsdod, grand port commercial du sud d’Israël, non loin de Ghaza, où les passagers doivent être débarqués», a indiqué l’AFP en citant le ministère israélien de la Défense. «Il est prévu que les passagers retournent dans leurs pays», a rassuré de son côté le ministère israélien des Affaires étrangères.
Avant le Madleen, le Conscience a été bombardé.
Dans un communiqué publié tôt hier matin, FFC alertait : «La Flottille de la liberté confirme que son navire civil, le Madleen, transportant de l’aide humanitaire pour Ghaza, a été attaqué et intercepté de force par l’armée israélienne à 3h02 CET (2h heure d’Alger, ndlr) dans les eaux internationales.»
Et de préciser : «Le navire a été abordé illégalement, son équipage civil non armé a été enlevé et sa cargaison vitale – comprenant du lait pour bébé, de la nourriture et des fournitures médicales – a été confisquée.» «Israël n’a aucune autorité légale pour détenir des volontaires internationaux à bord du Madleen», a dénoncé Huwaida Arraf, avocate palestino-américaine spécialisée des droits de l'homme et membre de l’équipe organisatrice de la Flottille de la liberté, citée dans le communiqué.
«Cette saisie constitue une violation flagrante du droit international et va à l’encontre des décisions contraignantes de la Cour internationale de justice (CIJ) qui exigent un accès humanitaire sans entrave à Ghaza. Ces volontaires ne sont pas soumis à la juridiction israélienne et ne peuvent être criminalisés pour avoir apporté de l’aide ou contesté un blocus illégal», a-t-elle souligné.
La Flottille de la liberté n’a pas manqué de rappeler ce qui est arrivé le 2 mai dernier au navire Conscience, affrété également pour se rendre à Ghaza, et qui avait été attaqué par des drones armés à Malte. «Ce dernier acte d’agression (contre l’équipage du Madleen) fait suite à l’attaque impunie d’un drone israélien contre notre précédent navire Conscience, qui a fait quatre blessés parmi les volontaires civils et a laissé le bateau désemparé et en feu dans les eaux européennes», relève l’ONG.
«Les gouvernements du monde entier sont restés silencieux lorsque le Conscience a été bombardé. Aujourd’hui, Israël met à nouveau ce silence à l’épreuve», observe Tan Safi, un autre organisateur de l’expédition humanitaire. Le mouvement Flottille de la liberté en solidarité avec la Palestine créé en 2010 exige «la fin du siège illégal et meurtrier de Ghaza, la libération immédiate de tous les volontaires enlevés, l’acheminement sans délai de l’aide humanitaire directement aux Palestiniens» et «l’obligation de rendre des comptes pour les attaques militaires contre Madleen et (le navire) Conscience».
«Je les regarderai comme Larbi Ben M’Hidi»
La coalition avait rendu publics peu avant le début de cette expédition les noms des 12 «volontaires» retenus pour embarquer à bord du Madeleen en direction de Ghaza. Sur les 12 passagers, six ont la nationalité française : Rima Hassan (eurodéputée), Omar Faiad (envoyé spécial d’Al Jazeera), Baptiste André, Pascal Maurieras, Reva Viard et Yanis Mhamdi (journaliste de Blast).
Le reste de l’équipage est composé de : Greta Thunberg (Suède), Suayb Ordu (Turquie), Mark Van Rennes (Pays-Bas), Sergio Toribio (Espagne), Thiago Avila (Brésil) et Yasemin Acar (Allemagne). Sur les comptes de la Flottille de la liberté sur les réseaux sociaux, chacun des 12 passagers a enregistré une courte vidéo avant l’intervention des forces israéliennes. «Si vous voyez cette vidéo, nous avons été interceptés et kidnappés dans les eaux internationales», a déclaré Greta Thunberg dans une capsule préenregistrée.
En plus de la vidéo qu’elle a réalisée, Rima Hassan, la seule Palestinienne de la flottille, a posté sur son compte X ce message : «Quand ils procéderont à notre arrestation, je les regarderai comme Larbi Ben M’hidi a regardé les colonisateurs de sa terre : sereine, assurée de la libération de la Palestine. Ils sont les occupants de cette terre, nous sommes ses racines. On pense libérer la Palestine, mais c’est elle qui chaque jour nous libère un peu plus.
J’accuse la complicité coloniale occidentale. J’accuse la lâcheté arabe. J’accuse la collaboration de la bourgeoisie palestinienne. Soutien aux résistants, aux révolutionnaires, aux rebelles, aux indisciplinés, aux rêveurs, aux désobéissants, aux éternels inadaptés au désordre de notre monde. ''Jetez la révolution dans la rue, le peuple la ramassera'', (disait) Ben M’hidi.»
Et c’est un large sourire aux lèvres qu’on la verra quelques heures plus tard après l’irruption des force de sécurité de l’Etat hébreu, des hommes du Shayetet 13, la principale unité de commandos de la marine israélienne.
Dans ses derniers messages avant l’intervention militaire sioniste, la militante palestinienne a appelé ses followers à se rassembler place de la République, à Paris. «Leur intervention est prévue pour 2h du matin. On attend. Ceux qui peuvent rejoignez la veillée à République ! On a besoin de votre soutien maintenant !» a-t-elle insisté.
Black-out
Concrètement, comment vont être traités les 12 militants qui sont actuellement entre les mains de la police israélienne ? Pour l’heure, aucune information officielle n’a été rendue publique par l’entité sioniste quant à l’endroit où les 12 activistes humanitaires sont retenus. Sont-ils toujours à Ashdod ou bien ont-ils été transférés vers un lieu secret ?
Comme l’a laissé entendre le ministère israélien des Affaires étrangères, les passagers du Madleen vont être expulsés vers leurs pays respectifs. Cependant, il n’a pas précisé quand pourront-ils rentrer chez eux. En attendant, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné que «des images de l’attaque du Hamas soient montrées aux passagers de la flottille pour Ghaza qui ont été interceptés».
Sur le front diplomatique, la tension a commencé à monter. Des Etats dont des ressortissants font partie de la flottille exhortent Israël à les relâcher. Du fait que six des douze activistes arrêtés sont des citoyens français, c’est la France qui est la plus concernée.
Emmanuel Macron a «demandé de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France» des ressortissants de nationalité française qui ont participé à cette expédition, a indiqué l’Elysée. De son côté, l’Espagne a convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade d’Israël à Madrid pour protester contre la capture, dans les eaux territoriales internationales, du navire humanitaire qui comptait en son sein un activiste espagnol.
La Turquie a qualifié l’intervention militaire israélienne d’«attaque odieuse», tandis que pour l’Iran, «l’attaque contre ce bateau est considérée comme une forme de piraterie au regard du droit international». Amnesty International a estimé pour sa part que «l’interception du Madleen par Israël et la détention de l’équipage bafouent le droit international».
La France insoumise (LFI), parti auquel appartient Rima Hassan, a réagi immédiatement après l’arrestation de l’avocate franco-palestinienne et de ses camarades. Pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, «l’arrestation des membres de l’équipage et la saisie de l’aide destinée à une population en détresse humanitaire sont inacceptables».
Départ de Tunisie d’une caravane de soutien au peuple palestinien
Des centaines de personnes, principalement des Tunisiens, ont pris le départ hier à bord d'autocars à destination de la bande de Ghaza avec l’intention déclarée de «briser le blocus israélien» après plus d’un an et demi de guerre, selon les organisateurs. La caravane Soumoud («résistance») n’apporte pas d’aide humanitaire mais se veut un «acte symbolique» de soutien au territoire palestinien, décrit par les Nations unies comme «l’endroit le plus affamé au monde», selon l’activiste Jawaher Channa, porte-parole de la coalition organisatrice.
Le convoi, qui comprend des médecins, des femmes et des hommes de tout âge, vise à atteindre Rafah (sud de la bande de Ghaza), en passant par la Libye et l’Egypte, bien que Le Caire n’ait pas encore délivré d’autorisation de passage, a dit Mme Channa à l’AFP.
A l’aube, des militants enthousiastes, brandissant des drapeaux tunisiens et palestiniens, sont montés dans une dizaine d’autocars, sous les youyous des femmes et les encouragements de leurs proches et de curieux. «Nous sommes un millier de personnes et d’autres nous rejoindront en cours de route», a affirmé Mme Channa, porte-parole de la Coordination tunisienne d’action commune pour la Palestine.
Selon elle, la traversée de la Libye devrait se faire sans difficultés grâce «au soutien historique de la population à la cause palestinienne», en dépit de récents combats violents dans l’Ouest entre groupes armés, et de la division du pays entre deux camps rivaux, dont celui de l’Est contrôlé par le puissant maréchal Khalifa Haftar. «L’Egypte ne nous a pas encore donné la permission de traverser ses frontières, mais nous verrons ce qui se passera quand nous y arriverons», a-t-elle ajouté.
Des militants algériens, mauritaniens, marocains et libyens font aussi partie de ce groupe qui espère atteindre Rafah d’ici la fin de la semaine. Après 21 mois de guerre, Israël fait face à une pression internationale croissante pour autoriser davantage d’aide à Ghaza afin de pallier les pénuries généralisées de nourriture et de produits de première nécessité.
La marine israélienne a intercepté et dérouté hier le bateau Madleen transportant de l’aide humanitaire pour Ghaza, qui tentait de rallier le territoire palestinien assiégé avec à son bord des militants des droits humains, comme la Suédoise Greta Thunberg. Le voilier avec à son bord 12 militants français, allemand, brésilien, turc, suédois, espagnol et néerlandais, était parti d’Italie le 1er juin pour «briser le blocus israélien» du territoire palestinien. AFP